Beauté

Cosmétiques bio : on se met au vert

En nous offrant de plus en plus de petits pots écolos, l’industrie cosmétique contribue-t-elle à sauver notre peau et la planète ? S’agit-il simplement d’une stratégie marketing bien ficelée ?

Les étiquettes « bio », « naturel » ou « équitable » se multiplient sur nos produits de beauté et les composants végétaux jouissent d’une popularité grandissante. Qui dit vert dit vrai ? Décodage d’une tendance, en six questions.

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Photo: iStock

Les produits verts, est-ce une affaire de pure stratégie marketing ou une véritable initiative écologique ?
Ça dépend. Une majorité de sociétés ont une réelle démarche écologique, du procédé de fabrication à l’emballage en passant évidemment par le produit lui-même. Dans d’autres cas, malheureusement, même si les emballages sont couverts de motifs végétaux et mettent l’accent sur les actifs naturels des produits – « 100 % d’ingrédients de source naturelle », « extrait d’huile d’avocat pur », « le pouvoir des plantes » –, on s’aperçoit que la liste d’ingrédients contredit ce qui est annoncé. Il faut donc bien lire l’étiquette.

Les produits de beauté verts sont-ils aussi efficaces que les classiques ?
Généralement, les publicités de produits verts ne précisent pas s’ils contribuent à réduire l’apparence des rides ou s’ils raffermissent la peau. L’une des raisons : comme les budgets de recherche de plusieurs entreprises qui font dans le naturel ou le bio sont limités, elles ne peuvent faire appel à des groupes témoins. Mais cela pourrait changer avec l’acquisition de labels bios par de grandes maisons (par exemple, l’achat de Sanoflore par L’Oréal). On pourrait alors en apprendre davantage sur les performances de ces petits pots.

Cela dit, il faut rester réaliste, estime Michèle Ohayon, dermatologue à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal : « Crème bio ou pas, le paradis terrestre et la fontaine de Jouvence, ça n’existe pas. » Ce qui donne des résultats assurés, dit-elle, c’est « avoir une hygiène de vie saine et appliquer religieusement sa protection solaire ».

Chimique est-il synonyme de toxique ?
Non. « Il faut éviter de diaboliser les ingrédients de synthèse qui se trouvent dans les produits cosmétiques, pense la dermatologue Michèle Ohayon. Les grands laboratoires font énormément de recherche, ils sont sous la loupe de tout le monde. »

Selon la spécialiste, le véritable problème avec l’avènement des cosmétiques verts, c’est que trop de petites entreprises improvisent la fabrication de leurs produits. Elles promettent la lune aux femmes, laissant entendre que le naturel est nécessairement meilleur pour leur santé. « Mais est-ce vérifiable ? Je n’en suis pas sûre. Le plus important pour une crème, naturelle ou pas, c’est qu’elle soit sécuritaire, c’est-à-dire qu’elle ne risque pas d’être un foyer de prolifération pour les bactéries », dit la docteure Ohayon.

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Peut-on se passer des parabènes ?
Les parabènes (préfixes methyl, propyl, butyl, ethyl), ces agents de conservation utilisés dans 80 % des produits cosmétiques, sont boudés par une partie de l’industrie depuis environ cinq ans. C’est que, en 2004, la scientifique britannique Philippa Darbre a publié les résultats d’une étude faisant un rapprochement entre la présence de parabènes dans les déodorants et le cancer du sein. Or, le lien de cause à effet n’a jamais été prouvé et ce, même si ces molécules figurent parmi les plus étudiées à ce jour.

Les fabricants de produits verts proposent des solutions de rechange aux conservateurs de synthèse, les troquant notamment contre des huiles essentielles. Si ces dernières ne sont pas soupçonnées d’être cancérigènes, elles peuvent cependant être mal tolérées par les peaux sensibles ou réactives. Enfin, il faut savoir que la durée de vie, après ouverture du contenant, des produits renfermant des agents de conservation naturels est généralement de 6 mois plutôt que 12 comme pour ceux ayant des conservateurs de synthèse.

L’avenir de l’industrie cosmétique classique sera-t-il influencé par l’essor des produits de beauté bios ?
Certainement. L’organisme Organic Monitor, qui suit l’évolution du marché planétaire des produits biologiques, prévoit que les ventes mondiales de cosmétiques bios, qui étaient de 7 milliards en 2007, atteindront les 10 milliards en 2010 – dont 8 pour le seul marché américain.

