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Expo 67: la Maison Châtelaine en images

Il y a 50 ans, Châtelaine était à Expo 67… Et avait même son pavillon, s’il vous plaît. Avec cet événement de portée planétaire, le Québec entrait tambour battant dans la modernité. Le magazine aussi.

Les résidants de la rue Joseph-Lassonde, à Boucherville, peuvent se vanter d’être les voisins de l’un des souvenirs les plus intéressants d’Expo 67. Parmi les bungalows se détache une maison avec des lignes modernes, un toit plat, un parement de planches verticales et une façade fenêtrée sur deux étages. Cette demeure est la copie exacte de la « Maison Châtelaine ».

Alors qu’on célèbre les 50 ans d’Expo 67, la Maison Châtelaine resurgit avec d’autres images de ce moment phare. Elle témoigne aussi d’un âge d’or de la presse. Qu’on y songe: un magazine féminin qui avait son pavillon dans une exposition universelle, au même titre que la centaine d’exposants officiels, tels la France, la Grande-Bretagne, la Tchécoslovaquie, Air Canada, le Canadien National et l’Association du téléphone. C’est ainsi que, pendant ces six mois magiques où Montréal était la capitale du monde, une partie des 50 millions de visiteurs de l’Expo ont défilé dans la Maison Châtelaine.

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 Bien que le modèle original ait disparu, comme la plupart des pavillons de l’Expo, la maison de Boucherville correspond exactement aux plans de l’architecte Gustavo da Roza, qui avait remporté le concours national d’architecture organisé par la marque – Châtelaine, côté Québec, et Chatelaine, côté Canada anglais.

Quand Châtelaine s’occupait de bâtiment

« Le voisinage de la rue Joseph-Lassonde n’a jamais été au courant de l’histoire de cette maison. Ce sont les vendeurs qui nous ont tout raconté », relate Maude Chamberland, 27 ans, qui a acheté la propriété l’an dernier avec son mari, Nicolas Fournier. Associés dans leur entreprise de rénovation résidentielle, les deux amateurs d’architecture, parents d’une fille de 18 mois, l’avaient repérée plusieurs années auparavant. « On a tripé sur la maison au premier coup d’œil », dit Nicolas Fournier.

Et qu’est-ce qui, à l’époque, avait séduit le jury dans le projet de Gustavo da Roza ? L’architecte, aujourd’hui âgé de 84 ans et toujours actif, a répondu à cette question en 2014 lors du 85e anniversaire du Chatelaine  anglais: « La combinaison du verre, du toit plat et des divers revêtements en bois aux lignes verticales a donné à la maison un look moderne et original. Les vitres laissaient entrer beaucoup de lumière naturelle, sans toutefois exposer les habitants aux regards indiscrets. »

Au moment de l’ouverture de la Maison Châtelaine à Expo 67, le magazine était loin d’être néophyte en matière d’habitations. Depuis 1958, il faisait construire des maisons modèles dernier cri qu’il offrait en tirage à ses lectrices. « Pour celles qui en avaient les moyens, l’approbation de Châtelaine était importante dans leurs choix de consommation », dit Suzanne Beauvais, conservatrice adjointe à la Société des musées de sciences et technologies du Canada, qui s’est intéressée à la Maison Châtelaine.

La participation de Châtelaine à un événement de l’envergure d’Expo 67 est une curiosité en soi. Dès avril 1964, le média s’y était officiellement inscrit comme exposant. Une centaine de candidats participeront à son grand concours d’architecture spécialement lancé pour l’exposition – le premier prix était assorti d’un montant de 10 000 $. La commande: concevoir une maison offrant un nouveau concept de vie familiale pour un couple de 35 à 40 ans avec 3 enfants. Et comme la maison devait être construite en partenariat avec l’Association canadienne de l’industrie du bois (qui n’existe plus), le résultat devait assurer une bonne visibilité à ce matériau.

« Encore aujourd’hui, la maison frappe par son style moderne », dit Stephanie Huss, stagiaire en architecture chez Diamond Schmitt Architects à Toronto, qui a réalisé un projet de recherche sur le sujet pendant ses études en architecture à l’Université McGill. La décoration intérieure plutôt classique contraste avec les lignes modernes de la maison. Au mobilier qui allie les styles colonial et contemporain (les sofas à motif pied-de-poule) se marient les matières les plus variées, tels les surfaces vitrées, les chromes polis, les plâtres bruts et les simili-fourrures. « Du bon goût sans âge », lit-on dans le numéro de mai 1967 de Châtelaine.

