Beauté

Beauté écolo: les petits pots passent au vert

La cosméto joue la carte de la nature plus que jamais. Plus qu’une tendance passagère, c’est une révolution!

Photo: Getty Images/Jutta Klee

Pour Karine Chartier, tout a commencé par des problèmes de peau. « Je souffrais de rosacée », dit l’esthé-ticienne de 36 ans, dont le teint de porcelaine ne conserve aucune trace de rougeurs. Elle s’est rendu compte qu’elle réagissait moins aux produits de beauté sans additifs chimiques, et de fil en aiguille, elle est passée à des propositions naturelles. Ses nettoyants et ses crèmes hydratantes d’abord, puis son shampooing et son maquillage. Quand, en 2014, est venu le temps d’ouvrir son propre salon d’esthétique avec une amie de longue date, le choix était évident. À La Loge, leur joli commerce aux allures de spa scandinave dans le quartier Mile-End de Montréal, tous les produits utilisés sont naturels.

Elle n’est pas la seule à avoir pris ce virage. Les ventes de produits de beauté naturels ont explosé ces dernières années, selon le magazine Fast Company. Cette industrie, qui vaut environ 13 milliards de dollars à l’échelle mondiale, rapportera 22 milliards en 2024. « Ce n’est pas qu’une mode, c’est là pour rester. La cliente est de plus en plus avertie : elle fait des recherches et elle exige plus de transparence », indique Sabrina Pallota, chef marketing pour les soins de peau chez Garnier Canada, qui vient de lancer la nouvelle gamme SkinActive dont au moins 96 % des ingrédients sont dérivés de plantes.

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Responsable à petite et grande échelle

Ce boum est dû en partie aux consommatrices, qui sont davantage conscientes des contaminants présents dans l’environnement. Elles choisissent des pro-duits nettoyants plus verts, des fruits cultivés sans pesticides et se question-nent sur la composition des cosmétiques qu’elles étalent sur leur peau (qui est, ne l’oublions pas, le plus grand organe du corps).

Les investissements majeurs des fabricants de cosmétiques bios dans la recherche et le marketing ont été payants : des profits records ont été enregistrés. Exit, les crèmes aux textures et odeurs louches des seventies macramé, ou les recettes approximatives de grand-mère. « On ne veut pas que les clientes aient l’impression d’un compromis. Avant, l’emballage des produits de beauté bios était plus grano. Aujourd’hui, la présentation est à s’y méprendre avec celle des grandes marques luxueuses. Il y a des tests en laboratoire et toute une science derrière ça », explique Karine Lachapelle, cofondatrice de la boutique en ligne québécoise The Natural Curator.

Des préoccupations éthiques propulsent aussi cet élan vers la beauté verte, selon Laura Townsend, directrice du marketing à la boutique The Detox Market à Toronto, une bannière reconnue au-delà de la Ville Reine. « Les marques avec lesquelles nous travaillons se soucient du bien commun, pas juste de leurs profits. Elles choisissent des ingrédients issus de l’agriculture durable, paient bien leurs employés et respectent l’environnement. Leurs emballages sont généralement recyclables et biodégradables », dit-elle.

Bio versus naturel : la différence

Bio Les cosmétiques bios sont composés d’ingrédients d’origine naturelle, cultivés de façon biologique (c’est-à-dire avec peu ou pas de pesticides, dans des conditions respectueuses de l’environnement). Ils peuvent être certifiés par un organisme indépendant comme Ecocert, et satisfaire aux critères de labels comme Cosmébio ou COSMOS – ce qui signifie qu’au moins 10 à 20 % du total de leurs ingrédients sont issus de l’agriculture biologique. Les substances nocives ou dangereuses (silicones, conservateurs de synthèse et perturbateurs endocriniens) sont interdites, ainsi que tous les tests sur les animaux. Toutefois, l’eau, les sels et les minéraux ne peuvent être certifiés bios. Un produit à base d’eau, par exemple, ne pourra donc jamais être considéré comme étant 100 % biologique. « Tout ne peut pas être garanti bio », précise Laura Townsend, directrice du marketing à la boutique The Detox Market à Toronto. Selon elle, l’important est de rechercher « le produit avec le plus haut taux d’ingrédients naturels possible, fabriqué éthiquement et sans expérimentation animale ».

