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L’écosystème amoureux

Notre homme invité, Jean-Sébastien Marsan, poursuit sa réfléxion sur les multiples modèles de couples.

Dans le monde débile qui est le nôtre (j’ai nommé l’Occident), nous croyons erronément qu’il n’existe que deux manières de vivre l’amour : le papillonnage des dragueurs du samedi soir et le couple fusionnel-exclusif-à-vie. Entre les deux, rien.

On passe malheureusement sous silence qu’il existe bien d’autres manières de vivre en couple que le modèle dominant. Par exemple (et la liste qui va suivre ne prétend pas à l’exclusivité), les couples qui font chambre à part, les couples non cohabitants (qui ne vivent pas sous le même toit), les couples ouverts (qui s’autorisent des aventures extraconjugales) et les polyamoureux, qui peuvent entretenir plusieurs relations amoureuses en même temps et sans les cacher à leurs multiples partenaires.

Certains couples conçoivent leur union comme un engagement contractuel renouvelable, les partenaires étant libres de rediscuter périodiquement les termes du contrat et de refuser de le reconduire. Il existe encore des individus qui font volontairement un mariage d’intérêt pour mettre en commun un patrimoine, pour consolider un pouvoir politique ou économique, etc., l’amour entre les mariés étant secondaire — ces partenaires iront chercher hors du mariage des liaisons amoureuses, sexuelles, etc.

Il existe des couples aux extrêmes, par exemple des unions d’une stricte chasteté et, à l’opposé, des couples qui reposent exclusivement sur une sexualité torride, relations dont on parle toujours en termes négatifs: une relation sans sexualité ne serait pas une « vraie » relation, une relation uniquement sexuelle serait dépourvue de la fameuse intimité psychologique, croit-on.

Des relations amoureuses peuvent être peu fusionnelles, par exemple avec des partenaires très autonomes ou qui se croisent peu fréquemment — dans leur esprit, pourtant, leur amour est fort.

Il existe une zone floue entre l’amitié et l’amour, qui fait peur à la plupart des gens. Dans notre culture, il est mal vu d’éprouver du désir pour ses amis, il est encore plus mal vu que des amis de longue date traversent la frontière qui sépare la camaraderie de l’amour physique, et on admet difficilement que la relation très intense de l’amitié intime (cette amitié où tout geste affectueux est permis, mais sans aller jusqu’à la relation sexuelle) est souvent un amour chaste.

Enfin, le célibat prolongé est considéré comme une tare. Les gens qui ne vivent pas en couple sont toujours suspects: on les tient pour des obsédés sexuels tendance maniaque ou pour des gens complètement repliés sur eux-mêmes, brisés par la solitude. Nombre de nos concitoyens, pourtant, ne s’intéressent pas à la vie de couple et ne sont pas malheureux pour autant. Ces célibataires peuvent mener une vie plus enrichissante que celle de bien des couples isolés, à l’imaginaire amoureux atrophié et au réseau social pauvre, encroûtés dans un univers abrutissant de conformisme et d’ennui.

Attention, que l’on me comprenne bien: il existe des gens heureux dans le modèle fusionnel-exclusif-pour-la-vie. Tant mieux pour eux. Mais pourquoi leur mode de vie est érigé en modèle universel? C’est une manière de vivre l’amour parmi tant d’autres…

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