Féminin universel

Résiste!

Avez-vous passé un beau temps des fêtes? Avez-vous eu droit à quelques congés? Et, si oui, avez-vous réussi à vous reposer?

 

Je vous demande, parce qu’une amie m’a écrit ceci à la mi-décembre:

«Si tu cherches un sujet de saison pour ta chronique, tu peux parler de Noël, mais du Noël pas spécialement l’fun, coincé entre l’obligation d’être joyeux parce que tout le monde l’est et les obligations familiales aux sourires hypocrites et aux multiples squelettes dans le placard.»

Voilà qui m’a bien embêtée. Non pas que ce ne soit là un excellent sujet, mais je doutais d’être la bonne personne pour élaborer à ce propos étant donné que je me suis plutôt transformée en ermite ces dernières années. J’exagère un peu, mais le fait est que je ne m’impose plus rien, tant familialement qu’amicalement. Je ne vois que les personnes que j’ai véritablement envie de voir.

Au début, ça a un peu surpris, dérangé probablement, mais je n’en ai cure et je tiens mon bout. Ainsi va ma personnalité; je prise très peu les convenances. Telle la regrettée France Gall, je résiste. 

Or, je ne suis pas la seule à opérer ainsi. J’observe de plus en plus cette tendance autour de moi. Elle a même fait l’objet d’un reportage dans le numéro de décembre de Châtelaine.

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Pas facile de dire non

Cela dit, je conviens qu’il n’est pas toujours facile d’établir ses limites. Et j’ajouterais: particulièrement pour une femme. Cela tient à notre socialisation, à l’éducation des filles à la maison, à ce qui est attendu d’elles à l’école, à leur représentation dans la culture populaire… Selon l’historien français Maurice Daumas, les filles sont façonnées pour avoir le soin des autres, pour être bienveillantes, tendres et à l’écoute. Cette éducation les rend vulnérables, notamment au moment de se mettre en couple, parce qu’elles sont plus facilement amenées à céder, à s’effacer. Cette exigence de bienveillance et de générosité féminines s’étend aux relations avec la parenté, d’où la difficulté de dire non. Et pourtant, ce n’est pas comme s’il était aisé, au cœur de nos vies surmenées, de trouver du temps pour aller au shower de bébé de la cousine Sarah, de penser à prendre des nouvelles de la vieille tante Marie ou encore d’appeler le beau-frère Michel pour son anniversaire.

Entretenir des liens familiaux nécessite du temps, de la volonté, des efforts. Selon la professeure Micaela di Leonardo, du département d’anthropologie de l’Université Yale, il s’agit là d’un travail et non d’un loisir. Qui plus est, elle ajoute qu’il s’agit d’un labeur principalement effectué par les femmes. Ah, charge mentale, quand tu nous tiens… Comment ne pas toujours y revenir?

Sauver sa peau

Beaucoup choisissent de maintenir des relations familiales par ailleurs toxiques par sentiment de devoir. C’est là leur choix le plus strict. Loin de moi l’idée de m’ériger en modèle, je suis trop consciente que mon mode de vie «sans concessions» ne convient pas à tous les tempéraments. Ça prend toutes sortes de monde pour faire un monde, incluant – Dieu merci! – des plus patients et sentimentaux que moi. Il n’empêche qu’apprendre à mettre ses limites, petit à petit s’il le faut, demeure à mon avis le plus beau cadeau que l’on puisse s’offrir. Déjà qu’on doive faire toutes sortes de compromis au travail et que le quotidien ressemble à une véritable course à obstacles, il m’apparaît tout indiqué de pouvoir peser sur «pause» une fois venue la trop courte période de fin d’année, quitte à déplaire et à décevoir.

D’ailleurs, ce principe vaut pour le reste de l’année; au même titre que nous avons le droit de refuser des invitations durant le temps des fêtes, il est en tout temps extrêmement libérateur de verbaliser le fait qu’une situation ne nous convient pas. Les êtres humains étant ce qu’ils sont, tant que nous ne leur dirons pas non, il s’en trouvera toujours quelques-uns pour nous manger la laine sur le dos ou nous pomper notre énergie vitale. Bien sûr, comme tout le monde, il m’arrive de rechuter. Toute bourrue que je suis, je demeure une femme chez qui le désir de faire plaisir n’est jamais bien loin, puisqu’il s’agit là de mon conditionnement premier. Mais je me ressaisis vite, car il n’y a rien que je déteste plus que de laisser quelqu’un ou quelque chose troubler mon précaire équilibre intérieur.

Ce que j’ai découvert au fil du temps, c’est que, contrairement aux craintes que l’on peut nourrir, non seulement la plupart des gens ne nous aiment pas moins quand on exprime clairement ses limites, mais ils se mettent plutôt à les respecter.

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Photo: Philippe Boisvert

Journaliste indépendante et conférencière, Marilyse Hamelin est l’auteure de l’essai Maternité, la face cachée du sexisme.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

 

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