Santé

Dormir à deux, c’est pas reposant !

Ce n’est pas la pratique du Kama-sutra qui met de l’action dans les nuits conjugales… mais les ronflements, grincements et mouvements incessants de son conjoint.


 

Dans les soupers de filles, seules les célibataires parlent de leurs nuits d’amour. Celles qui vivent sous le même toit que leur chum depuis plusieurs années ont un tout autre objectif en tête : dormir. Dormir malgré les cauchemars des enfants, le chat qui gratte à la porte, les soucis au bureau et… le conjoint qui n’arrête pas de gigoter dans le lit. Ronflements, mouvements brusques, insomnie, grincements de dents, allers-retours aux toilettes… il faut non seulement gérer ses problèmes de sommeil, mais aussi endurer ceux de son compagnon. Selon une vaste enquête menée aux États-Unis, 38 % des gens pensent que les troubles du sommeil de leur conjoint nuisent à leur vie de couple.

Mais qui a décidé qu’il fallait obligatoirement dormir dans le même lit que celui qu’on aime ? J’ai des amies qui s’endorment en tenant fermement leur bout de couverture pour ne pas se retrouver à l’air au beau milieu de la nuit. D’autres placent des oreillers entre elles et leur cher amour pour se protéger des coups de coude et de genou. D’autres encore s’assurent que leur mari a bien collé sa bandelette antironflement sur son nez avant d’éteindre la lumière. Et si le chum gigote comme un espadon au fond d’une barque, elles s’accrochent au bord du lit, tel un alpiniste qui s’agrippe à sa paroi par jour de grand vent. Quant à moi, si mon chéri me murmure des mots d’amour une fois que je suis au lit, je ne les entends pas. Mes bouchons SuperMax Plugs sont conçus pour bloquer 78 % des sons « indésirables ». De toute façon, je n’ai pas de temps à perdre : je dois m’endormir avant que ne débutent ses ronflements.

Selon la sociologue britannique du sommeil Jenny Hislop, une sommité sur le sujet, le sommeil des femmes est plus souvent interrompu par le comportement « nocturne » des hommes que l’inverse. La plainte majeure : le ronflement. Soixante-sept pour cent des femmes endurent ce supplice, comparativement à 37 % des hommes.

Trois conseils pour mieux dormir à deux
Selon la sociologue Jenny Hislop, le lit conjugal est davantage un champ de bataille qu’un lieu de repos. Les conjoints se disputent la maîtrise des couvertures, de la température, de l’ouverture ou non des fenêtres, ou de l’espace occupé dans le lit. Voici quelques recommandations qui aideront à régler les litiges :
 Température. Selon les spécialistes, la fraîcheur favorise le sommeil. En hiver, il est préférable de baisser le chauffage et de se procurer des couvertures chaudes.
 Matelas. « La dimension d’un matelas peut changer vos nuits, dit Valérie Stranix, du Conseil canadien pour un meilleur sommeil. Passer d’un lit queen à un lit king peut être la solution à vos problèmes. » Quels sont les matériaux qui limitent le mieux l’effet de vague dont tant de conjoints se plaignent ? Personne n’est du même avis. Valérie Stranix se permet toutefois un conseil : si vous achetez un matelas devant servir à deux personnes, essayez-le donc à deux.
 Ronflements. Celles qui ne veulent pas mettre de bouchons de peur de ne pas entendre les enfants peuvent utiliser un ventilateur ou un système d’air conditionné qui génère ce qu’on appelle un « bruit blanc », c’est-à-dire un fond sonore qui peut aider à couvrir les ronflements. Quant aux bandelettes antironflement, elles ont une efficacité relative.

Ce maudit bruit peut atteindre jusqu’à 90 décibels, ce qui représente le niveau sonore d’une tondeuse à gazon. Selon un récent sondage de Léger Marketing, les conjoints des ronfleurs perdent 687 heures de sommeil par année à cause des barrissements nocturnes de leur douce moitié. Conséquence : 46 % des couples affectés par le ronflement de l’un des deux partenaires se donnent des coups de pied (!), 20 % constatent une diminution de leur libido et 25 % font chambre à part. Romantique, non ?

Dans les cliniques du sommeil, chercheurs et médecins viennent au secours des gens affligés de ces troubles : ronflements, apnées du sommeil, mouvements spasmodiques des jambes, insomnie. Mais personne ne s’intéresse aux problèmes de ceux, ou celles, qui dorment à leurs côtés. Dans le cadre de cet article, j’ai appelé toutes les grandes cliniques de Montréal, de Québec et de Sherbrooke pour savoir quelles étaient les conséquences de ces troubles sur le conjoint. Personne n’a voulu être interviewé sur le sujet. Personne.

Des chercheurs suédois se sont penchés sur le sommeil des femmes qui partagent leur lit avec un ronfleur : elles souffrent plus souvent d’insomnie, de maux de tête et de fatigue que les autres. Une étude de la clinique Mayo, aux États-Unis, rapporte pour sa part que les conjoints de ronfleurs se plaignent davantage de douleurs de toutes sortes. Selon le docteur Adam Moscovitch, du Canadian Sleep Institute, en Ontario, un bruit constant peut empêcher d’atteindre les stades profonds du sommeil, ce qui ne favorise pas la récupération.

