Livre du mois

L’air adulte, d’Ann-Marie MacDonald: nos critiques

L’écrivaine montréalaise Ann-Marie MacDonald fait paraître L’air adulte, troisième volet d’une trilogie sur le pardon, la compassion et l’amour. Qu’en ont pensé les membres du Club de lecture Châtelaine? Leurs critiques ici.

Couv_AMM_800L’histoire

Une semaine dans la vie d’une écrivaine qui a choisi de rester à la maison avec ses jeunes enfants, alors que sa compagne poursuit sa vie professionnelle. Les journées défilent, scandant l’éternel marathon du quotidien, la tuante remise en question et son cortège de doutes, la plongée dans les souvenirs tenaces du passé, menaçants et douloureux.

Les personnages

Mary Rose MacKinnon, 48 ans, écrivaine à succès de livres jeunesse, en pause maternité. Hilary, 38 ans, metteure en scène, avec qui Mary Rose est « mariée légalement ». Leurs enfants, Matthew, garçon calme, et Maggie, petite fille aussi adorable qu’exaspérante. Dolly et Duncan, parents vieil-lissants de Mary Rose, qui, après avoir rejeté violemment l’homosexualité de leur fille il y a plus de 20 ans, se sont rapprochés de sa famille.

Pourquoi on a aimé

La puissance de l’histoire. Le rythme rapide épousant le chaos de la vie domestique et les tourments de Mary Rose. La finesse de l’humour enveloppant des émotions à fleur de peau. Des scènes hilarantes ou déchirantes se succédant dans le même halo de tendresse. Les personnages vibrants d’humanité. La traduction magnifiquement inspirée.

À lire : Un extrait de L’air adulte d’Anne-Marie MacDonald 

L’auteureAnne-Marie-MacDonald800

Ann-Marie MacDonald est née en 1958. Études à l’École nationale de théâtre à Montréal. S’installe à Toronto. Ses deux premiers romans, Un parfum de cèdre – best‑seller international – et Le vol du corbeau, sont inspirés de ses origines familiales écossaise et libanaise. « La fiction n’est pas le contraire de la vérité », dit Ann-Marie MacDonald dans L’air adulte, qui est, reconnaît-elle, son livre le plus personnel. Écrit sous le signe du pardon, de la compassion, de l’amour, ce roman est celui de la réconciliation. Une œuvre immense! L’auteure vit maintenant à Montréal avec sa conjointe Alisa Palmer et leurs deux fillettes.

Flammarion Québec, 432 pages. Traduction : Lori Saint-Martin et Paul Gagné.

 Les critiques du Club de lecture Châtelaine

 

1. Raphaelle Lambert

Raphaelle-LambertJ’ai aimé : Le sujet ! Cette femme, auteure à succès (artiste torturée mais pleine d’humour) en pause d’écriture pour élever ses enfants. Sa vie de femme au foyer, pendant une semaine, sans sa conjointe qui est partie pour son travail; sa vie de mère à la maison, tiraillée entre l’image parfaite à projeter et les parts d’ombre qui rongent, et qui semble être la seule à ne pas voir qu’elle sombre. Le ton est très drôle, juste assez cinglant, mais aussi très profond, un travail magistral dans la psychologie du personnage. J’ai beaucoup aimé les différents niveaux d’écriture qui s’entremêlent dans le récit comme le font les pensées qui errent dans l’esprit et qui, sournoisement, nous forcent à repenser tout ce qu’on croyait savoir… Une fouille à tâtons dans l’archéologie familiale, ses strates, ses mythes et tous les non-dits qu’ils renferment et qui enferment. Et les douleurs morales ou émotives qui remontent comme des douleurs physiques, et les douleurs physiques qui calment ou éveillent les douleurs morales…

J’ai moins aimé : La traduction du titre et la couverture. Il me semble que ce ballon ne donne en rien idée de la profondeur de l’histoire ! Il y a bien quelques situations que l’on peut voit venir, mais la grande force, c’est le cheminement qui y mène.

