L'édito

Du mou dans la corde

Vous rêvez de moins travailler cet été, de partir à midi vendredi, d’aller à la plage un mercredi ? Mauvaise nouvelle : il y a peu de chances que ça arrive.

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Avouez qu’on se la joue « été de rêve » ces jours-ci. La machine à fantasmes roule à fond : on se promet de finir à midi vendredi prochain, de prendre trois semaines de vacances, d’amener les petits à la plage un mercredi… La vérité, c’est que ça n’arrivera pas. Enfin, pour bon nombre d’entre nous.

Ceux pour qui l’été n’a rien de l’école buissonnière. Entre autres les travailleurs qui prendront moins de deux semaines de vacances durant la belle saison (l’an dernier, c’était plus de 70 % des Québécois, selon un sondage CROP). Et tous les autres pour qui la tâche n’est pas moins lourde sous prétexte que la météo hurle d’aller faire la fête sur une terrasse ou la crêpe sur un transat.

Après tout, il faut bien remplacer ces illuminés partis en vacances et, si on en fait partie, rattraper la pile de dossiers qui nous attend au retour. Sans oublier tout ce qu’on a négligé durant les mois où les urgences se multipliaient.

Car, depuis quelques années, l’urgence est devenue la vitesse de croisière sur la mer de l’emploi. Augmentation des cas de troubles psychologiques reliés au boulot, études internationales sur l’organisation des entreprises, rapports syndicaux, tous les indicateurs pointent vers ce que les spécialistes appellent « l’intensification du travail ». En gros, on en demande plus aux salariés, et les accalmies pour reprendre son souffle sont de plus en plus rares. Oui, ce p’tit lousse qui permet aussi de gérer les aléas de la vie : parent malade, remplacement d’un collègue, séparation… Bref, il n’y a plus de mou dans la corde.

Pourtant, ce n’est pas ce qui devrait nous empêcher d’être motivé au travail, si j’en crois le psychologue et conseiller en ressources humaines agréé Jacques Forest. « Les études montrent que la ­plupart des gens aiment être très occupés, avoir des demandes. C’est une source de motivation. Mais ils doivent pouvoir se sentir efficaces et bénéficier de flexibilité. »

Pas compliqué, le cerveau a besoin de trois éléments pour cocher la case « employé heureux » : autonomie, sentiment de compétence et affiliations sociales, selon le psychologue, qui est aussi professeur-chercheur à l’École des sciences de la gestion de l’UQÀM. « Si un projet mise sur ses forces et qu’on a accès à des ressources pour y arriver, on n’aura pas de problème à y mettre du temps. »

Ce n’est donc pas tant sur les heures passées à besogner qu’il faut faire une fixation, mais plutôt sur l’énergie que ça exige. Se sentir prisonnier, isolé ou trop souvent dans ses zones d’incompétence siphonne le carburant. Et, malheureusement, il est stocké dans la même réserve que celui qui nous alimente dans l’intimité. À long terme, être démuni ou dépassé au boulot rendra irritable ou carrément à plat une fois à la maison, même si on a une vie personnelle stimulante. « Le cerveau humain n’a pas de switch pour passer d’un environnement à l’autre, précise Jacques Forest. Il faut donc gérer son niveau d’énergie en tout temps, prendre des vacances pour refaire le plein et être vigilant sur sa capacité de décrocher, de se détacher des problèmes du bureau une fois à la maison. »

Oui, bon, je veux bien. Mais on fait quoi si on ne travaille pas pour Richard Branson ? L’excentrique homme d’affaires a décrété l’automne dernier que tous les employés de Virgin aux États-Unis et en Grande-Bretagne auraient accès à des congés illimités, pourvu que leur absence ne nuise pas à l’entreprise…

« La première chose est de s’informer auprès de son employeur sur ce qui est permis, dit le psychologue. Des programmes sont parfois disponibles mais demeurent méconnus. Ensuite, il est important de définir ses forces. On peut ainsi proposer au patron des aménagements à sa tâche qui font davantage appel à celles-ci. Et même chercher des ressources auprès de ses collègues. L’important, c’est de sentir qu’on a des portes de sortie et qu’on peut atteindre ses objectifs. »

Hum, à cogiter au son du clapotis des vagues… ou des klaxons du centre-ville.

Ordi-Sac-Plage

Photo: Alexey Kuzma / Stocksy

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