Le ronflement n’est toutefois pas la seule nuisance. Un autre trouble du sommeil peut perturber les nuits : le syndrome des jambes sans repos, qui touche entre 2 % et 15 % de la population. Il s’agit de mouvements saccadés et involontaires qui se produisent toutes les 20 ou 40 secondes durant le sommeil. Au cours d’une nuit, cela peut donner jusqu’à 1 440 mouvements brusques. Le dormeur qui en est atteint n’est pas conscient de ses symptômes, mais il se réveille souvent au cours de la nuit, de même que la personne à ses côtés.


Soyons justes, les femmes dorment mal pour une autre raison. Le chercheur américain Paul Rosenblatt, auteur du livre Two in a Bed (State University of New York Press), constate qu’elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à éprouver de la difficulté à s’endormir ou à rester endormies. Bref, les femmes sont plus sujettes à l’insomnie et ont le sommeil plus léger que leurs compagnons. Et cela empire à partir de la quarantaine.

Malgré tout, elles sont déterminées à dormir dans le même lit que l’homme de leur vie. Elles passent donc huit heures par jour confinées dans un tout petit espace avec une autre personne, et sont surprises de ne pas être reposées le lendemain ! Juste pour avoir une idée des dimensions de ce maigre territoire, sortons le mètre à ruban. Un lit à une place mesure 99 cm (39 po) de large. Or, ce qu’on appelle un lit « double » a une largeur de 137 cm (54 po) seulement, ce qui est loin de doubler l’espace. Un grand lit (queen size), avec ses 152 cm (60 po), n’est guère mieux. Seul le très grand lit (king size), avec ses 198 cm (78 po), représente vraiment le double.

Si l’on calcule bien, une femme fait à peu près 48 cm de large, un homme, 58 cm. Et là, on ne calcule pas l’embonpoint. Dans un grand lit, s’ils bougent bras et jambes, ils font plus que se toucher : ils « s’enfargent ». Un dormeur normal, qui ne souffre d’aucun trouble du sommeil, change de position de 40 à 60 fois par nuit. Et, c’est prouvé, les hommes bougent plus que les femmes durant la nuit. Alors, si le conjoint est corpulent – et avec l’âge, on prend du volume –, si le matelas transmet les mouvements ou si on a le sommeil léger, on peut dire adieu à un sommeil réparateur.

Alors, pourquoi s’entêter à dormir ensemble ? Le chercheur américain Paul Rosenblatt a interviewé une quarantaine de couples. Bien des gens continuent à partager le même lit pour l’intimité, la chaleur, le réconfort et la sécurité que cela procure. On craint que cette séparation nocturne n’indique la fin de la vie sexuelle. On redoute aussi le jugement des autres. Ou on n’a pas la force d’affronter son chéri sur ce terrain. Car, c’est démontré, ce sont les hommes qui résistent le plus à l’idée de faire lit à part.

Pourtant, le lit conjugal n’est souvent qu’une façade. Trois couples sur dix commencent la nuit ensemble, mais la terminent séparément. L’un des deux conjoints finit par se réfugier dans la chambre d’amis, sur le divan du salon ou encore dans le lit des enfants ! Or, la sociologue britannique Susan Venn, autre spécialiste du sommeil, a découvert qu’en cas de problème ce sont plutôt les femmes qui se déplacent pour aller dormir ailleurs. D’abord, les hommes ont le sommeil plus profond et, ensuite, ils ont un sens du territoire plus développé : « C’est mon lit et je n’en bougerai pas. »

Une des rares personnes qui a bien voulu se prononcer sur le sort de ceux qui dorment mal avec leur conjoint est Nicole Gratton, une « hygiéniste du sommeil ». Auteure de trois livres sur la façon d’améliorer la qualité de ses nuits, elle donne aussi des conférences.

Pour elle, la solution est simple : il faut faire chambre à part. « Je dirais plutôt faire “chambre à soi”, corrige-t-elle. Il ne s’agit pas de se séparer de l’autre, mais de se réserver un espace pour le sommeil. Et, contrairement à ce que l’on croit, dormir dans des chambres séparées peut être romantique, car on peut inviter l’autre dans son lit. » Mais tout le monde ne possède pas un domicile assez grand pour se permettre d’avoir deux chambres. Par contre, si on se fie aux chiffres, les lits à une place sont en vogue : en 2005, 23 % des couples américains dormaient séparément.

Par ailleurs, les couples interviewés par Paul Rosenblatt proposent d’autres solutions créatives. Pour mettre fin au vol de couvertures, certains couples continuent à dormir dans le même lit, mais avec des couvertures séparées. D’autres optent pour deux matelas simples sur un sommier rigide, ce qui diminue l’effet de ballottement ressenti par le plus léger des deux conjoints. D’autres, enfin, installent deux lits à une place côte à côte. « Si le conjoint ronfle ou donne des coups de pied, il devrait en parler à son médecin, précise Nicole Gratton. Les troubles du sommeil nuisent aussi au dormeur. »

On commence à ronfler de plus en plus jeune, entre autres parce que la population souffre davantage de problèmes de poids. C’est peut-être pour cette raison, et aussi parce que la population vieillit, que la demande de chambres séparées commence à se répercuter sur la construction de maisons neuves. La demande en faveur de deux chambres principales serait plus forte. On prévoit qu’en 2015 ce pourcentage atteindra 60 %, selon la National Association of Home Builders (association américaine des constructeurs de maisons neuves).

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