Commentaires : Le récit peut rappeler Nancy Huston avec les flash-back familiaux, les plaines canadiennes et le passé chargé de pathos… Je ne connaissais absolument pas Ann-Marie MacDonald, mais son écriture m’a parlé ! Ce livre m’a-t-il autant touchée parce que je suis moi-même mère à la maison en ce moment ? Peut-être un peu, mais la force de l’écriture m’a tenue jusqu’à la fin. Un de ces livres que je dévore, mais que je m’attriste de finir !

Ma note sur 10 : 9,5

 

2. Nathalie Thibault

NathalieThibaultJ’ai aimé : L’urbanité du récit sur fond de passé obscur. Une galerie de personnages marginaux et instables, attachants par leur difficulté à être heureux ou leur habileté à oublier. Le questionnement sur le difficile équilibre de la vie domestique, qui se transmue en révélateur de violences et de vide, et la quête du vrai bonheur ! La subtilité des situations dans ce qu’elles peuvent être interprétées selon l’histoire personnelle de chacun des personnages. Mary Rose, sur la marge, que l’on aime et que l’on déteste, est une saboteuse de bonheurs. On sait qu’un terrible secret explique son incapacité à s’épanouir. En eaux troubles, le lecteur remet en question ses propres attitudes et aptitudes à vivre avec son passé et se conforte dans son ambition à être simplement heureux.

Je n’ai pas aimé : La patience que ce roman exige égratigne des moments qui auraient pu être tellement troublants et intenses. Les différents espaces-temps décrivant les mêmes épisodes de vie sont pleins de promesses. L’ambiguïté constante des sentiments et sympathies qu’on éprouve pour les personnages et le scoop que l’on pressent, si lent et si indéfini, affaiblit ce roman ambitieux et complexe. Le drame initial de Mary Rose ne parvient pas à nous réconcilier. L’enchevêtrement des histoires nous donne du fil à retordre. À se demander si l’on ne devient pas un peu fou, comme l’héroïne aux prises entre les démons du passé qui la hantent et les anges du présent qui la soutiennent.

Commentaires : J’ai adoré les deux premiers romans de cette auteure. Les relations familiales au cœur de ses grandes sagas riches de drames et lourds d’histoire sont décrites avec tant de réalisme que l’on ne peut pas ignorer ce roman qui mérite toute l’attention due à une magnifique plume.

Ma note sur 10 : 7

 

3. Marie-Claude Rioux

marie-claude_n_bJ’ai aimé : La temporalité en montagnes russes du roman, naviguant entre le présent et le passé, entre la réalité et la fiction. La diversité des sujets abordés, parmi lesquels : l’adoption, la dépression post-partum, la démence, la vieillesse, le mariage entre personnes de même sexe, et même les préjugés envers les pitbulls et les musulmans ! Les petites touches d’humour – cependant trop rares à mon goût.

J’ai moins aimé : La profusion de détails ennuyeux. À moins que l’on apprécie la lecture de la vie ultra quotidienne d’une mère au foyer (l’envoi de courriels, les promenades au parc, les échanges téléphoniques, l’enfilage de bottes de pluie à une gamine insupportable, le ménage, la cuisine), les pages transpirent l’ennui. Le grattage de bobo du personnage principal, son hypocondrie, sa paranoïa. J’ai eu l’impression de lire le journal d’une femme qui déverse ses angoisses et frustrations sur 430 pages. Avec 200 pages en moins, l’ensemble aurait pu devenir haletant.

Commentaires : Ayant beaucoup aimé les deux romans précédents d’Ann-Marie

MacDonald, j’ai été étonnée de découvrir une saveur si autobiographique à celui-ci. Si Un parfum de cèdre et Le vol du corbeau étaient des coups de maître, L’âge adulte m’est plutôt apparu comme un livre-thérapie.

Ma note sur 10 : 4

 

4. Christian Azzam

ChristianAzzam-1J’ai aimé Par moments, le style qui ne manque (parfois) pas d’originalité.

