Livre du mois

Livre du mois: À l’orée du verger de Tracy Chevalier

La poursuite du rêve américain racontée par Tracy Chevalier. Intense! Qu’en ont pensé les membres de notre Club de lecture?

 

livreL’histoire

1838. En quête d’une vie meilleure, un couple quitte sa ferme du Connecticut pour se diriger vers « l’ouest ». Le périple s’achève dans le Black Swamp de l’Ohio, où l’on offre des terres à défricher. Le quotidien est rude, 5 des 10 enfants sont emportés par les fièvres des marais et, entre le mari et sa femme, sévit une guerre ouverte au sujet de la variété de pommes à cultiver. À neuf ans, Robert, l’enfant préféré, fuit l’enfer familial, et traverse le pays jusqu’en Californie.

Les personnages

James Goodenough. Résigné à sa vie besogneuse, amoureux de son verger « havre de paix », fera tout pour protéger ses pommes, les reinettes dorées. Sadie, sa femme. Bouillante mégère, frustrée de son sort, se réfugie dans l’eau-de-vie de « ses » pommes. Robert, qu’on retrouve à San Francisco, après 18 années de petits boulots et de découvertes. Martha, sa jeune sœur, qu’à regret il a laissée derrière lui. William Lobb, botaniste anglais.

On aime

La passion contagieuse de l’auteure, qui entremêle avec un réel bonheur des êtres de fiction et des personnages historiques. Les pommiers de l’Ohio, les séquoias géants de la Californie, la fièvre de la ruée vers l’or, les débuts du tourisme avec son cortège de promoteurs avides constituent la toile de fond où les arbres, les femmes et les hommes naissent, vivent, aiment et meurent.

Photo: Nina Subin

L’auteure

Tracy Chevalier est née en 1962 à Washington. Elle habite en Angleterre avec son mari et leur fils. Tous ses romans (À l’orée du verger est son huitième) puisent leur inspiration dans l’Histoire, leur thème variant chaque fois. L’immense succès est venu après la parution de La jeune fille à la perle, créé d’après le tableau du peintre néerlandais Vermeer (livre vendu à cinq millions d’exemplaires et adapté au cinéma avec Scarlett Johansson et Colin Firth). Tracy Chevalier a refusé les propositions la pressant d’écrire encore autour d’un artiste, car ce qui l’enthousiasme est la découverte de nouveaux univers à partager avec son public, toujours fidèle au rendez-vous.

Quai Voltaire, 328 pages. Traduction d’Anouk Neuhoff.

POUR LIRE UN EXTRAIT DU ROMAN À L’ORÉE DU VERGER

Les critiques du Club de lecture Châtelaine

francegiguereFrance Giguère

J’ai aimé : Cette plongée au milieu des années 1800, quand les États-Unis se construisent encore. La description que l’auteure fait de la vie de cette famille de pionniers qui s’installe en Ohio dans des terres hostiles qu’il faut défricher d’arrache-pied pour essayer de faire pousser des pommiers. J’ai trouvé habile et j’ai beaucoup apprécié le procédé de l’auteure de nous présenter par chapitres alternés, tantôt la vision qu’a la mère de cette vie de misère, tantôt la vision du père, amoureux de ses pommiers. Lorsqu’on tombe dans la deuxième partie du livre, l’auteure réussit bien à nous décrire la vie quotidienne de l’époque dans l’Ouest américain avec la folie de la ruée vers l’or, les déplacements à cheval et en bateau, la vie des femmes, l’effervescence du moment.

J’ai moins aimé : Le livre perd un peu de son souffle au milieu, assez, en tout cas, pour me faire décrocher un peu. Une fois le portrait de famille de pionniers brossé, on entre dans la deuxième partie du livre et on suit Robert, le petit dernier de la famille qui part à la conquête de l’Ouest, et la transition entre les deux parties est un peu longue.