Selon la dermatologue Michèle Ohayon, la démocratisation des produits de beauté verts exerce une influence positive sur l’industrie en général : « Elle force les multinationales à se rendre compte que les consommateurs d’aujourd’hui veulent avoir accès à des produits les plus naturels possible. »

Ce mouvement est déjà en place. Par exemple, en juin 2007, le groupe de luxe PPR lance en grande pompe la ligne de cosmétiques CARE de Stella McCartney (devenue propriété du Groupe L’Oréal en juillet 2008). En tournée médiatique, la designer demande aux femmes à quoi ça sert de faire attention à son alimentation si on ne se soucie pas aussi de ce qui nourrit sa peau… Bonne question ! En proposant des produits haut de gamme verts ET glamour, elle se démarque définitivement de l’univers granola. Sa gamme toute simple au packaging épuré ne renferme aucun ingrédient issu de la pétrochimie, aucun conservateur chimique… mais se vend à prix d’or : 40 $ pour le nettoyant, 97 $ pour la crème de nuit.

Depuis lors, les labels verts se multiplient. Origins propose sa ligne Origins Organics, Nuxe fait des vagues avec Bio-Beauté, Clarins acquiert le label Kibio pendant que L’Oréal met la main sur Sanoflore. Récemment, c’était le tour d’Yves Rocher d’ajouter une gamme bio dans ses rayons. Sans oublier l’effort de Jean Coutu qui a lancé, fin 2008, ses soins Personnelle certifiés biologiques (portant le sceau Ecocert).

Quelle est la position des géants de l’industrie cosmétique face à la tendance verte ?
L’Oréal, numéro un mondial de la beauté, possède 24 marques de cosmétiques (Lancôme, Biotherm, Vichy, La Roche-Posay, Garnier, Maybelline…) et n’entend pas regarder passer le train de la beauté écolo. « Nous estimons que chacun de nos produits doit être écoresponsable, dit Sandrine Michard, vice-présidente communications corporatives chez L’Oréal Canada. On évalue chaque ingrédient d’un point de vue environnemental. On s’assure qu’il ne nuit à pas la biodiversité, aux communautés locales ou aux droits humains. » Pas question cependant que tous les labels de la multinationale se mettent aux réclames écologiques : toutes les utilisatrices ne recherchent pas ce type de produits. « Les produits verts attirent une clientèle très distincte et certaines de nos marques savent très bien répondre à leurs besoins, par exemple The Body Shop, Kiehl’s ou Sanoflore. »

Chez Procter & Gamble (CoverGirl, Clairol, Herbal Essences, Ivory, Olay), on estime que moins de 10 % des femmes se tournent aujourd’hui vers les produits de beauté verts. « La majorité s’y intéresse, mais pas au point de faire des concessions quant à l’efficacité ou au prix, explique Melissa Karis, directrice des communications externes chez Procter & Gamble. Et nous croyons que, compte tenu de la situation économique actuelle, les Canadiennes […] ne seront peut-être pas prêtes à payer davantage pour des produits plus écologiques. »

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Biologique, naturel, écoresponsable, équitable… comment s’y retrouver avec toutes ces étiquettes ?
Il importe de distinguer le naturel (d’origine végétale) et le biologique. Loin d’être des synonymes !

Quand des ingrédients sont naturels – presque tous les composants d’une crème peuvent être qualifiés de naturels, c’est-à-dire provenant de la nature –, on ne peut en conclure pour autant qu’ils ont poussé dans des sols sans pesticides ou qu’ils sont exempts d’OGM. Donc, ils ne sont pas forcément biologiques. L’étiquette naturelle ne garantit pas non plus l’innocuité du produit. L’exemple extrême : l’arsenic, un élément naturel, mais aussi un poison mortel à certaines doses.

Un ingrédient est biologique s’il est issu de l’agriculture biologique, qui ne recourt pas, donc, aux engrais et pesticides de synthèse ni aux OGM. Bien que le cadre de réglementation des produits bios ne soit pas uniformisé, plusieurs organismes de certification reconnus offrent de véritables garanties, notamment en ce qui concerne le pourcentage d’ingrédients bios que les produits doivent contenir pour pouvoir se dire biologiques et l’absence de certains conservateurs et OGM.

