Cuisine

Les miels du Québec

Tout comme les huiles d’olive et les vins, les miels portent l’empreinte de leur terroir. Les fleurs du Québec nous offrent tout un spectre de saveurs à découvrir.

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Photo: Maude Chauvin

Félix Lapierre est devenu apiculteur un peu par hasard, en 1997. « J’ai trouvé des vieilles ruches dans le hangar familial, raconte-t-il. Ma grand-mère ne jetait rien, et son frère pratiquait l’apiculture dans les années 1960. Il ne me manquait que les abeilles ! » Il en possède aujourd’hui quelque 6,4 millions, réparties dans 160 ruches. Avec Judith, sa conjointe, il gère à Brébeuf, dans les Laurentides, la ferme apicole Le petit rucher du Nord, qui comprend un kiosque ouvert au public.

La coqueluche de leur étal : le miel de printemps, qui est aussi le plus laborieux à concocter. « Et il n’y en a pas chaque année. S’il pleut pendant la saison des pissenlits – qui en est la principale source avec les arbres à fleurs –, je perds ma récolte. Chacune des ruches m’en procure seulement de 0,5 à 1 kilo. Ce serait plus simple de le laisser là et de l’extraire plus tard. Mais il est tellement bon, avec ses arômes d’agrumes. »

 

Terroir et saisons
Le goût de cette substance sucrée vient des fleurs visitées par les vaillantes butineuses, qui s’activent dans un rayon de trois kilomètres autour de leur ruche, idéalement sur des terrains sauvages offrant une grande diversité florale. Au Québec, les apiculteurs récoltent généralement à trois moments dans l’année, et chaque production a ses particularités.

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Photo: Maude Chauvin

Le miel de printemps est fait du nectar des pissenlits et des fleurs de cerisier, de merisier et de sureau. D’un jaune intense, il a une saveur florale, fruitée et légèrement corsée.

Le miel d’été est élaboré à partir du trèfle, mais également de l’asclépiade, du mélilot, de la luzerne, de la ronce et de la vesce. Il va du blanc au doré, et son goût est doux, chaud, légèrement floral. C’est aussi pendant les mois de juillet et d’août que le sarrasin fleurit ; son miel est facile à reconnaître, d’une couleur qui se situe entre l’ambre et le brun foncé. Son caractère corsé et ses notes animales plaisent aux adeptes de saveurs intenses.

Le miel d’automne est souvent dominé par la verge d’or, que viennent compléter l’aster, l’eupatoire, les trèfles rouge et blanc. Il est doré, et son goût est légèrement piquant, avec des notes fruitées.

« Il y a 15 ou 20 ans, le Canada exportait du miel de trèfle en quantité, relate Anne-Virginie Schmidt, copropriétaire des Miels d’Anicet et sommité dans son domaine. Mais la culture du canola et du maïs a remplacé celle du trèfle. Le premier est souvent transgénique, cultivé à partir de semences enrobées de pesticides, et son miel n’est pas intéressant du point de vue aromatique. Quant au maïs, il ne fournit pas de nourriture à l’abeille. Au Québec, la monoculture est de plus en plus répandue, et les fleurs sauvages de moins en moins présentes. Or, ce qui donne au produit sa complexité, c’est qu’il soit issu de plusieurs fleurs et non d’une seule. » On comprend pourquoi les connaisseurs apprécient davantage les miels provenant de secteurs plus sauvages et peu agricoles, comme les Hautes-Laurentides, région d’élection des Miels d’Anicet.