Ma note sur 10 : 7

NathalieThibaultNathalie Thibault

J’ai aimé : Ce roman, c’est une histoire de pommes, de «pommes familiales», résumera Martha, la petite fragile de la famille Goodenough qui a appris de son frère Robert qu’elle était plus forte qu’elle ne le pensait. Sa traversée du continent sur les traces de son frère le prouvera. Robert, serviable, discret et petit bonhomme de neuf ans qui fuira le Black Swamp de l’Ohio et qui errera jusqu’à ce qu’il découvre son lieu de paix, les forêts de grands arbres de l’Ouest. Toujours plus vers l’ouest, Robert ne s’intéresse qu’à une chose, fuir. J’ai adoré cette longue fuite et cette lente réconciliation avec la vie. Des personnages dépeints si finement et précisément, dans un style simple et efficace, que l’on n’a pas de difficulté à les imaginer et à les adopter. J’ai aimé chacun d’eux, avec sa couleur propre que l’auteur prend le soin de nuancer au gré des événements. En fait, ce livre est un film, un film sur l’aventure d’un enfant qui devient adulte dans un road trip américain rempli de paysages qu’on découvre en même temps que lui. Si on se demande bien, au départ, comment peut évoluer ce roman campé dans ce milieu lugubre et hostile, humainement et géographiquement parlant, on le termine en disant que ce n’est pas si simple la vie parce que, quand même, les meilleures pommes naissent dans le Black Swamp et, comme souvent le dira Molly, que ce monde est plein de chagrins, pas vrai!

J’ai moins aimé : Vraiment, je cherche! Peut-être cette lenteur et cette langueur cruelle de l’enfance de Robert, mais cela reste tellement fascinant et plein d’émotions, si loin de notre réalité, enfin, pour la plupart d’entre nous j’ose espérer. Plus je repense à ce roman, plus je l’aime!

Ma note sur 10 : 9

Anja_DjogoAnja Djogo

J’ai aimé : À l’orée du verger s’inscrit dans la vague de romans explorant le thème de la colonisation américaine en ayant ceci d’intéressant : raconter cette époque non pas à travers les yeux d’un prospecteur, d’un cowboy ou d’une belle du Sud mais plutôt à travers la vie d’une famille fermière et de son fils qui tentent (tant bien que mal) de survivre dans une contrée hostile.

J’ai moins aimé : Malheureusement, au-delà du thème, je ne peux pas dire que j’ai aimé grand-chose de ce livre que j’ai failli abandonner plus d’une fois. Les passages narrés par la mère, Sadie, étaient particulièrement irritants. Non seulement ses réflexions étaient stéréotypées et simplistes, mais la transition entre sa narration et celle par un narrateur externe pour les autres personnages manquait complètement de fluidité. Ceci était d’autant plus agaçant que le style de Tracy Chevalier dans ces autres passages était, à mon avis, nettement plus habile.

Autres commentaires : Un livre bien mélodramatique qui ne comporte pas assez de moments forts pour compenser toute cette morosité.

Ma note sur 10 : 4

isabellegoupilsormanyIsabelle Goupil-Sormany

J’ai aimé : C’est un roman dur, difficile, violent. Pourtant, son rythme est contemplatif : on y observe par petites bribes la vie d’un colon, M. Goodenough, et de certains membres de sa famille qui tentent tant bien que mal de se faire une vie dans un climat et une nature hostiles. J’ai aimé découvrir les pommes et leurs saveurs. J’ai apprécié les personnages secondaires qui tentent de survivre dans ces terres promises qui n’en sont finalement pas.

J’ai moins aimé : Une partie du roman se déroule au «Je» pour tenter d’expliquer le comportement abusif et méchant de la matriarche du clan Goodenough. Ce choix stylistique particulier, pour ce seul personnage, en modifie radicalement le rythme. Personnellement, je m’en serais passé.

Autres commentaires : La ruée vers l’Ouest et la misère des premiers colons sont des pans de l’histoire américaine idéalisée par La Petite Maison dans la prairie. Ce roman présente une autre version de l’histoire avec des paramètres de départ pourtant semblables. Derrière les chicanes du couple Goodenough, le roman fait parfois mal au cœur. La violence du roman vient peu à peu, surtout dans son dernier tiers. Il faut prendre le temps de s’y préparer.