Qu’est-ce qu’un produit écoresponsable ? Ces mots indiquent que le processus de fabrication respecte l’environnement ou que le produit est biodégradable. Un exemple : la marque Aveda utilise l’énergie éolienne pour produire ses petits pots. D’autres, comme Cargo et Kibio, misent sur un emballage minimal fait de matériaux recyclés. Enfin, certains laboratoires de recherche font appel au concept de « chimie verte » pour évaluer l’impact de l’élaboration des molécules de leurs produits sur l’environnement. Citons le Pro-Xylane, un antiâge breveté par L’Oréal, fait à partir du bois de hêtre et transformé de manière à respecter l’environnement puisqu’il est biodégradable et non écotoxique (pour les organismes vivants en général).

On voit aussi la mention équitable sur certains produits, Body Shop et Lush, notamment, dont les ingrédients (huile d’argan, beurre de karité ou autres) sont issus du commerce équitable, qui garantit une juste rémunération et des conditions de travail décentes aux producteurs de petites communautés du Maroc ou du Burkina Faso, par exemple. Un produit est équitable s’il affiche le logo d’organismes de certification du commerce équitable, tel TransFair Canada.

Cosmétiques : tour du monde des certifications

Parce que le monde entier se trouve désormais dans notre pharmacie, nous vous proposons un survol des principales certifications biologiques, écologiques ou naturelles que vous pourriez y rencontrer.

 

Ecocert (Utilisée au Canada. A remplacé la certification GarantieBio-Ecocert.)
Quoi : Le Québec fut l’un des premiers marchés nord-américains à exiger le contrôle des produits de beauté que les compagnies désirent afficher bio. Celles qui aspirent à recevoir leur GarantieBio-Ecocert doivent prouver que les ingrédients dits biologiques sont réellement issus de ce type d’agriculture. Le pourcentage d’ingrédients d’origine naturelle ainsi que celui d’ingrédients biologiques doivent être inscrits à la droite du logo.

 

Charte Cosmébio (Utilisée en France.)

Quoi : Un label français délivré par l’organisme de contrôle et de certification Ecocert, qui s’applique aux cosmétiques biologiques et écologiques. Il existe deux étiquettes : l’ECO et la BIO.

Promesse : L’ECO concerne le cosmétique dit écologique. Elle garantit que 95 % des composants du produit sont d’origine naturelle, dont un minimum de 5 % issu de l’agriculture biologique. Pour les composants végétaux, au moins 50 % doivent être issus de l’agriculture bio.

L’étiquette BIO signifie que 95 % des composants du produit sont d’origine naturelle, dont un minimum de 10 % issu de l’agriculture biologique. Un minimum de 95 % des composants végétaux est aussi issu de ce type d’agriculture.

 

 

Enfin, les produits à la fois ECO et BIO ne renferment ni conservateur, ni parfum, ni colorant de synthèse, ni OGM et n’ont fait appel ni à la pétrochimie ni à des traitements ionisants. Cosmébio autorise certains produits de synthèse en quantité minimale, mais exclut les PEG, silicones et autres dérivés pétrochimiques.

 

 

 

USDA Organic

Quoi : Un programme du département d’Agriculture du gouvernement américain.

Promesse : Les produits portant le sceau USDA Organic contiennent un minimum de 95 % d’ingrédients bio. Le département d’Agriculture autorise aussi la mention « fait avec des ingrédients biologiques » lorsque le produit contient au minimum 70 % d’ingrédients bio. Les emballages ainsi labellisés ne peuvent cependant pas porter le sceau USDA Organic.

 

 

 

Cosmétique naturel contrôlé
Quoi : Un label attribué par le BDIH, une fédération allemande qui regroupe des entreprises fabriquant médicaments, produits diététiques, compléments alimentaires et cosmétiques.

Promesse : Zéro matière première issue de la pétrochimie, zéro substance d’origine animale, pas de colorant ou de parfum de synthèse, que des huiles (essentielles ou végétales) provenant de l’agriculture biologique (certifiée AB). Les emballages doivent être recyclables et réduits au minimum.

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