À voir: VIDÉO: du miel dans sa cour


Sa vraie nature
Pour savourer l’authenticité du miel, un critère s’impose : oublier ceux qui sont pasteurisés. Ce procédé sert à prévenir la croissance de la bactérie responsable du botulisme, une intoxication rare pouvant affecter les femmes enceintes et les enfants de moins de deux ans – à qui les médecins déconseillent de toute façon la consommation de miel. Et il tue au passage toutes les huiles essentielles, les enzymes et les protéines. « Le but principal de la pasteurisation est la standardisation, dit Anne-Virginie. En chauffant le miel, on empêche sa cristallisation pour qu’il reste liquide. On homogénéise aussi la couleur du produit. Des entrepreneurs qui importent la matière d’Argentine, du Brésil, d’Australie – parce que la main-d’œuvre y est moins chère – mélangent les miels foncés aux plus pâles pour obtenir toujours le même doré. »

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Photo: Maude Chauvin

Une pratique qui explique sans doute pourquoi nombre de consommateurs considèrent cette teinte jaune comme la norme… et fuient les produits plus foncés, dont ils es­timent la saveur trop prononcée. « Ils disent souvent que le nôtre ne “goûte pas le miel”, poursuit Anne-Virginie. Mais la plupart des gens âgés me confient, tout heureux, retrouver celui de leur enfance ! » Avec le mouvement foodie, se réjouit-elle, « bien des gens veulent redécouvrir la saveur du miel et sont moins intéressés par ceux qui sont mélangés avec des produits d’ailleurs ».

Une tendance que confirme Christine Jean, directrice générale de la Fédération des apiculteurs du Québec. « Depuis quelques années, on a commencé à recevoir des appels de consommateurs à la recherche d’un produit venant de certaines fleurs en particulier. En France, on vend depuis longtemps du miel d’acacia, de lavande, etc. » Certains apiculteurs d’ici font désormais analyser leurs récoltes afin de déterminer quelle en est la fleur dominante et de pouvoir ainsi l’inscrire sur l’étiquette.

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Photo: Maude Chauvin

Bien choisir… et déguster
Comment savoir si le miel qu’on achète est artisanal ? La simple mention « produit du Québec » (ou « du Canada ») ne signifie pas nécessairement qu’on a affaire à un miel produit par un artisan apiculteur. L’étiquette sur le pot doit spécifier le nom de l’entreprise apicole ainsi que le nom d’un village, une adresse… On en trouve dans la section des aliments naturels ou biologiques des supermarchés, ou encore dans les épiceries fines. Mais rien ne vaut une visite chez un producteur ou dans une miellerie. (Voir la Route du miel sur le site apiculteursduquebec.com, ou taper « miel Québec » dans un moteur de recherche.)

Pour vraiment apprécier toutes les subtilités des flaveurs, on goûte à quatre ou cinq miels à la cuillère, du plus pâle au plus foncé, en prenant une gorgée d’eau entre chacun. Et puisque le miel se marie à merveille aux produits laitiers, on peut s’offrir une dégustation en associant deux fromages, un doux et un plus goûteux, respectivement à un miel clair et à un foncé. On accompagne le tout de noix grillées et de fruits confits ou d’une compotée de fruits.

Chez les Lapierre, on en met bien sûr sur les rôties du matin, mais également dans les réductions, les vinaigrettes, le yogourt, les laques. « Comment faire manger du poisson aux enfants ? On le badigeonne d’un mélange de miel, de moutarde et d’ail », conseille en souriant Félix, papa de trois petits connaisseurs qui grandissent parmi les ruches.

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Photo: Maude Chauvin

En chiffres…
500 000 : nombre de fleurs qu’une abeille butine pour produire 1 kg de miel
309 : nombre d’apiculteurs commerciaux au Québec
49 635 : nombre de colonies au Québec. Une colonie est composée d’une reine, de faux bourdons et d’abeilles ouvrières, pour une population variant entre 32 000 et 83 000 insectes.

Sources : Fédération des apiculteurs du Québec, Institut de la statistique du Québec

Petits pots d’ici

Le-Petit-Rucher-Miel

Miel de sarrasin du Petit rucher du Nord, 650 g, 9 $.

Fleurs-Ete-Miel

Miel de fleurs d’été des Miels d’Anicet, 340 g, 6,50 $.

Alveole-Miel

Miel urbain d’Alvéole, 350 g, 10 $.

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