Forme

Bonjour souplesse

Un corps flexible, débordant d’énergie et libéré de ses douleurs ? Voilà les promesses (tenues) de l’antigymnastique.

Dans une salle toute blanche, inondée de lumière, nous sommes une demi-douzaine de participants à pratiquer un étrange exercice. Debout, les pieds parallèles, chacun se concentre sur une tâche de la plus haute importance : écarter le petit orteil des quatre autres. Insignifiant ? Essayez, pour voir. Comprimés toute la journée dans des souliers à bouts pointus, nos doigts de pied ont tendance à se chevaucher. Pourtant, si nous arrivons à leur redonner leur position naturelle – légèrement séparés les uns des autres, à la manière d’un éventail -, nous retrouvons un solide appui sur le sol et un équilibre amélioré.

Ce petit mouvement, en apparence anodin, fait partie de l’antigymnastique, une technique mise au point par la kinésithérapeute française Thérèse Bertherat. Cette méthode est conçue pour réveiller les muscles, du plus petit au plus grand, afin de redonner au corps sa souplesse et de le libérer des douleurs et des raideurs musculaires.

À 75 ans bien sonnés, l’auteure de L’antigymnastique déborde d’énergie et… n’a mal nulle part. Pas même au dos, elle qui s’est pourtant fracturé trois vertèbres en 1989. « Mes élèves sont également épargnés par les douleurs que l’on croit inévitables avec l’âge, ajoute-t-elle avec un petit rire. Notre plus ancienne praticienne a 87 ans et se porte comme un charme, même après avoir élevé sept enfants. »

Plus de 30 ans après la création de sa méthode, Thérèse Bertherat vient au Québec cet automne pour former de nouveaux praticiens. Actuellement, seulement trois personnes utilisent cette technique dans tout le Canada.

Un tigre dans le dos
Mais pourquoi avoir mis au point l’antigymnastique ? Thérèse Bertherat prend son temps pour répondre. « Pourquoi, je ne sais pas. Mais comment, ça je peux vous le dire. » Au début des années 1970, elle mène une vie heureuse et sans histoire avec son mari, psychiatre dans un hôpital de la région parisienne, et leurs deux enfants. Un matin, il quitte la maison en vitesse, car un patient en délire menace le personnel avec un pistolet. Puis le téléphone sonne. Le psychiatre vient d’être abattu à bout portant. La jeune femme se retrouve veuve à 35 ans, avec deux enfants de quatre et six ans. « De telles situations déclenchent une terrible décharge d’adrénaline, raconte-t-elle, de sa voix un peu chantante. On doit alors décider si on va vivre ou mourir. »

Elle décide de vivre. Pour gagner sa vie, elle s’inscrit à un cours de kinésithérapie, une discipline proche de la physiothérapie. C’est là qu’elle rencontre Françoise Mézière, une kinésithérapeute qui a élaboré une vision révolutionnaire de l’anatomie. C’est elle qui lui enseignera qu’une chaîne musculaire postérieure gouverne tout le corps, ce qui deviendra un élément clé de l’antigymnastique. « Les muscles situés à l’arrière du corps sont beaucoup plus puissants que ceux du devant, explique Thérèse Bertherat. Et ce déséquilibre est la cause de bien des problèmes. »

Pour avoir un ventre plat
Observez la démarche d’un chat. Voyez comment bougent les muscles de son dos. Toute sa force est là. Avant de nous tenir debout, nous avons aussi marché à quatre pattes. Mais, maintenant que nous nous tenons sur deux jambes, cette force se retrouve derrière le corps. Cette chaîne, si vigoureuse que Thérèse Bertherat l’appelle « le tigre tapi dans votre dos », part du sommet de la tête, s’étend de la nuque jusque sous les pieds, en passant par l’arrière des cuisses et des jambes. Si la nuque bouge, les orteils réagissent. Ces muscles sont tissés serré.

Si vous avez mal au dos, ce n’est pas parce qu’il est trop faible, comme on le croit souvent mais, au contraire, parce qu’il est trop fort. « La chaîne postérieure domine au point qu’elle inhibe les muscles du devant, explique Thérèse Bertherat. Voilà pourquoi notre ventre est trop proéminent ou trop mou. Nous faisons des abdominaux, sans grand résultat. Par contre, si vous allongez la chaîne postérieure, les muscles de votre ventre vont se contracter automatiquement et retrouver leur tonus. C’est une loi physiologique : lorsqu’on relâche un côté du corps, l’autre se contracte. »

Tirer la langue détend la nuque
Revenons au petit orteil. Après y avoir travaillé, nous avons glissé une mince baguette de bois sous nos pieds, histoire de prendre conscience des tensions qui s’y trouvent. Ouille ! Peut-on parler de gymnastique douce ? « Non, répond Martine Veilleux, la spécialiste de l’antigymnastique qui anime la séance. Ces mouvements ne sont pas violents, mais ils sont suffisamment puissants pour délier les muscles. »

Voilà pourquoi il importe d’aller à son rythme. Le credo de Thérèse Bertherat : il ne faut jamais forcer, ni s’acharner à réussir un mouvement. « Il est plus important de le rater et de découvrir du même coup ce que votre corps ne peut ou n’ose encore faire », dit-elle.

