Psychologie

Les mots-clics transforment-ils notre rapport au corps?

#thighgap, #mermaidsthighs et #hipdip: on jase de mots-clics et d’acceptation de soi avec la psychologue Stéphanie Léonard.

Istockphoto

Istockphoto

Depuis quelques années, les réseaux sociaux (Instagram en particulier) sont pris d’assaut par des usagers qui souhaitent mettre en valeur leur minceur ou se motiver à perdre du poids en participant à différents défis d’ordre esthétique… souvent alarmants. C’est ainsi qu’on a vu apparaître des photos accompagnées de mots-clics comme #thighgap (qui souligne l’espace entre les cuisses d’un sujet se tenant debout) et #A4Challenge (qui indique que la taille du sujet est plus étroite que la largeur d’une feuille de papier).

En réponse au mouvement, d’autres personnes ont choisi de lancer des mots-clics à contre-courant, dans le but de montrer différents types de corps. Ainsi #mermaidsthighs (qui célèbre les cuisses qui se touchent) ou encore #hipdip (qui porte à notre attention le petit creux naturel entre l’os de la hanche et le haut de la cuisse) sont également devenus viraux.

Comment expliquer la popularité de ces mouvements, et qu’en penser au juste? Entrevue avec la psychologue Stéphanie Léonard.

Parlons d’abord des mots-clics glorifiant la maigreur. Sait-on pourquoi les personnes aux prises avec des troubles alimentaires ressentent le besoin de se mesurer publiquement les unes aux autres? Que retirent-elles d’une telle démarche?

Publier une photo de soi accompagnée d’un mot-clic de ce genre, c’est une façon d’aller chercher une approbation instantanée. Et ça peut vite devenir addictif. Quand notre estime personnelle est faible, c’est une façon détournée de se sentir valorisée par les autres et d’exprimer une insécurité. En vérité, ce qu’on dit, c’est qu’on veut être admirée, se faire dire qu’on est belle. On veut montrer qu’on se nourrit bien, qu’on s’entraîne… On veut avoir l’air en contrôle, finalement!

À lire aussi: Êtes-vous une control freak?

Qui sont les personnes les plus à risque?

Plusieurs facteurs permettent de les cerner. D’abord, on sait que l’obsession pour la minceur est plus répandue dans les pays occidentaux et industrialisées parce que nous sommes en contact continuel avec des images irréalistes qui proviennent de la télé, de la publicité et du web. À preuve, dans les îles Fidji, les troubles alimentaires sont apparus vers 1995… soit exactement en même temps que la télévision! De même, il a été démontré l’an dernier que plus une personne passe de temps sur les réseaux sociaux, plus son estime va être affectée par ce qu’elle y voit. Même un simple coup d’œil à notre fil de nouvelles affecte notre état psychologique! Enfin, même si les troubles alimentaires peuvent toucher des gens de tous les âges, ils sont généralement déclenchés à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Par conséquent, les jeunes sont particulièrement vulnérables.

Comment réagir si on voit que notre enfant s’intéresse aux photos qui font la promotion de la maigreur sur Instagram?

Dès le départ, il est essentiel qu’on s’attarde à ce qui l’intéresse à la télé, dans les films et sur les médias sociaux. On ne peut pas l’empêcher d’avoir accès à ces images, mais on peut agir comme filtre en les démystifiant, en les nuançant. L’idée n’est pas de ridiculiser de jeunes stars ou d’autres jeunes filles, mais de discuter de ce qu’on voit. De même, dès que notre enfant s’inscrit sur un réseau social, il faut établir des règles très claires. Ma fille de 12 ans est sur Instagram, et son père et moi comptons parmi ses abonnés. Nous décidons ensemble de qui peut la suivre, et nous évaluons régulièrement son compte. Ainsi, elle sait très bien que toute photo que nous jugeons problématique va mener à une discussion. Si on a un lien de confiance avec notre jeune, il sera plus facile d’instaurer des règles justes, qu’on pourra adapter au besoin. J’ajouterais qu’il est essentiel de se questionner sur nos propres comportements sur les médias sociaux. Avons-nous tendance à vouloir y trouver l’approbation des autres – et ce, sur n’importe quel aspect, pas uniquement sur la question des apparences? Si oui, quel message envoyons-nous à notre jeune en agissant de la sorte?

À lire aussi: Dépression: reconnaître les signes et surmonter la maladie

En réaction aux mots-clics glorifiant la maigreur, on a vu apparaître les mots-clics #hipdip, #mermaidthighs, #thighbrows, qui célèbrent d’autres types de corps, plus enveloppés. Y a-t-il des bénéfices liés à ce type de mouvement?

Tout à fait! On peut critiquer ou démoniser les médias sociaux, mais c’est là une preuve qu’on peut aussi les utiliser à bon escient. On peut se mobiliser et se positionner ouvertement contre les mots-clics malsains. Et en choisissant de mettre plutôt l’accent sur les initiatives positives, on va inévitablement réussir à amoindrir l’effet négatif de ces derniers, et à aider les gens à s’en détacher. Je suis persuadée que si on veut rejoindre les jeunes, la meilleure façon de le faire est de passer par les réseaux sociaux!

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.