Ma note sur 10 : 8

ChristianAzzam-1Christian Azzam

J’ai aimé : Forcément, être membre d’un club de lecture nous amène parfois hors des sentiers battus. C’est justement le cas de ce livre, au-dessus duquel je ne me serais pas nécessairement penché, et ce l’est d’autant plus que l’auteure nous plonge dans le fond du bois, voire dans les profondeurs d’un marais : le Black Swamp, en Ohio. Elle nous fera ensuite voyager à travers les États-Unis et jusqu’en Californie, avec pour compagnons de route des personnages historiques qui en côtoieront d’autres qui naîtront sous sa plume. J’ai pris plaisir à faire ce voyage d’une autre époque et y repenserai en me souvenant de cet amour pour les arbres, qui devient contagieux. L’échange épistolaire entre certains protagonistes m’a rappelé cette joie, elle aussi d’une autre époque, qu’est la réception d’une lettre manuscrite mais dont l’efficacité redoutable des courriels a signé l’arrêt de mort. J’ai aussi aimé quelques passages ici et là, comme celui-ci : « La vie n’était souvent que la répétition des mêmes gestes dans un ordre différent, selon le jour qu’on était et l’endroit où on se trouvait. »

J’ai moins aimé : Il ne s’agit pas ici d’un livre qui nous happe et dans lequel on restera les yeux rivés, au risque de sortir du métro avec trois stations de retard, et les personnages ne sont pas non plus attachants au point que l’on en rêvera la nuit venue. En d’autres mots, je dois admettre que j’ai eu besoin d’un peu plus d’efforts pour poursuivre la lecture et que j’aurais souhaité par moments que les pommes du verger soient plus juteuses.

Ma note sur 10 : 7

SoniagrattonSonia Gratton

J’ai aimé : Les aspects historiques sur le 19e siècle aux États-Unis, la ruée vers l’or, la construction de San Francisco, le travail des botanistes, etc. J’ai aussi aimé la construction du roman, ses sauts dans le temps, les lettres des enfants qui créent un lien fort et qui poussent à vouloir comprendre, et s’attacher à eux.

J’ai moins aimé : La boue, la poussière, les moustiques, la mesquinerie, les bondieuseries, la malveillance, le jugement, l’obstination, la violence, l’obsession des pommes… étouffant! J’aime pourtant souvent les lectures «difficiles», je ne suis pas fleur bleue, mais là j’avais envie de m’enfuir autant que les personnages! Aussi, j’adore la botanique et j’ai un verger moi-même, mais les passages au sujet des pommes m’ont franchement ennuyée… Les morts et les naissances abracadabrantes m’ont fait lever les yeux au ciel. Il y a un trop grand décalage entre le style élégant et naïf de l’écriture et le caractère dur des sujets. Le pire pour moi ce sont les personnages : chacun à sa façon, je les ai tous détestés et je me suis sentie comme si j’avais aussi peu de cœur qu’eux!

Ma note sur 10 : 6

mariellegamacheMarielle Gamache

J’ai aimé : L’époque et l’environnement où se déroule l’histoire de la famille Goodenough, la ténacité et l’ingéniosité du père à implanter un verger où trône une espèce de pomme propre à son enfance, et ce, malgré l’adversité de sa femme et les conditions marécageuses du Black Swamp en Ohio. Les lettres de Robert – le fils aîné – à sa famille, en jargon d’abord, puis peaufinées au gré de son apprentissage de l’écriture, confèrent une belle touche de véracité au roman. L’émotion palpable des retrouvailles frère et sœur est jouissive, sans oublier l’énergie contagieuse de Molly – une rencontre au fil des voyages – qui jouera un rôle décisif dans le destin de Robert.

J’ai moins aimé : La portion du récit qui relate les péripéties de la vie de Robert en Californie, j’avais hâte de découvrir la suite des événements précédant son départ du Black Swamp.