Je n’ai pas aimé Même si les premières lignes d’un roman sont importantes, l’auteur n’a pas l’obligation de me happer dès le début et le lecteur que je suis est si patient que rares sont les livres que je ne termine pas. Reste qu’après avoir plongé dans l’histoire, je dois être séduit par le style, étonné par l’intrigue tissée, surpris par l’originalité de l’histoire, amusé par l’excentricité des personnages ou touché par la vie de ceux qui peuplent les pages du roman. Je me fais aussi un bonheur de lire lentement, et de relire les passages que j’aime encore plus lentement. C’est le contraire qui s’est produit lorsque j’ai eu le dernier bouquin d’Ann-Marie MacDonald entre les mains. Dans l’ensemble, cette lecture ne fut rien de moins que pénible. J’en suis sorti étourdi tant l’auteur nous fait passer d’un sujet à l’autre sans prévenir, ennuyé par des dialogues trop souvent insipides, agacé par Dr Goldfinger, évidemment gynécologue et, comme Mary Rose, le personnage principal, j’en suis quitte avec une douleur au bras toujours présente tant les pages sont devenues lourdes à tourner. Je devais néanmoins compléter cette lecture pour vite filer à la rencontre d’un auteur qui me fera renouer avec le plaisir de lire.

Ma note sur 10 : 5

 

5. Marielle Gamache

mariellegamacheJ’ai aimé : L’histoire de Mary Rose – l’héroïne – au quotidien banal teinté d’un lourd passé déconcertant. Ce passé m’a particulièrement interpellée. L’auteure puise là –source intarissable – tous les éléments propices à la réflexion de l’influence de celui-ci sur l’habileté de vivre le ici et maintenant de l’âge adulte. L’approche psychologique bien amorcée tient la route.

J’ai moins aimé : La construction du roman en soi, sa longueur, si bien que mon intérêt premier a fini par se noyer dans le torrent de tous ces états d’âmes réunis dans un seul bouquin où se fraie une faible lueur de résilience. De plus les extraits du livre écrit par l’héroïne m’ont semblé superflus et déroutants. L’absence de fin rend le tout un peu décevant.

Commentaires : Ce roman m’est apparu comme une longue tirade sur la vie d’une adulte écorchée par les blessures toujours ouvertes de l’enfance. C’est une œuvre dense, complexe dans sa structure, à lire dans un état d’esprit serein.

Ma note sur 10 : 7

 

6. Gabrielle Paquette

gabriellepaquetteJ’ai aimé : Au départ un peu étourdie par le tourbillon de mots et de réflexions qui traversent la tête de Mary Rose, j’ai rapidement pris goût au style d’écriture de l’auteure. Elle nous amène habilement dans les zones d’ombre et de lumière d’une femme aux prises avec des émotions et des questionnements multiples; flirtant avec le déséquilibre, les tabous, les blessures du passé et l’amour intense qu’elle porte à ses enfants. Très dense, l’écriture d’Ann-Marie MacDonald sert fort bien l’histoire qu’elle raconte. J’ai souvent pensé au livre de Marie Cardinal Les mots pour le dire pendant ma lecture.

J’ai moins aimé : J’ai trouvé superflus les extraits du livre écrit par Mary Rose. Plusieurs flash-back et allers-retours dans le temps sont suffisants pour maintenir le déséquilibre et faire vivre au lecteur les tensions mentale et physique qu’elle traverse.

Ma note sur 10 : 8

 

7. France Giguère

francegiguereJ’ai aimé : La capacité de l’auteure à décrire de manière colorée et humoristique le quotidien d’une quadragénaire homosexuelle, auteure de littérature jeunesse, qui s’occupe de ses deux jeunes enfants à la maison. J’ai aussi bien aimé les retours dans le passé de sa mère, qui permettent de dévoiler peu à peu l’histoire familiale ayant marqué le personnage principal.