Pour moi, l’exercice le plus bizarre – et peut-être le plus révélateur – reste celui qui porte sur la langue. L’animatrice du groupe nous demande de l’étaler, de lui donner plus de place dans la cavité buccale, de la faire déborder de la bouche. Nous formons un joli tableau avec nos langues pendantes !

« La langue contient 17 muscles; elle peut être tendue, ce qui entraîne des raideurs dans la nuque, explique Martine Veilleux. Souvent, les mâchoires sont également crispées et la respiration se fait moins librement. » Comme quoi chacune des parties du corps a une influence sur les autres.

Le corps n’oublie rien
Après avoir exécuté un mouvement, chaque participant exprime ce qu’il ressent. Était-ce relaxant ? Difficile ? Douloureux ? Cette attention portée à la moindre sensation physique – et parfois émotionnelle – est unique. On a l’impression, pour une fois, de vraiment écouter ce pauvre corps auquel on demande d’être beau, mince, musclé, en forme, jeune, sans pour autant lui donner ce dont il a besoin.

En antigymnastique, la parole et la réflexion comptent autant que l’exécution des mouvements. Si certaines raideurs nous touchent tous – comme celles de la chaîne postérieure -, d’autres nous sont propres et se sont bâties au fil de notre existence. « Le corps n’oublie rien, dit Thérèse Bertherat. Nos douleurs et nos tensions musculaires racontent notre histoire. Tout ce qu’on a vécu – sur le plan psychologique comme physiologique – y est inscrit. » On doit donc en prendre conscience par soi-même.

La bonne nouvelle, c’est que cette formidable machine est malléable. Même après des années de négligence, elle peut regagner souplesse et vigueur. « Le corps est intelligent, conclut Thérèse Bertherat. Si vous lui montrez une meilleure façon de faire, il va l’adopter… »

Pour qui ? Pour quoi ?
Si vous souffrez de courbatures, de douleurs musculaires ou de problèmes de dos, l’antigymnastique est pour vous, selon la praticienne Martine Veilleux. « Tout le monde peut pratiquer ces mouvements, autant les femmes enceintes que les personnes âgées, ou les sportifs qui veulent prévenir les blessures. Certains problèmes de santé comme la fibromyalgie ou l’arthrose peuvent aussi être soulagés. »

Mais, même accessible à tous, cette approche n’intéresse pas nécessairement tout le monde. « Il faut avoir envie de partir à la découverte de soi, conclut Martine Veilleux. En revanche, grâce à cette technique, vos muscles vont s’allonger, vos articulations vont devenir plus souples et votre respiration va gagner en amplitude. »

Pour en savoir plus : www.antigymnastique.com.

Pour s’inscrire à un cours :
· À Montréal : Martine Veilleux, (514) 231-4459, www.martineveilleux.com.
· En Estrie : Lorraine Massé, (819) 828 0968, lorrainelabeille@yahoo.ca.
· En Saskatchewan : Ginette Séguin-Swartz, (306) 249 1073, ibt221@sasktel.net.

Aider son corps au quotidien
Vous voulez être bien dans votre peau ? Voici sept conseils inspirés de l’antigymnastique :

· Attention aux talons hauts ! Ils sont mauvais pour le dos, car ils raccourcissent la chaîne postérieure. Ils provoquent des tensions dans les muscles et les tendons qui peuvent mener à des blessures. Le pied est fait pour se dérouler sur le sol à chaque pas : mais avec des talons hauts, c’est impossible. Pour vos activités quotidiennes, portez des chaussures qui respectent la forme naturelle du pied et vous permettent de bouger les orteils.

· Évitez de dormir sur le ventre. Dans cette position, vous vous tordez le cou et la nuque.

· Lorsque vous ramassez un objet par terre, pliez les genoux avant de vous pencher, pour protéger votre dos.

· Prenez l’habitude de vous asseoir complètement sur les fesses, et non seulement sur le bout. Posez vos pieds bien à plat sur le sol, ce qui vous permet de respecter l’axe de la colonne vertébrale.

· Au cours d’une journée, prenez le temps de faire une pause. Relâchez vos épaules et, en gardant la bouche entrouverte, inspirez tranquillement par le nez et soufflez par la bouche.

· Si vous vous sentez tendue, essayez de bâiller. Après quelques tentatives, vous déclencherez de vrais bâillements. Alors, allez-y à fond et vous sentirez votre stress diminuer.

· Marchez. C’est l’activité physique qui sollicite le plus grand nombre de muscles : un total de 200, pour être exact !

 

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