Reportages

Il fait bon vivre ici: 11 personnalités québécoises nous disent pourquoi

Kim Thúy, Boucar Diouf, Denise Bombardier et plusieurs autres personnalités nous expliquent leur amour du Québec.

Le mercure, le budget, l’optimisme. Tout est en chute, pourrait-on croire. Nenni ! Onze personnalités nous prouvent le contraire. 

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Kim Thúy, écrivaine d’origine vietnamienne

C’est un nouveau pays tous les trois mois. L’hiver efface tous nos excès des autres saisons et l’été nous offre la rédemption… Le Québec est peut-être le seul lieu au monde qui nous encourage à nous réinventer. Non seulement il pardonne les erreurs et les échecs, mais il applaudit l’audace. Il aime sa culture avec l’ardeur des amoureux et la passion de la jeunesse. Il m’a purifiée, élevée, éduquée, propulsée dans la vie avec la force de ceux qui s’émerveillent sans retenue.

Andrew Barr, percussionniste du groupe country folk The Barr Brothers.

Originaire de Boston, il est tombé sous le charme d’une Montréalaise il y a 10 ans. Il habite la métropole depuis.

Les Québécois aiment les petits plaisirs de la vie – bien manger, se retrouver autour d’un verre (ou d’une poutine Chez Claudette !), jouer dehors l’hiver. Je peux faire du ski de fond sur le mont Royal, à cinq minutes du studio. Les différentes cultures s’entrechoquent ; grâce à elles, tout le monde se sent à la fois étranger et en état de constante découverte. Il y a énormément de créativité, c’est inspirant. Les jeunes (musiciens, pâtissiers, designers…) ont la chance de se tailler une place au soleil. Ce n’est pas comme ça dans toutes les villes. Côté musique, les artistes n’ont pas peur de prendre des risques, de mélanger les styles – je pense à Patrick Watson, Arcade Fire, The Unicorns. Leur son est unique.

Josh Freed, chroniqueur au quotidien The Gazette, auteur et cinéaste

Le Québec, c’est l’énergie et la créativité bouillonnantes. Les cultures francophone, anglophone et allophones qui s’entrechoquent et s’amalgament lui donnent un petit je ne sais quoi. Une sensibilité européenne et un edge nord-américain qui se reflètent dans notre cinéma, notre télé, notre théâtre, partout.Il appartient à tous, pas seulement aux mieux nantis. Il est romantique, imprévisible, accessible et excitant. Mal en point, mais beau et plein de tempérament, criblé de nids-de-poule, mais débordant de vie. C’est l’un des rares endroits en Amérique du Nord à offrir des événements en plein air gratuits, allant de la fête de quartier au tourbillon des festivals en passant par les manifestations de casseroles.

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Doués pour le bonheur!

Nous nous classons au second rang mondial, tout juste après le Danemark, selon l’échelle de Cantril (un indicateur de bien-être), pour quantifier le degré de satisfaction de notre vie. Et, bonne nouvelle, il semble que ce sentiment de plaisir augmente d’année en année chez les Québécois. Comme quoi on est vraiment bien ici ! 

(Sources : La Presse et L’actualité)

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Dominic Champagne, dramaturge, metteur en scène, auteur et militant contre l’extraction du gaz de schiste et du pétrole 

Le Québec est en train de se lever. Le pétrole sale que certains lui présentent comme nécessaire au développement économique, il est en voie de le refuser avec force et fierté. L’écologie devient un sujet qui rassemble, au-delà des autres enjeux politiques. Ce n’est pas qu’une affaire de Plateau-Mont-Royal. De Cacouna à Port-Menier en passant par Sorel, il y a un éveil démocratique, un geste de souveraineté populaire et de confiance en soi. C’est une grande raison d’espérer, d’autant plus que nous disposons de deux atouts de taille : notre jeunesse – compétente et capable de se tenir debout – et notre capacité d’invention. Partout dans le monde, on invite les Québécois à créer des univers et des spectacles. Cette créativité, je pense qu’elle peut nous servir au moment d’inventer notre avenir énergétique.

