Culture

Céline Bonnier: les grands recommencements

Cet hiver, Céline Bonnier tient le rôle féminin principal de L’heure bleue à TVA : Anne-Sophie, une mère de famille qui, pour survivre à un drame, choisit de se réinventer.

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Photo: Maude Chauvin

Qu’est-ce que tu lis ? » me demande Céline Bonnier, quelques secondes après être entrée dans le café-bistro de l’est du Plateau où nous avons rendez-vous. J’étais plongée dans le récit – percutant – d’Une femme à Berlin. « Ah oui ! Tu as vu la pièce ? » La con­versation s’est mise en route toute seule. J’avais entendu entre les branches que la comédienne de 51 ans ne se livrait pas facilement en entrevue. C’est au con­traire une femme généreuse, précise dans sa façon de s’exprimer, réfléchie, qui se prête au jeu. Une semaine s’était écoulée depuis la sortie de prison de sa Suzanne, dans Unité 9 (ICI Radio-Canada). Une scène finale de haute voltige (regardée d’un œil embué, en ce qui me concerne) pour ce personnage vulnérable, timide, mais jamais caricatural. « Suzanne attire tellement l’empathie ! Au début, les gens voulaient me prendre dans leurs bras. Je n’avais jamais interprété de rôle semblable : c’est un défi de faire passer cette fragilité, cette sensibilité à l’écran, et de rester subtile – j’espère l’avoir été. » Marquante sur le plan professionnel, cette expérience lui a aussi permis de trouver du réconfort à un moment où ses assises étaient ébranlées. « J’ai perdu mes parents à un an d’intervalle. Cette équipe, le sachant ou non, m’a accompagnée là-dedans. J’y suis très attachée. »

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Faire table rase

Céline aborde cette fois-ci un tout autre univers. Elle est au centre de L’heure bleue, une nouvelle série signée Anne Boyer et Michel D’Astous (le duo derrière Yamaska et Nos étés), dans laquelle un couple est confronté à la mort accidentelle de son fils de six ans. Un tournage intense pour elle, épuisant même, mais habilement mené par Stéphan Beaudoin, avec qui elle travaillait pour la première fois. « C’est un réalisateur exceptionnel, qui s’intéresse beaucoup à la complexité humaine. Il n’a pas peur de décortiquer la douleur. Le deuil, c’est une zone que je connaissais, mais celui-là défie l’ordre des choses. Je n’ai pas d’enfant. Ça m’a protégée, en un sens. »

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La petite famille de L’heure bleue, avant la tragédie. De gauche à droite : Céline Bonnier, Matt Hébert, Alice Morel-Michaud et Benoit Gouin. | Photo: TVA

Incapable de surmonter l’innommable malgré le temps qui passe, son personnage, Anne-Sophie Moran, quitte époux, fille (Alice Morel-Michaud), maison de campagne, entreprise de design d’intérieur, voiture, carte de crédit. « C’est un fantasme qu’on a tous, je pense, de repartir à zéro. Anne-Sophie souhaite tirer un trait sur ses anciennes références pour se reconstruire. Elle ne veut pas abandonner son adolescente mais, concrètement, c’est ce qu’elle fait, même si elle garde contact. » Quant à son mari, joué par Benoit Gouin (un ami intime de Céline depuis le Conser­vatoire : « Comme mon septième frère ! »), il adopte le comportement inverse et se cramponne furieusement à ses responsabilités. Pour le meilleur et pour le pire.

Un an après le drame, donc, Anne-Sophie débarque à Montréal. Elle y fait la rencontre d’un jeune homme, qui suppose qu’elle cherche une chambre à louer. « Elle est dans une espèce d’ouverture, de lenteur qui fait que les choses arrivent plus vite qu’elle. » L’ex-femme d’affaires se retrouve du jour au lendemain en colocation avec trois gars dans la vingtaine, situation qu’elle trouve d’abord absurde – au point de déguerpir vers un hôtel le premier soir –, mais qui la rattache au monde, finalement. Car la solitude se révèle plus lourde que le bruit de leurs conversations : « Elle a besoin d’être imprégnée de la vie, et c’est ce qu’elle va chercher auprès d’eux. De la vie de jeunes, de la vie qu’elle ne connaîtra pas avec son fils. » Et qui la sauvera, peut-être.

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Photo: Maude Chauvin

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Les beaux rôles

Céline est emballée par ce projet et par ceux qu’on continue de lui offrir, même si elle a l’âge que beaucoup de comédiennes redoutent. « Je me sens choyée. Pour L’heure bleue, on a confié les rôles principaux à deux personnes dans la cinquantaine [Benoit Gouin et elle], pas remontées, en HD ! J’étais contente de ça. On est dans la vérité, dans l’authenticité. Comme actrice, j’ai 30 ans de bagage. Je sais que je joue ce qui est écrit dans le scénario, mais c’est habité de tout ce que j’ai vécu. » Dehors, la pluie a cessé. Les frites sont froides. Nous discutons un peu de ce qui l’attend : retourner au théâtre, assurément ; écrire, peut-être. Réservée, pudique ? Pas ce jour-là. Et c’est tant mieux.

L’heure bleue, dès le 11 janvier, 20 h (pour un épisode spécial de deux heures), et 21 h tous les mercredis suivants, à TVA.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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