J’ai moins aimé : C’est long, très long. Il faut lire quelque 300 pages avant d’enfin arriver aux blessures liées à l’enfance et à la sortie du placard de cette femme, qui essaie de les comprendre et de les panser. Puis, ça tombe un peu à plat, j’ai décroché et je me suis ennuyée pour terminer les 417 pages du roman. L’auteure n’a pas réussi à me toucher, comme si elle n’approfondissait pas assez son sujet. Il y aussi le livre dans le livre. J’ai trouvé que c’était une belle manière de faire écho aux blessures d’enfance du personnage, mais que cela alourdissait le texte, déjà très dense. Enfin, il y a un petit côté prêchi-prêcha qui m’a agacée tout au long de l’œuvre.

Commentaires : Chapeau pour l’excellent travail de traduction!

Ma note sur 10 : 6

 

8. Sandrine Desbiens

SandrineDesbiensJ’ai aimé : La difficulté émotionnelle du personnage principal à composer avec les membres de sa famille. C’est une histoire présentée selon la tendance actuelle des mœurs sociales et familiales. Cela dit, le titre de l’histoire est parfaitement choisi.

J’ai moins aimé : La banalité et les questionnements enfantins du personnage principal. Le début de l’histoire n’est pas du tout accrocheur, cela ne va nulle part. Un livre qui est trop long pour le genre de l’histoire, elle-même souvent complexe et parfois surchargée d’éléments grossiers.

Ma note sur 10 : 4

 

9. Isabelle Goupil-Sormany

isabellegoupilsormanyJ’ai aimé : J’ai savouré l’exploration détaillée de l’aliénation parentale (surtout maternelle) d’une génération à l’autre. L’auteure explore le rapport à la maternité sous toutes ses formes, y compris ce qui paraît conditionné par l’autre (l’autre étant multiple). Certaines scènes du quotidien d’une famille avec de jeunes enfants sont débordantes de vérité. Le propos féministe qui se dégage du livre est intéressant.

J’ai moins aimé : Le roman est dense, étouffant, lourd. Les pensées de Mary Rose et ses nombreuses divagations sont traduites avec une minutie telle que j’en ai fait une indigestion. Je n’ai pas aimé avoir à me convaincre qu’il s’agissait d’un exercice de style nécessaire pour comprendre le propos réel du livre. Le cynisme qui se dégage dans la description des comportements des enfants m’a sincèrement dérangée, même s’il cherchait à traduire l’état de désarroi de l’héroïne qui n’assume pas très bien ses choix.

Commentaires : Je termine la lecture du roman avec une impression de vacuité – on se perd dans l’insignifiance du quotidien ! Il faut vraiment lire ce roman avec deux pas de recul pour l’apprécier !

Ma note sur 10 : 5

 

10. Sonia Gratton

SoniagrattonJ’ai aimé : D’abord, j’ai aimé les personnages, si vrais qu’on croirait tous les reconnaître, avec chacun leur lumière et leurs failles. L’auteure semble vraiment bien les cerner – au point où on peut facilement imaginer l’autofiction – et les laisse s’exprimer dans une grande justesse, avec tendresse et compassion. J’ai aussi aimé le côté doux-amer, les drames qui laissent leurs traces de génération en génération mais qui tissent les liens d’amour aussi; la dureté de la vie qui côtoie les petites joies et drôleries du quotidien, la façon très fluide de passer de l’un à l’autre. J’ai aussi trouvé que l’auteure avait un sens de la formule particulièrement efficace.

J’ai moins aimé : Toutes les pages – et elles sont nombreuses ! – qui traitent de la maternité dans le quotidien avec un jeune enfant m’ont épuisée avec les petites phrases courtes qui donnent un rythme très rapide, essoufflant, et les clichés inévitables… Même si je m’y suis en partie reconnue, ça m’agressait ! J’ai aussi remarqué plusieurs passages où la traduction était à côté de la plaque.

Ma note sur 10 : 7

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