Livre du mois

Hivernages: comme un hiver sans fin

Le deuxième roman de l’écrivaine québécoise Maude Deschênes-Pradet dépeint un univers mystérieux où la poésie côtoie l’effroi.

hivernages

 

L’histoire hivernages

Quelles que soient les causes – « tempête magnétique venue du Soleil » ou « phénomène météorologique rare » –, un jour « il n’y avait pas eu d’autre saison que l’hiver ». Le froid et la faim avaient englouti les populations, alors que les rares survivants réussissaient à organiser leur existence en marge dans des abris de fortune : église abandonnée aux pigeons, bunker, « Ville-Réal », métropole souterraine prise d’assaut, ou la forêt, ressource féconde. 

 

Les personnages 

Simone et Talie, jumelles séparées, mais « reliées par un fil invisible ». Sam et son amoureuse, Alyse, réfugiés dans la ville souterraine, que la jeune femme, enceinte, quittera. Elle accouchera dans la forêt glaciale d’une petite Aude qu’un chien-loup protégera et mènera chez une vieille sage. Le Vieux, qui, de son plein gré, s’est barricadé depuis des années dans l’immeuble où, fonctionnaire, il a gaspillé sa vie. Ren, l’orphelin, à qui l’on dérobe son seul bien, ses longs cheveux. Socrate, le chien-loup, sentinelle fidèle. Et les innombrables pigeons, menaçants. 

 

 

 

On aime 

L’audace de l’auteure, qui s’aventure en territoire imaginaire. L’intensité de son récit. Le sens du merveilleux au sein de la tourmente, du froid implacable, de la glace meurtrière. Des personnages attachants et solidaires. L’espoir, malgré tout… 

 

L’auteure 

Maude Deschênes-Pradet naît à Québec en 1983. Après une maîtrise à l’Université Laval, elle enseigne aux États-Unis et publie en 2013 un premier roman, La corbeille d’Alice. Récipiendaire de la prestigieuse bourse Vanier (50 000 $ pendant trois ans), elle termine en 2017 un doctorat en création littéraire à l’Université de Sherbrooke. Le sujet de sa thèse : les lieux inventés et leur rapport au monde réel… Elle est également prof de yoga à Sainte-Foy depuis de nombreuses années, une discipline qui inspire sa vie et son écriture. 

XYZ éditeur, 182 pages 

 

 

 

 

Lire un extrait de Hivernages

Les critiques du Club de lecture Châtelaine

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Marie-Claude Rioux 

J’ai aimé Encore un roman post-apocalyptique ? Décidément, le genre a la cote, mais ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre ! L’angle d’approche de Maude Deschênes-Pradet est passionnant : le Ville-Réal (Montréal ?) souterrain est fascinant et bien ficelé, le milieu rural (ou banlieusard) tout autant. Le climat d’ensemble est envoûtant, inquiétant. J’ai particulièrement aimé cette construction par fragments qui donne accès à plusieurs points de vue bien étoffés. J’ai adoré la diversité des personnages : des hommes, des femmes, des jeunes et des plus vieux… Chacun se démène à sa façon, endure cette réalité éprouvante. Les récits se tissent et les histoires singulières se mêlent sans que rien ne semble forcé ou cousu de fil blanc. Le style, d’une justesse implacable, confère un magnétisme particulier qui s’amplifie au fil de la lecture. Un roman fascinant et addictif. 

J’ai moins aimé Mon côté terre-à-terre a un peu sourcillé sur le flou autour de Simone et sur les pouvoirs extrasensoriels de Aude. À part ça, rien ! 

Ma note sur 10 : 9 

 

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Karine Martel 

J’ai aimé Les personnages, bien vivants, remplis d’espoir et de confiance. Chacun d’eux tente de survivre à cet hiver sans fin et s’accroche à ce qu’il peut pour continuer d’avancer : sa sœur gelée, sa chevelure, son refuge, les paroles de sa mère, etc. Leurs certitudes seront ébranlées parfois, mais tous font preuve de résilience et s’adaptent courageusement. C’est un roman qui se lit d’un seul souffle; je me suis attachée aux personnages dès les premières pages et il n’était plus question de les quitter avant de connaître le dénouement de l’histoire. L’écriture est faite de phrases courtes, qui vont droit au but. Ainsi le roman ne garde que l’essentiel, comme la vie dans l’hiver sans fin où il faut se concentrer sur l’essentiel pour survivre.  

J’ai moins aimé Je suis un peu restée sur ma faim puisque l’histoire ne se termine pas vraiment. En même temps, c’est une fin à l’image du reste du livre : pleine d’espoir ! 

