Filet de porc au pin blanc et poivre des dunes, coulis de sureau noir. Lichen frit. Caplans entiers panés, julienne de racines à l’esturgeon fumé… Voilà le genre de plats qu’on peut déguster dans l’un des nouveaux restos qui mettent en vedette les produits locaux. Les enseignes spécialisées en cuisine nordique sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses. Un magazine consacré à notre « identité culinaire », Caribou, vient même d’être lancé. Comment est-on passé du répertoire de nos grands-mères à une cuisine boréale branchée ?
La mode « terroir » s’est amorcée dans les années 1990, sans faire trop de vagues. Puis, il y a 10 ans, des chefs scandinaves ont lancé leur Manifeste pour la nouvelle cuisine nordique, qui a eu des échos partout dans le monde. Voilà le véritable coup d’envoi du mouvement. Désormais, -promouvoir les ressources typiques de notre territoire, valoriser le travail artisanal des producteurs, en marge de l’agriculture de masse, n’étaient plus perçus comme l’affaire de quelques originaux, mais comme une démarche logique, légitime et très -tendance.
À la table des chefs
Aujourd’hui, tout ce qui est « sauvage » – petits fruits, plantes, gibier, poissons – est recherché. Un exemple parmi d’autres : la morille de feu, un champignon qui pousse sur le sol des forêts boréales dévastées par le feu et vendu à prix d’or dans certains marchés. Les chefs d’ici se réapproprient des produits auparavant snobés (hareng, maquereau) ou oubliés (sarriette, sureau), et ils rendent sexy des ingrédients courants comme le maïs, les crosses de fougère, les courges. « Nous avons des ressources fantastiques autour de nous, nous redécouvrons des saveurs ! » s’enthousiasme Ariane Paré-Le Gal, fille de Gérald Le Gal, créateur de l’entreprise de cueillette Gourmet sauvage. « Lorsque mon père a commencé, avec d’autres coureurs des bois comme François Brouillard des Jardins sauvages, il y a plus de 20 ans, personne ne s’intéressait aux ressources naturelles d’ici. Il a fallu convaincre. Des chefs comme Anne Desjardins, Daniel Vézina et Normand Laprise ont ouvert la voie. »
Sur le terrain
Face à la demande croissante, la cueillette en milieu naturel se répand un peu partout. Des petits réseaux locaux se créent : un cueilleur ou un pêcheur propose sa marchandise au restaurant de son patelin. Sinon, des entreprises spécialisées comme Gourmet sauvage, Les Saveurs sauvages, Gaspésie sauvage (il y en a une centaine au Québec) quadrillent le terrain et forment des pros de la cueillette afin de fournir les chefs des villes. Pour les produits issus de la pêche, la distribution passe généralement par des intermédiaires spécialisés. « Le catalogue de ressources s’étoffe avec le temps. D’ici le printemps, nous pourrons offrir aux restaurateurs des algues comme le wakamé, la laitue de mer et la mousse d’Irlande, en plus des champignons, des petits fruits et des plantes que nous ramassons », dit
Gérard Mathar de Gaspésie sauvage. Le garde-manger boréal ne cessant de s’agrandir, nous n’avons pas fini de faire des -découvertes.
Où déguster cette cuisine
Voici quelques restaurants qui proposent la cuisine nordique.
À Montréal
Hôtel Herman
Les 400 coups
Manitoba (Notre article sur ce fameux resto)
Renard artisan bistro
Toqué !
À Québec
Bistro Nordik
Chez Boulay
La Traite
Légende
En Gaspésie
Villa Estevan (Jardins de Métis)
Une plateforme originale
La Société-Orignal, créée en 2011 par Alex Cruz et Cyril Gonzales, distribue des produits fins d’exception : huile de caméline, miel de printemps, salaisons d’oursin… Ainsi, le fruit du travail d’une quarantaine de familles québécoises (agriculteurs, pêcheurs, producteurs laitiers) se retrouve sur les tables gastronomiques de Montréal, de Toronto, de New York, chez le chef Daniel Boulud, entre autres. Au printemps, l’entreprise ouvrira une épicerie dans le quartier Rosemont à Montréal. En attendant, on peut trouver ses produits dans certaines épiceries fines ou visiter sa boutique en ligne : societe-orignal.com
Foisonnement de petits pots
Résultat de notre appétit pour les ressources du pays : les entreprises qui les mettent en valeur se multiplient. Ci-contre : champignons, confitures et marinades de marques bien implantées.