Féminin universel

Je t’aime, je te trompe… et puis après?

Il faut qu’on parle d’infidélité. Réflexion autour du plus récent essai de la thérapeute Esther Perel.

Il était une fois, il y a fort longtemps, un couple qui avait décidé de prendre une pause. Ce couple, c’était le mien. Mon chum de l’époque et moi avions conjointement convenu d’une séparation temporaire. Sur un ton solennel empli de noblesse, en fixant l’horizon lointain tel un lonesome cowboy, mon amoureux avait alors déclaré : «Inquiète-toi pas, y a pas une femme qui va entrer ici pendant notre break.»

Quelques semaines plus tard, de bon matin, je suis passée à l’appartement sans prévenir pour faire une brassée (il n’y avait pas de laveuse où je logeais temporairement). Quelle ne fut pas ma surprise de le trouver au lit avec une belle inconnue!

Fait cocasse, 30 ans plus tôt, ma mère avait vécu exactement la même situation avec son conjoint de toujours, décédé depuis. Maudits hommes hein? Tous les mêmes!

Oui, mais non… Après tout, ce n’est pas comme si j’étais moi-même sans reproches. L’historique de mes petits accros à la religion monogame ambiante est plutôt touffu. À mon sens, la fidélité demeure de l’ordre de l’idéal et la monogamie, un spectre.

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Sornettes et balivernes

Je nous trouve bien promptes à dénoncer les contes de fées dont on a gavé notre imaginaire d’enfant — alimentant notre quête de l’amour idéal et éternel — mais peu enclines à remettre en question le dogme de la monogamie. C’est comme si on oubliait que le mariage est une construction sociale et la fidélité, un concept millénaire auquel seules les femmes étaient tenues de souscrire.

Je ne nie pas que les choses se sont améliorées depuis. Mais peut-on aujourd’hui parler de révolution sexuelle, de liberté retrouvée et d’égalité des genres alors que, dans les faits, on se borne désormais à exiger des hommes qu’ils se plient aux mêmes règles que nous, les femmes, persistons à nous auto-infliger?

Et, surtout, ne sommes-nous pas un peu hypocrites? Car il m’apparaît bien peu réaliste d’espérer avoir envie d’embrasser et de coucher avec la même personne durant toute sa vie… Pensez-y deux minutes! Une. Seule. Personne — aussi séduisante soit-elle — et puis crac, on meurt? Non, merci! Forcez-moi à manger du foie gras arrosé de champagne matin, midi et soir, et je vous garantis que je vais me tanner.

Oser remettre en question l’ordre établi

Je considère qu’on se ment collectivement et qu’on se rend malheureux avec ce culte monolithique de la monogamie. Cela m’apparaît bien irrationnel. Plus je vieillis, plus je me dis que la jalousie sexuelle et toutes les blessures narcissiques qui en découlent sont le fruit d’une grande incompréhension, d’un malentendu.

Je m’en ouvrais d’ailleurs, en mars dernier, en entrevue avec les gens du podcast Coeur et croupe. Quand une personne va voir ailleurs si elle y est, ça n’a généralement que très peu à voir avec son ou sa partenaire.

Or l’erreur commune de la personne «trompée» — je déteste cette expression victimaire — est de se demander «Qu’ai-je fait de mal? Pourquoi il ou elle me fait ça, à moi?», tout en se répétant qu’elle n’est sûrement pas assez, au choix: attirante, drôle, belle, intéressante, etc. Bonjour le festival de la dévalorisation personnelle!

Or, la plupart du temps, ça n’a RIEN À VOIR.

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Une fois qu’on a compris ça, qu’on cesse de s’inclure dans l’équation, alors on souffre moins. Parce qu’on comprend que notre partenaire a simplement vécu quelque chose de nourrissant, de différent. Ce qui ne nous enlève rien, à nous. On assimile le fait qu’un geste n’est pas nécessairement posé à l’encontre de notre personne.

C’est justement parce que je pense ainsi que j’ai lu avec un mélange de plaisir et d’irritation le dernier ouvrage de la thérapeute Esther Perel, intitulé Je t’aime, je te trompe. Je me suis d’abord sentie irritée parce qu’il me semble que je n’y ai pas appris grand-chose. Au fil de ma lecture, je marmonnais «allez Esther, dis-moi quelque chose que je ne sais pas!».

En même temps, je me suis aussi dit, «tiens, ceci, comme c’est bien dit», ou encore «wow, ça, j’aurais aimé l’écrire!». C’est pourquoi je pense qu’il s’agit malgré tout d’une lecture intéressante et peut-être utile si vous vous intéressez à ces questions, surtout si vous souffrez en ce moment. En attendant, je vous glisse ici quelques-unes de ces petites perles, en rafale. Peut-être y trouverez-vous matière à réflexion…

«Nous cherchons des liens forts, un quotidien prévisible et fiable pour nous ancrer fermement à notre place, mais nous avons aussi besoin de changement, d’inattendu et de transcendance […] les histoires d’amour modernes nous font la promesse alléchante qu’une relation à elle seule est capable de satisfaire cette double aspiration en nous.»

«Parfois, lorsque nous cherchons le regard de quelqu’un, ce n’est pas de notre partenaire que nous nous détournons, mais de la personne que nous sommes devenus. Nous n’aspirons pas tant à un autre amour qu’à une autre version de nous-mêmes.»

«L’adultère est souvent la revanche des possibilités abandonnées, des vies non vécues.»

«En réduisant votre liaison à quelque chose de laid et honteux, vous supprimez le trait d’union entre vous et votre énergie vitale.»

«Nous sommes tous des êtres multiples, mais au fil du temps, nous avons tendance dans nos relations intimes à réduire cette complexité à une version rétrécie de nous même.»

«Réconcilier l’érotisme et la vie domestique n’est pas un problème à résoudre, mais un paradoxe à gérer.»

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Marilyse Hamelin est journaliste indépendante et conférencière. On peut notamment la lire dans Le Devoir, La Gazette des femmes et le magazine spécialisé Planète F. Elle blogue également pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et est l’auteure de l’essai Maternité, la face cachée du sexisme, publié chez Leméac.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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