Santé

L’importance du microbiote

Présent dans l’intestin, le microbiote ne cesse de fasciner le monde médical. Grâce aux avancées technologiques, on découvre aujourd’hui son impact incroyablement diversifié sur notre santé.

Qu’est‑ce que le microbiote ? Anciennement appelé flore intestinale, il contient des milliards de bactéries. Encore inconnu il y a 15 ans, cet écosystème serait impliqué – avec les millions de neurones qui tapissent l’intestin – dans l’obésité, le diabète, les allergies, la dépression, les troubles cardiovasculaires et même les affections dégénératives comme l’alzheimer et le parkinson. «On est en train de comprendre une foule de maladies pour lesquelles on n’avait aucune explication», souligne le Dr Richard Marchand, de l’Institut de cardiologie de Montréal.

Le poids corporel

En 2004, une équipe de l’Université de Washington a mené une expérience qui a fait le tour du monde. Les auteurs ont transféré à deux groupes de souris des bactéries des selles de sujets minces et de sujets obèses. Les rongeurs qui ont reçu le microbiote d’une souris obèse ont grossi, même si les deux groupes avaient exactement la même diète. Un résultat stupéfiant.

On a observé un lien semblable chez les êtres humains. «Par exemple, on ne comprenait pas pourquoi les gens qui travaillent de nuit ou qui prennent régulièrement de longs vols internationaux finissent toujours par gagner des kilos», dit Joaquin Madrenas, de l’Université McGill. On s’est finalement aperçu que leur microbiote était perturbé par le dérèglement des cycles circadiens.

Prendre des probiotiques – ces bonnes bactéries vendues en suppléments ou présentes dans des yogourts – pourrait-il alors aider à mincir ? Marina Sanchez, chercheuse à l’Université Laval, a voulu le vérifier auprès de personnes qui suivaient un programme d’amaigrissement. Et, chose étonnante, cela a eu les effets escomptés seulement chez les femmes – rien chez les hommes ! «Les probiotiques ne font pas de miracle, avertit-elle. Il faut aussi changer ses habitudes alimentaires.»

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L’anxiété, la dépression et l’inflammation

L’angoisse prend-elle racine dans l’intestin ? En tout cas, lorsqu’on inocule un échantillon des selles de souris anxieuses à des souris calmes, ces dernières deviennent agitées à leur tour. Cette relation entre entrailles et émotions est d’ailleurs réversible. En observant des étudiants en période de stress, des chercheurs australiens ont noté que leur taux de bonnes bactéries intestinales chutait de façon radicale. «L’intestin et le système nerveux central sont reliés par des nerfs», confirme le Dr Sacha Sidani, gastroentérologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et chercheur à l’Université McMaster, en Ontario. Cela dit, on ne comprend pas encore tout à fait de quelle façon ils communiquent entre eux.

Découverte plus étonnante encore, le microbiote des gens dépressifs ou anxieux diffère de celui des sujets en bonne santé. L’anxiété pourrait même faire partie des symptômes de maladies intestinales. «Les personnes atteintes du syndrome du côlon irritable ne souffrent pas seulement de diarrhée ou de constipation, dit le gastro­entérologue. Plus de 80 % d’entre elles sont aussi anxieuses ou dépressives, comme si les troubles physiques et émotionnels formaient un tout.» Même constat pour la maladie de Crohn, un trouble inflammatoire de l’intestin.

Des chercheurs canadiens et irlandais avancent une hypothèse : sans les bactéries digestives nécessaires, le cerveau et l’intestin ne produiraient pas suffisamment de sérotonine (l’hormone du bonheur), dont l’action est essentielle au bon fonctionnement des deux organes.

D’autres pistes méritent d’être explorées. Par exemple, les arthritiques et les arthro­siques auraient davantage tendance à être déprimés, rapporte le Dr Guy Rousseau, chercheur à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. «On a longtemps cru que c’était à cause de la douleur, dit-il. Mais il y a de plus en plus de preuves que la plupart des maladies inflammatoires s’accompagnent de dépression.»

Pourrait-on améliorer l’humeur en agissant sur l’intestin ? Peut-être. Plusieurs chercheurs, dont le Dr Rousseau, ont démontré que les probiotiques avaient un effet bénéfique. «Franchement, au début de l’étude, je n’y croyais pas», confesse-t-il. Mais, à sa surprise, les résultats ont été positifs.

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L’autisme, le parkinson, l’alzheimer…

On ne cesse de trouver des liens entre l’état du microbiote et différentes maladies, dont des troubles neurodégénératifs comme l’alzheimer, le parkinson ou la sclérose en plaques. Par exemple, des années avant de présenter des symptômes neurologiques, les personnes atteintes de parkinson souffrent de troubles intestinaux, comme la constipation. En 2010, une équipe du Centre hospitalier universitaire de Nantes, en France, a constaté que les lésions détectées dans le système nerveux des malades se retrouvaient également dans l’intestin.

Plus près de nous, des scientifiques de l’Université de Western Ontario suspectent fortement les bactéries intestinales de jouer un rôle dans l’autisme. Il ne s’agit que d’une piste, mais on a observé que les trois quarts des enfants atteints ont des troubles digestifs : allergies alimentaires, crampes abdominales, sensibilité au gluten. Et leur flore intestinale serait pauvre en bonnes bactéries. «On est encore à l’étape des associations entre certaines maladies et certaines caractéristiques du microbiote, tempère le chercheur Joaquin Madrenas. Dans bien des cas, la relation de cause à effet reste à prouver.»

De meilleures bactéries ?

Si des souris maigrissent après avoir reçu le microbiote de souris minces, nous sommes quelques-unes à rêver du jour où l’on pourra en faire autant chez l’humain ! Hélas, ce n’est pas si simple. «Lorsqu’on transfère des bactéries intestinales d’un individu à un autre, on exporte aussi un bagage génétique qui pourrait avoir des conséquences inattendues sur la santé», précise la chercheuse Marina Sanchez, de l’Université Laval.

Mais en quoi consiste la transplantation de microbiote ? Il s’agit d’inoculer les selles d’une personne saine à une personne malade. Un procédé qui peut paraître repoussant, mais qui s’avère très efficace contre les infections intestinales par la bactérie Clostridium difficile, souvent résistantes aux antibiotiques. «Dans ces cas-là, le taux de succès est de plus de 90 %», indique le chercheur Joaquin Madrenas.

Au Québec, on traite d’ailleurs ainsi des patients aux prises avec la C. difficile. La transplantation fécale est à l’étude pour d’autres affections, comme les maladies inflammatoires de l’intestin et l’autisme. À l’Université McMaster, en Ontario, on l’a testée comme traitement de la colite ulcéreuse et les résultats sont encourageants.

Cela dit, elle comporte des risques. En octobre dernier, le British Medical Journal incitait les médecins à la prudence : les patients traités de cette façon pourraient contracter des infections, souffrir d’anxiété et de dépression ou encore se retrouver avec des surplus de dopamine ou de sérotonine, qui modifieraient l’équilibre de leurs propres neurotransmetteurs.

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