Ma note sur 10 : 8,5 

 NathalieThibault

Nathalie Thibault 

J’ai aimé Un conte plein de tendresse. Pendant cet hiver interminable, les personnages habitent une ville souterraine, un bunker, une église aux pigeons, la maison du trappeur et la forêt des loups. Il s’agit d’une histoire de survivance, mais surtout de connivences, d’attachements. D’une écriture soignée et colorée, ce conte dépeint le drame universel que nous redoutons, celui d’être seul dans un monde hostile. L’instinct de survie donne lieu à une grande inventivité matérielle et psychique. Les liens nécessaires pour nous amener à combattre l’hostilité se développent tantôt avec des animaux (loups et pigeons), tantôt avec des personnes d’une autre génération. Fascinante, la narration met en lumière le caractère inéluctable de la solitude des êtres humains, qui cherchent des alliances pour trouver un équilibre, à défaut de trouver un certain bonheur. L’auteure dépeint avec sensibilité les paysages, les lieux et la banalité de scènes simples par le recours à des images et métaphores originales, inusitées et recherchées. 

J’ai moins aimé À défaut d’être palpitant, ce roman ravit par son côté onirique, mystérieux, empreint d’espoir, dans un monde gelé.  

Ma note sur 10 : 8 

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Isabelle Goupil-Sormany 

J’ai aimé La prémisse d’un hiver sans fin, de nuits sans lune, de neige, de pluie et de vents constants nous emporte et nous berce. Le désespoir des uns, l’espoir des autres et la poésie des différents personnages sont doux à lire, envoûtants. Ce livre doit se déguster lentement mais sûrement, sans trop penser. Chaque bribe d’histoire est forte et percutante. C’est un roman noir, sombre, apocalyptique, mais aussi lumineux et généreux. Un très beau mélange des genres.  

J’ai moins aimé J’ai eu peine à croire à la survie organisée à l’extérieur de Ville-Réal, surtout après dix années d’un hiver permanent. De même, Ville-Réal est trop près du connu pour que je me laisse complètement submerger par l’atmosphère du roman. Et au final, ça passe trop vite.   

Autres commentaires Il faut savoir « éteindre » son cerveau gauche pour vivre complètement ce roman. Ce fut pourtant un plaisir de le découvrir malgré certains raccourcis improbables.  

Ma note sur 10 : 9 

 SandrineDesbiens

Sandrine Desbiens 

J’ai aimé Je ne raffole pas des histoires en chassés-croisés sur fond d’apocalypse, cependant, l’auteure a fait en sorte de ne pas nous étourdir avec trop de personnages et d’histoires personnelles lourdement chargées. Chaque personnage a son petit côté attachant tout en ayant une force de vivre et une volonté qui impressionne. J’ai adoré les liens extraordinaires qui unissent certains d’entre eux comme les jumelles Talie et Simone, ou encore le pouvoir d’Aude de ressentir les liens avec sa mère décédée. De plus, malgré la chaleur de l’été au moment de la lecture, ce livre nous refroidit les os à imaginer les personnages dans ces déserts de glace et de neige.  

J’ai moins aimé Le contexte apocalyptique : un hiver éternel et l’aveuglement d’une ville souterraine par rapport à ce qui se passe à la surface, ce n’est pas sans rappeler beaucoup d’autres histoires du même style, surtout le lien entre le vieil homme et le garçon. La présence de la rivière comme cimetière fait un peu froid dans le dos, on imagine ces cadavres flottant sous la glace les yeux noirs et le corps bleu.  

Ma note sur 10 : 7,5 

 Raphaelle-Lambert

Raphaëlle Lambert 

J’ai aimé La prémisse de l’histoire, un hiver qui commença tôt et qui dure encore, 20 ans plus tard. Les nombreux personnages qui survivent comme ils peuvent dans cet hiver sans fin et dont les histoires se croisant nous forcent à nous demander par quels moyens, nous, on survivrait. J’ai aimé que l’auteur utilise la ville souterraine comme nouveau monde, qu’elle raconte, par fragments, ce qui s’est passé. C’est comme si à chaque chapitre, l’hiver laissait remonter un détail qui nous aide à reconstruire la mosaïque de la vie des survivants. Les rencontres improbables forcées par les événements, l’humain dans ce qu’il a de plus animal, grossier ou magnifique, selon sa nature. Le livre nous plonge dans une intériorité féroce, dans un univers aussi un peu fantastique, où certaines personnes peuvent entendre au loin ce qui se vit à l’intérieur.  

J’ai moins aimé Au départ, je n’étais pas certaine d’aimer l’écriture, mais j’ai finalement été happée par l’histoire, comme un petit vent froid qui devient une tempête et nous enveloppe malgré nous ! J’aurais aimé en savoir un peu plus, également, sur le destin de ces personnages, que le récit se poursuive au-delà. Je me suis sentie laissée en plan seule au milieu de nulle part avec plus personne autour… comme les personnages, j’imagine ! 

Ma note sur 10 : 8 

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