Dominique Anglade, présidente-directrice générale de Montréal International

L’argument le plus important pour convaincre quelqu’un de s’installer ici, c’est la mobilité sociale, soit la capacité de permettre aux personnes démunies de réussir, aux gens issus de familles modestes d’aller à l’université. Malgré les inégalités croissantes, le Canada demeure un pays juste, avec ses immigrants aussi. Finalement, le « rêve américain » est canadien – aux États-Unis, la mobilité sociale est un concept théorique qui n’existe plus.

Dr. Alain Vadeboncoeur, urgentologue, chroniqueur et auteur

Malgré ses imperfections, notre système de santé agit comme un puissant agent d’équité : chacun peut recevoir, peu importe ses moyens, des soins qui répondent aux meilleurs standards internationaux. Quand je suis né en 1963, à Montréal, ma mère a dû débourser 90 $ pour que le médecin l’accouche – l’équivalent de 800 $ aujourd’hui. Une grosse somme pour mes parents aux revenus peu élevés. Le Québec a connu de profondes transformations ces 50 dernières années, dont la création d’un régime public d’assurance maladie (1971) qui a éliminé les risques de faillite engendrés par les coûts de santé faramineux. Le Québec est l’une des sociétés les plus égalitaires d’Amérique du Nord grâce à ses programmes sociaux, dont les centres de la petite enfance et l’assurance médicaments universelle – il faudrait cependant revoir celui-ci pour assurer un meilleur contrôle du coût des médicaments. Cette redistribution de la richesse contribue à réduire les écarts, à offrir des services au plus grand nombre et, surtout, à améliorer globalement la santé de la population.

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3 207 $

C’est la somme que consacrent les ménages à leurs loisirs chaque année. Au cours des dernières décennies, les jeunes comme les baby-boomers ont fréquenté musées, cinémas, bibliothèques et salles de spectacle plus assidûment qu’auparavant.

 (Sources : statistique canada et ministère de la Culture et des Communications du québec)

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Michel Venne, essayiste et directeur-fondateur de l’Institut du Nouveau Monde

Les Québécois savent se serrer les coudes. Nous avons, par exemple, réussi à faire chuter de 5 % le taux d’abandon scolaire en 10 ans. Pour y arriver, tout le monde s’est mobilisé, des commissions scolaires aux chambres de commerce. Et ça a fonctionné. Même dans le climat d’austérité actuel, plus de 70 % des Québécois estiment qu’il est du devoir de l’État de réduire les inégalités sociales. Ils sont prêts à payer davantage d’impôts pour assurer un meilleur accès à la santé et à l’éducation.

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Alexandre Taillefer« Dragon », associé principal de XPND Capital et président du conseil d’administration du Musée d’art contemporain

J’aime le Québec pour la main-d’œuvre passionnée, éduquée et dynamique qu’on y trouve. Et que dire de cette joie de vivre hors du commun ? Lancez un projet motivant et plein de gens se rallieront à vous pour changer le monde. Les Québécois ont un côté idéaliste qui me plaît énormément. On vit dans un environnement sécuritaire. Pas besoin de gardes du corps ou de barbelés autour de sa maison. Les écarts entre riches et pauvres sont parmi les plus faibles en Amérique du Nord. Les gens d’affaires reconnaissent l’importance de les amoindrir pour vivre dans une société qui tire la pauvreté vers le haut et non la richesse vers le bas.

Louise Roy, chancelière de l’Université de Montréal et présidente du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO)

C’est une société talentueuse et créatrice, culturellement très dynamique et douée d’une grande capacité d’innovation. À taille humaine, où les rapports sont très faciles, où les gens de divers milieux se parlent et se croisent. Et peu importe où l’on habite, la nature n’est jamais loin.

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Au Québec, on vit vieux !

Les Québécois, femmes et hommes confondus, vivent en moyenne 81,8 ans. Ils jouissent d’une espérance de vie parmi les plus élevées au monde.