Naturel Un produit peut être certifié « naturel » s’il répond aux conditions d’un label tel que COSMOS, qui exige que 95 % de ses ingrédients soient d’origine naturelle. Une telle estampille n’indique rien sur la façon dont les ingrédients ont été cultivés. Les cosmétiques non labellisés peuvent être qualifiés de « naturels » même s’ils ne contiennent qu’une goutte d’ingrédients dérivés de plantes. En fait, les possibilités sont infinies, puisque le Canada ne possède aucune législation en la matière. En cas de doute, la liste des ingrédients sur l’étiquette demeure l’indication la plus fiable.

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Des ingrédients passés au peigne fin

Les cosmétiques naturels contiennent peu ou pas de produits chimiques, alors que, par exemple, un savon à main ordinaire peut en inclure une vingtaine. Parmi les 82 000 ingrédients utilisés dans les cosmétiques traditionnels, la Fondation David Suzuki a recensé des substances cancérigènes, des molécules plastifiantes (capables de ramollir du béton) et des matériaux dégraissants (qu’on emploie notamment pour nettoyer des pièces automobiles). Ima-gi-nons les effets désastreux sur la peau et mère Nature !

Le site de la Fondation en répertorie une « Dirty Dozen », soit les 12 produits chimiques à éviter. On y retrouve les
parabènes, présents dans plus de 70 % des cos-métiques : ce sont des perturbateurs -endocriniens détectés dans certaines tumeurs cancéreuses. Aussi, le laurethsulfate de sodium (SLES), un détergent irritant qui fait mousser les shampooings et les savons à vaisselle. Même les ingrédients d’apparence anodine (parfums ou fragrances), mentionnés à la fin des listes sur les emballages, sont en fait des cocktails chimiques pouvant contenir des dizaines de composants protégés par des lois du secret commercial.

Perfo bio

Peut-on se sentir propre et fraîche sans sulfate (un agent moussant) et sans phtalate (un fixateur utilisé dans les parfums et les vernis à ongles) ? Abso-lu-ment, d’après Gabrielle Tanguay, l’autre cofondatrice de la boutique The Natural Curator, qui croit que les produits de beauté naturels sont plus efficaces parce qu’ils sont plus concentrés. « Tous leurs ingrédients sont vraiment utiles pour la peau ou les cheveux, ils ne servent pas à améliorer l’esthé-tique du produit en soi. Il y a beaucoup d’agents de remplissage et de conservateurs dans les formules traditionnelles », soutient-elle. Dans certains cas, les performances du produit seront moindres. Un mascara naturel ne tiendra pas aussi longtemps qu’une version classique qu’on n’arrive même pas à enlever avec un démaquillant !

Quant à Karine Chartier, elle se dit très satisfaite des résultats obtenus avec les gammes écolos qui, selon elle, convien-nent mieux aux peaux sensibles. Ses clientes viennent au salon pour un soin et repartent souvent avec un produit. Et son environnement de travail n’en est que plus sain. Les pénibles relents d’acétone sont remplacés par un léger parfum de lavande et d’eucalyptus.

Un flacon à la fois

Une conversion aux produits naturels n’a pas besoin d’être absolue, selon Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki. « On peut y aller graduellement et remplacer ses cosmétiques un à la fois. À la maison, j’ai commencé par les lotions solaires, qu’on utilise fré-quem-ment, ma famille et moi. Ciblez un point d’entrée », explique-t-elle. Laura Townsend, de la boutique The Detox Market, suggère de choisir un produit peu coûteux qu’on emploie tous les jours, comme un rouge à lèvres ou un mascara.

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Allez les verts!

À l’international

• Burt’s Bees Marque américaine qui privilégie des ingrédients naturels comme la cire d’abeille. Sans parabènes, phtalates ou autres produits chimiques nocifs.

• Couleur caramel Cosmétiques naturels et bios fabriqués en France et certifiés Ecocert.

• Dr. Hauschka Cosmétiques allemands naturels et bios à base de plantes, jamais testés sur des animaux.

• Éminence Marque hongroise adorée des vedettes, utilisée notamment au spa Bota Bota, à Montréal. Contient des ingrédients bios et naturels. Un arbre est planté pour chaque produit vendu.

• Ilia Gamme originaire de Vancouver et maintenant installée à Los Angeles. Ses produits contiennent jusqu’à 85 % d’ingrédients bios.

• Korres Cosmétiques naturels créés dans une pharmacie d’homéopathie d’Athènes en 1996.

• Laboratoires de Biarritz Une nouvelle génération de produits bios de France, estampillés Ecocert, qui utilisent l’algue rouge de la côte basque.

• L’Occitane en Provence Certains de ses produits comme le beurre de karité sont certifiés bios et attestés équitables par Ecocert.

