Santé

Aider les enfants en difficulté d’apprentissage

Apprendre autrement et mieux grâce aux arts et aux sports.

Photo: © Suprijono Suharjoto/Stocksy

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Les arts comme les sports font des merveilles pour les enfants en difficulté d’apprentissage. Au grand soulagement des parents. 

Dans son bureau encombré de jeux et de crayons de couleur, Marie-Lou Caisse sourit d’un air bienveillant : ces enfants en récré qui courent dans le corridor, elle les connaît bien. Certains plus que d’autres. Orthopédagogue à l’école primaire Sainte-Claire, à Longueuil, elle reçoit les élèves qui ont des problèmes ou des troubles d’apprentissage. De deux à quatre fois par semaine, elle leur donne un petit coup de pouce.

« Le cerveau est comme une forêt, explique-t-elle en traçant un grand cercle avec ses bras. À force de répéter le même trajet d’apprentissage, on finit par frayer des sentiers à travers les broussailles. Mais il faut les entretenir ! Si, par exemple, on ne repasse pas souvent par celui des tables de multiplication, il va y pousser des mauvaises herbes et ça se peut qu’on s’enfarge dedans ! C’est là que ça devient difficile. »

Apprendre à lire, à écrire, à calculer, à se concentrer ou à s’organiser est un défi pour bien des esprits en développement. Au Québec, la moitié des élèves de troisième année du primaire sont « fragiles ou incompétents » en écriture – surtout les garçons –, notait en 2001 la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française. Et, à l’école primaire, 10 % des écoliers accusent un retard dans leur cheminement, selon une étude du ministère de la Santé et des Services sociaux réalisée en 2005.

La bonne nouvelle, c’est que, pour la majorité, il s’agit de difficultés temporaires. En revanche, un trouble d’apprentissage d’origine neurologique est là pour la vie. On pense à la dyslexie, à la dyspraxie, au trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ce dernier pouvant être atténué ou contrôlé avec des médicaments.

La benjamine bute sans cesse sur des mots ? Elle ne comprend pas les phrases qu’elle lit ? L’aîné n’arrive pas à effectuer un simple calcul ? Il bouge sans arrêt ? Avant de sauter aux conclusions – ça y est, c’est le TDAH ! –, il faut analyser la situation. L’enfant peut être perturbé par un déménagement récent, les railleries d’autres élèves, les relations tendues entre les parents, une incompatibilité avec l’enseignant. Ou encore souhaite-t-il un peu trop performer ? Tout ça (et bien d’autres facteurs) peut embrouiller l’esprit du plus doué des élèves et miner sa concentration, sa mémoire, son langage, sa motricité ou son estime de soi.

Le jeune devient alors moins ouvert au processus d’apprentissage, observe Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue et psychoéducatrice au CHU Sainte-Justine, à Montréal. « Je dis souvent aux parents : “ Votre enfant n’a pas un problème d’attention, mais d’intention ! Il ne s’engage plus à l’école parce qu’il a des difficultés et  qu’il se sent toujours perdant” », explique la spécialiste, aussi auteure d’ouvrages sur le sujet, dont Au retour de l’école… (Éditions du CHU Sainte-Justine).

Comment aider un enfant à reprendre son élan ? Il n’existe pas de solution miracle, mais certaines activités s’avèrent d’efficaces remèdes.

Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do !

Les jeunes en difficulté sur le plan du langage souffrent souvent d’un trouble lié à la mémoire, indique Jonathan Bolduc, professeur en éducation musicale et directeur du laboratoire Mus-Alpha de l’Université Laval. « Or, la musique aide à développer la mémoire de façon exponentielle, et ce, très rapidement », dit-il. Elle améliore aussi la concentration et la motricité.

Chaque année, environ 300 bambins viennent « se faire brasser la mémoire » dans son laboratoire. En tapant sur des instruments à percussion, entre autres, ils apprennent à reconnaître des sons graves ou aigus. « Ils ont l’impression de s’amuser, mais, en fait, ils travaillent des habiletés qui interviennent dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Avec ses accents toniques, la musique est proche du langage », poursuit-il.

C’est aussi un puissant outil de développement, croit l’avocate Hélène Sioui Trudel, qui, en 2009, a ouvert le Garage à musique associé à la Fondation du Dr Julien, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. De 500 à 800 jeunes le fréquentent chaque semaine. « On les apprivoise grâce à la musique. Au besoin, on peut ensuite aller plus loin avec eux et traiter des problèmes de comportement et d’apprentissage à la clinique », dit-elle.

Photo: © Getty Images

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Les sports : 1, 2, 3, go !