(Source : Institut de la statistique du Québec)

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Denise Bombardier, chroniqueuse, animatrice et écrivaine

Notre naturel. Ce que j’aime le plus ici, c’est le naturel chez les gens. Il y a une spontanéité, une simplicité, une naïveté. Mais ne nous méprenons pas : nous sommes naïfs parce que notre histoire n’est pas tragique comparativement à celle de la plupart des autres peuples. Quand les étrangers arrivent chez nous, notre premier réflexe est de les laisser entrer dans la « famille ». Je trouve cette ouverture et ce sens de l’accueil émouvants. Notre turbulence. On cite toujours la Suède et la Norvège en exemples, mais ces sociétés sont d’une rectitude politique et d’un rigorisme absolus ! Nous, nous avons gardé notre côté turbulent. Prenez le mur de Fermont : cette façon d’arrêter le vent, c’est la quintessence de la folie québécoise ! Il y a là une légèreté, une sorte de défi à l’hiver. Notre familiarité. Ce que j’apprécie aussi, c’est la familiarité entre femmes qui se crée instantanément ici. Et que les hommes québécois soient féministes comme ils le sont.

Boucar Diouf, biologiste, humoriste, chroniqueur, animateur et auteur d’origine sénégalaise

Le Québec m’a aidé à m’affranchir d’une infirmité plus mentale que physique qui m’a accablé durant mon enfance. Quand la grande majorité des nôtres nous regarde comme un être incomplet, les poids s’accumulent sur notre tête et sauter aussi haut que les autres devient presque impossible. Les personnes qui nous aident à alléger un tel fardeau deviennent des alliés, des proches, des amis. J’aime le Québec et le remercie un peu comme quelqu’un souffrant du mal de vivre remercie le psychologue qui l’a aidé à retrouver le sourire. Quand j’ai réalisé, en arrivant ici en 1991, que les gens cherchaient plus mes yeux qu’ils ne scrutaient ma jambe maganée, mon cœur s’est ouvert et, depuis, je chante mon affection pour cette terre, un peu comme un oiseau fredonne les louanges du pays où il a passé la saison chaude. Au-delà de tout le reste, c’est cette acceptation totale de la différence, physique, intellectuelle, sexuelle et raciale, qui fait que j’adore cette nation.

Il y a aussi cette solidarité économique qui est à la base de ce grand privilège que nous avons de dormir en toute sécurité avec notre famille, sans craindre une violation de domicile. Ce Québec pacifique, réfractaire à la violence et aux fusils, comme en témoigne son acharnement au sujet du registre des armes à feu, s’est parfois construit en ralentissant pour ménager ceux qui ont vieilli ou ont hérité de lourds bagages de vie les empêchant de suivre la cadence. J’aime ce Québec qui accepte de trotter pendant que les autres provinces courent. Cette nation qu’on doit à une tradition de décideurs politiques qui savaient que, lorsque l’économie ne marche pas main dans la main avec le social et le communautaire, l’instabilité sous toutes ses formes n’est pas loin derrière.

Ce qui fait la force du Québec, c’est aussi son caractère très distinct, qui, au-delà de la langue, s’exprime dans cette distance que nous prenons avec le dogme religieux et les politiques conservatrices, qui nous donnent collectivement une crise d’urticaire. On pourrait aussi parler de la combativité de nos femmes et de la délinquance de nos créateurs, qui les amènent à se distinguer dans tous les domaines. Le Québec est loin d’être parfait, mais le charme réside parfois dans les imperfections et ça, c’est une Québécoise qui me l’a appris. J’ai longtemps maudit ces dents espacées qui se côtoient dans ma bouche sans se toucher. Du moins jusqu’au jour où la Gaspésienne qui partage ma vie m’a dit qu’elle les trouvait bien charmantes… Sa famille m’a déroulé le tapis rouge et m’a accepté comme un des siens malgré mes lointaines origines.

Comme immigrant, si j’aime cette nation, c’est parce qu’on m’y a proposé un vivre-ensemble dans une véritable laïcité. Entre les déboires du communautarisme inspiré du modèle britannique et ce Québec métissé serré qu’on tente de mettre en place, je suis absolument certain que c’est ici qu’on trouve le projet d’accueil et d’intégration de la diversité le plus ouvert. 

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