Autres commentaires : Tracy Chevalier brosse le portrait d’une famille aux prises avec des conditions de vie misérables, où la notion de bonheur est boiteuse. La violence conjugale, les enfants non désirés traités en esclaves, la maladie… seule subsiste la passion du père pour les arbres, qu’il transmet à un de ses fils. C’est un roman sombre, tragique même, rythmé d’émotions intenses, très attachant.

Ma note sur 10 : 9

Raphaelle-LambertRaphaëlle Lambert

J’ai aimé : Le côté «chronique de la colonisation», géographique et botanique, vécu de l’intérieur, par ceux qui se sont tués à la tâche, au défrichage, ceux qui se sont battus contre eux-mêmes et contre la terre qui devait les nourrir… La passion du père pour ses pommiers et leurs fruits, l’amour qu’il leur porte et dont sa femme, très portée sur l’eau-de-vie, est jalouse. Et cette femme, une mère dénaturée, mauvaise, hargneuse. C’est un récit de la vie harassante, de gens obligés qui se détestent, des enfants élevés à la dure, d’une région qui ne se laisse pas dompter. Puis, il y a la cassure, le départ du fils vers l’Ouest, que l’on suit d’abord par les lettres qu’il écrit à sa famille, et ensuite sa vie d’adulte à découvrir le pays et ses arbres… La trame historique est vraiment intéressante, on y suit les pionniers, les chercheurs d’or, ceux qui ont parcouru des kilomètres pour dénicher des espèces rares, les faire découvrir, les faire pousser.

J’ai moins aimé : Le dernier tiers de l’histoire m’a légèrement fait décrocher, ça devient un peu mielleux, mélodramatique. Comme si l’auteur, à l’instar de son personnage, avait elle aussi greffé une branche de fruits sucrés à l’arbre à pommes acides qu’elle nous avait jusque-là servi.

Autres commentaires : Ce livre peut rappeler L’or, de Blaise Cendrars, par son côté chronique de la conquête de l’Ouest, la Californie du 19e siècle, mais ici, on s’intéresse plutôt à l’arboriculture. C’est une saga familiale dramatique sur fond de guide d’initiation à la pomiculture!

Ma note sur 10 : 7,5

SandrineDesbiensSandrine Desbiens

J’ai aimé : L’histoire familiale sur la vie dans le Black Swamp, racontée du point de vue du mari et de la femme. Une plus douce et l’autre, beaucoup plus dure. Le fait qu’une partie de l’histoire soit écrite sous forme de lettres, ce qui change des structures habituelles. Moi qui aime voyager, j’adore que le récit voyage de l’Ohio jusqu’en Californie, en passant par New York et plus encore, tout en racontant la difficulté de la vie et les différentes facettes des métiers du temps. Il ne faut pas se choquer de la brutalité de certains mots, car cela ajoute du piquant à l’histoire. Les personnages sont attachants et tellement bien dépeints qu’on les imagine et s’y attache sans problème. Je dois avouer que mes coups de cœur sont Martha, pour sa douceur et les épreuves qu’elle traverse, et James, pour sa franchise et son bon sens. Même si la mère empoisonne la vie familiale jusqu’à en causer la perte, je l’ai adorée. La description des pommes, surtout les reinettes dorées, donne l’eau à la bouche! À lire avec un bon cidre de glace québécois, pour marier le goût des pommes sucrées si bien décrit à celui du roman!

J’ai moins aimé : Rien!

Ma note sur 10 : 9

marie-claude_n_bMarie-Claude Rioux

J’ai aimé : L’histoire de cette famille de pionniers dans les Black Swamp de l’Ohio est des plus fascinantes. Comme quoi la conquête du rêve américain n’a pas eu la même portée pour tous. La dureté de la vie et l’âpreté du quotidien sont palpables. Bien campés, les membres de la famille Goodenough sont présentés dans toute leur complexité.

J’ai moins aimé : Je n’ai jamais autant entendu parler d’arbres dans un roman. Les pommiers et les séquoias n’ont plus de secrets pour moi! Il a fallu que je m’accroche pour ne pas faire une indigestion. La dimension historique du roman, quoique très bien documentée, m’a semblé par moment lourde et ampoulée.

Ma note sur 10 : 6

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