Le secret du succès scolaire de plusieurs ? L’activité physique. Trente minutes par jour suffisent à augmenter la capacité d’attention des écoliers. C’est prouvé scientifiquement. Nombre d’enseignants l’ont compris. Ils laissent les jeunes bouger, travailler debout, à plat ventre ou même sous la table… ou les font jouer au minibasket pour les aider à mémoriser multiplications et divisions. « Quand un enfant s’aperçoit qu’il a besoin de marcher pour apprendre ses mots de vocabulaire, on l’encourage à le faire », dit Marie-Lou Caisse. Ailleurs, on propose des « périodes préparatoires aux examens » pour lâcher son fou avant les évaluations, des cours de yoga ou des clubs de course.

Les arts martiaux sont souverains pour révéler le meilleur chez l’individu qui a besoin d’objectifs de réussite concrets, estime Jacques Hébert, professeur à l’École de travail social de l’UQAM et auteur du livre Arts martiaux, sports de combat et interventions psychosociales (Presses de l’Université du Québec). « Quand un jeune réussit une séquence de 25 mouvements précis sans hésiter, il réalise qu’il a de la mémoire et qu’il est capable de se concentrer. C’est motivant et bon pour l’estime de soi. »

Le judo et le karaté, entre autres, véhiculent de belles valeurs, comme la loyauté, la non-violence et la discipline. L’important, selon lui, c’est que le jeune puisse utiliser à l’école les enseignements puisés dans la salle d’entraînement. « Il doit faire des liens entre les deux et ça passe par les valeurs. Sinon, c’est un coup d’épée dans l’eau. »

Les outils technologiques : oui, mais…

Et la tablette électronique ? Voilà un outil « extraordinaire » pour les plus talentueux comme les plus lents, affirment les orthopédagogues consultées. « Des logiciels d’aide à la lecture et à l’écriture compensent bien des choses », dit Marie-Claude Béliveau.

Par exemple, l’application WordQ, très employée dans les écoles. Quand l’enfant commence à taper, le logiciel anticipe ce qu’il veut écrire et affiche des mots bien orthographiés. Il s’agit de pointer la bonne orthographe. Si l’enfant ne sait pas quel mot utiliser, le logiciel peut lui lire les propositions à voix haute et les mettre en même temps en surbrillance pour faciliter le suivi. « L’élève entend le mot correctement lu et peut suivre avec son doigt », explique Marie-Lou Caisse. L’utilisation de la tablette tactile doit tout de même être bien encadrée, car beaucoup d’interrogations persistent autour de ce nouvel appareil techno qui change le rapport aux écrans des petits (et des grands !).

« C’est un outil très visuel, actif, pratique pour le multitâche, mais qui peut générer une réflexion plus superficielle, fait valoir Marie-Claude Béliveau. Lire sur une tablette, ce n’est pas comme lire un livre, parce qu’on se demande toujours si on doit ouvrir un hyperlien ou non. Ça dérange et on ne lit plus en profondeur. »

En 2013, un grand dossier sur la « génération tablette » publié par le magazine américain The Atlantic révélait que les concepteurs d’applications mobiles éducatives eux-mêmes limitent le temps d’utilisation de la tablette par leurs enfants ! Car tous ignorent ses effets à long terme – dans le cas de la télé, des recherches ont démontré que les enfants de moins de deux ans qui passent deux heures et plus par jour à la regarder risquent d’avoir un retard de langage.

Alors, le mieux dans tous les cas, c’est de varier les plaisirs.

Conseils de pros

  • L’enfant apprend-il mieux au moyen du langage verbal, visuel ou corporel ? Pour une meilleure compréhension des consignes, le parent lui donnera des exemples concrets, lui montrera des images ou le fera bouger.
  • À ceux qui ont du mal à apprendre des leçons par cœur, on peut faire répéter les verbes avec des tonalités théâtrales, en étant fâché ou en riant. Ça fonctionne !
  • Ne pas s’asseoir à côté de Fiston pendant qu’il fait ses devoirs, mais rester aux alentours et l’encourager à persévérer au besoin. Question d’accroître son autonomie.
  • Peu importe l’activité parascolaire pratiquée par l’enfant – arts ou sports –, l’important est qu’il se sente bon dans quelque chose. Attention : les arts martiaux peuvent mettre en échec un jeune souffrant de dyslexie. « Retenir des choses en ordre [comme dans les séquences de mouvements], c’est pour lui ce qui fait problème », précise Marie-Claude Béliveau.
  • Choisir les loisirs en fonction des intérêts et de la personnalité : faire partie d’une troupe de théâtre ou d’une chorale profitera davantage à un timide que des leçons particulières de violon.

 

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