• Odacité Gamme naturelle lancée par la cofondatrice de The Detox Market, Valérie Grandury, après qu’un diagnostic de cancer du sein lui eut inspiré l’idée de détoxifier son environnement.

• Puressentiel Que des actifs 100 % naturels pour cette entreprise française qui nous aide à gérer le stress et désormais la beauté de notre peau avec son Élixir Essentiel bio.

• RMS Beauty Gamme créée par la maquilleuse vancouvéroise de renom Rose-Marie Swift, qui décline une liste minimaliste d’ingrédients naturels et bios.

• Vapour Marque de maquillage dont 70 % des ingrédients sont certifiés biologiques.

• Weleda Pionnière suisse de la cosmétique bio, sur le marché depuis 90 ans.

• Yves Rocher Sa gamme de soins Culture Bio contient des ingrédients naturels à 95 %, dont certains sont biologiques.

Chez nous

• Bite Beauty Ces produits naturels et bios pour les lèvres, fabriqués à Toronto, ont pris d’assaut les rayonnages de Sephora.

• France D’Amour Bio Love de Druide Six soins pour le visage naturels et biologiques dont l’ingrédient-vedette est l’aloès.

• Idoine Cosmétiques québécois certifiés équitables, à base d’huile de moringa, d’essences florales et d’ingrédients naturels provenant principalement de l’agriculture biologique.

• Judith B Judith Bérard est davantage connue comme productrice d’huiles d’olive, mais elle fabrique aussi des savons à la chlorophylle et au charbon.

• Oneka Soins pour les cheveux et pour le corps élaborés à partir d’extraits de plantes cultivées à Frelighsburg, en Estrie.

• RoseCitron Produits naturels faits au Québec, issus du commerce biologique et équitable.

• Smith Farms Soins sans gluten, jamais testés sur des animaux, concoctés par les sœurs Julia et Rebecca Sinclair-Smith dans leur ferme de Saint-Polycarpe, au Québec. À base d’ingrédients naturels faciles à prononcer, sans produits nocifs.

• Zorah biocosmétiques Gamme québécoise de soins et de maquillage à base d’ingrédients biologiques, écologiques et équitables, qui a gagné de nombreux prix.

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Leçon de sceaux

Il existe des organismes de certification avec des chartes très précises pour identifier les produits bios ou naturels et garantir la fiabilité de la démarche globale de la marque. Le but est de prémunir le consommateur contre les stratégies marketing abusives telles que le verdissement d’image (greenwashing), qui consiste à attribuer à un produit des qualités écologiques qu’il n’a pas ou qu’en partie. Voici quelques-uns des logos à repérer sur les emballages et les flacons.

ÉCOCERT, ECOCERT CANADA

Il s’agit d’un organisme indépendant de contrôle et de certification biologique présent dans plus de 80 pays, dont le Canada. Le sceau Ecocert atteste qu’au moins 95 % des ingrédients sont d’origine naturelle et qu’au moins 10 % du total des ingrédients proviennent de l’agriculture biologique. Les commerçants écocertifiés sont soumis à des inspections (audits) régulières.

 

COSMÉBIO

Cosmébio est une association professionnelle de cosmétiques française, dont les produits doivent être certifiés par un organisme indépendant (comme Ecocert). Elle a créé deux labels : BIO et ECO.

  Cosmébio BIO : 95 % d’ingrédients naturels. Il faut qu’au moins 95 % des ingrédients végétaux et au moins 10 % du total du contenu soient issus de l’agriculture biologique.

 

Cosmébio ECO : 95 % d’ingrédients naturels. Dans ce cas, au moins 50 % des ingrédients végétaux et 5 % du total du contenu doivent être issus de l’agriculture biologique.

 

 

COSMOS

Le petit nouveau, lancé en 2017 par les associations et organismes de certification européens Cosmébio, BDIH, Ecocert, ICEA et Soil Association pour uniformiser les standards d’un pays à l’autre. Ses critères sont semblables à ceux d’Ecocert et de Cosmébio, mais plus élevés quant au pourcentage d’ingrédients issus de l’agriculture biologique (20 %). Une autre condition d’obtention du logo est l’utilisation exclusive d’ingrédients biodégradables. Il comporte deux étiquettes : COSMOS ORGANIC et COSMOS NATURAL.

Certaines marques, bien qu’elles soient excellentes, choisissent de ne pas être certifiées. Le processus de certification imposé par ces organismes est long et coûteux. Il faut remplir de multiples formulaires, se soumettre à des vérifications répétées, payer des frais annuels… Tout ça pour obtenir un sceau qui laisse beaucoup de consommateurs confus.

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