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Une résidence pratique

La maison se démarquait par-dessus tout en matière de technologie du bâtiment, avec sa cuisinière dernier cri, son système de ventilation à la fine pointe et son intercom dans toutes les pièces. « Contrairement à d’autres pavillons qui étaient hyper avant–gardistes, celui-ci présentait des innovations technologiques qu’on pouvait -raisonnablement se procurer. Les gens s’y sont reconnus parce que ce n’était pas trop futuriste », précise Suzanne Beauvais.

Le fait qu’une maison unifamiliale figure parmi les pavillons officiels marquait en soi un progrès, croit Stephanie Huss. « Le magazine considérait le travail domestique des femmes comme un sujet qui méritait son propre pavillon thématique, dit-elle. Ce n’est pas rien ! » Même si certains aspects de la maison ne projetaient pas tout à fait une vision novatrice des relations entre les sexes… « La pelouse artificielle, par exemple, était censée alléger le travail des hommes », se désole Suzanne Beauvais.

Les Chamberland-Fournier, qui habitent la réplique depuis un an, jugent son design bien adapté à la vie familiale d’aujourd’hui. « La maison est pratique, très fonctionnelle », dit Maude Chamberland, qui n’envisage qu’un simple agrandissement de la salle à manger. « Et l’architecte y avait déjà pensé ! Ça fait partie des plans originaux », dit Nicolas Fournier.

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Qu’est-elle devenue ?

Un mystère entoure ce qui est advenu de la maison originale. En 1967, c’est un ado de 17 ans de Regina, Douglas McEachen, qui l’avait gagnée au tirage au sort. Mais, comme il était impossible de la déplacer aussi loin, il avait opté pour le prix en argent de 30 000 $.

« Il est fort probable que la Maison Châtelaine ait été détruite en 1978 lors de la construction du circuit Gilles-Villeneuve, qui a forcé la démolition de plusieurs pavillons sur l’île Notre-Dame », dit Julie Bélanger, historienne amateur qui se passionne pour Expo 67 et organise des visites de groupes pour en faire découvrir les vestiges. Selon cette dernière, la clé de l’énigme se trouverait parmi les quelques centaines de boîtes d’archives de l’Expo empilées à Bibliothèque et Archives Canada, à Ottawa, dont seulement une infime partie est classée. « Seuls quelques immeubles ont été démontés et remontés ailleurs. » Ainsi, le gigantesque pavillon soviétique siège aujourd’hui dans un parc de Moscou. Celui de la Yougoslavie abrite maintenant un musée sur l’histoire des habitants de Terre-Neuve. Quant à celui des Jeunesses musicales du Canada, il a été érigé de nouveau au Centre d’arts Orford, près de Magog.

Depuis quelques années, une rumeur veut que la Maison Châtelaine ait été déplacée en Ontario, près de la ville d’Owen Sound, dans la baie Georgienne. Le « sosie » à la façade vitrée déniché par des inter-nautes affiche effectivement une certaine ressemblance avec l’original, mais son parement en aluminium, lui, fait tourner court toute comparaison. Vérification faite auprès de son propriétaire, Norman Hutchinson, 88 ans et ancien entrepreneur en construction, cette demeure n’est ni la Maison Châtelaine, ni une copie, ni même un modèle inspiré de celle-ci. « Je l’ai construite en 1965. J’avais fait les esquisses moi-même avec mes partenaires de l’époque », dit-il.

Selon toute probabilité, la réplique de Boucherville, dont le design et les matériaux fidèles au modèle original ont été méticuleusement préservés, est donc tout ce qui reste au Canada de la Maison Châtelaine – à quelques kilomètres du site de l’Expo.

Il en existerait toutefois une autre copie aux États-Unis, dans le comté de Warren, en Pennsylvanie – du moins si l’on en croit le texte de présentation d’une agence immobilière ayant annoncé la propriété en question en 2012, dans lequel on indiquait qu’elle reproduisait les plans originaux de Gustavo da Roza.

Depuis qu’ils habitent la maison de la rue Joseph-Lassonde, le couple Chamberland-Fournier a effectué quelques rénovations mineures : réfection des fenêtres et des salles de bain et ajout d’une salle d’eau au sous-sol (là où était prévu, selon le plan d’origine, l’atelier de « Monsieur », dixit le numéro de mai 1967 de Châtelaine). À l’opposé de la décoration du pavillon de l’île Notre-Dame, plutôt traditionnelle, les nouveaux propriétaires ont un faible pour le mobilier et les objets typiques des années 1960. « On ne savait presque rien d’Expo 67 avant d’acheter la maison ! » dit Maude Chamberland, qui se passionne pour cette période. « On fouille tout le temps. Au sous-sol, le tapis date de ces années et provient… du pavillon de la Tunisie ! »

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