Psychologie

Compétition sans frustration

Notre enfant a tout pour briller dans un sport de compétition? Voici des pistes pour le soutenir sans le surmener et sans s’épuiser soi-même.

L’époque est à la performance. Difficile d’y échapper, elle est partout, avec ses avantages (estime personnelle et dépassement de soi), mais aussi ses pièges (surmenage et stress). Dans un livre vraiment éclairant, L’enfant, l’adolescent et le sport de compétition, six spécialistes font le tour du sujet, sous la direction de Line Déziel, du Programme de soins pédiatriques intégrés du CHU Sainte-Justine. Elle-même mère d’une sportive de haut niveau, elle répond aux questions de Châtelaine.

L’esprit de compétition, et particulièrement le sport de haute compétition, convient-il à tous les enfants?
La recherche de la performance et l’esprit de compétition peuvent être une bonne chose pour tous les enfants, mais pas au détriment de leurs intérêts personnels. Ainsi, tout le monde n’est pas fait pour devenir un grand sportif. Un jeune peut vouloir devenir le meilleur, mais dans un autre domaine : les arts, les études, les habiletés manuelles… Le secret pour qu’un enfant ou un ado se sente bien dans un contexte de compétition, c’est qu’il y trouve un équilibre entre ses attentes et son potentiel. Autrement dit, entre ce qu’il en espère et ce qu’il en reçoit réellement. Dans ce cas, on peut parler de saine compétition.

Si la compétition détruit son estime de soi, alors elle devient malsaine. Cela se produit quand les attentes de l’enfant sont irréalistes, soit trop élevées (la barre est si haute qu’il n’y arrive pas et se sent incompétent), soit trop élémentaires (le but est si facile à atteindre que l’enfant n’a pas d’effort à fournir et se sent insignifiant).

Alors, comment s’assurer que la compétition sera saine?
Disons d’abord que, et toutes les études sur le sujet le démontrent, nous restons les modèles les plus percutants pour nos enfants. Si les parents ont horreur de la compétition, si elle les détruit au lieu de les stimuler, les enfants risquent de répéter le schéma… Pour qu’un jeune y trouve son compte, la compétition doit être perçue et présentée de façon positive dans son entourage. De plus, l’enfant doit être motivé par un réel intérêt personnel et éprouver du plaisir à s’entraîner.

Ensuite, et c’est extrêmement important, les parents doivent prendre leur enfant tel qu’il est et éviter d’investir dans « l’enfant parfait », dont ils pourraient vanter les prouesses avec orgueil. Ils ne doivent pas non plus projeter leurs rêves ou leurs regrets sur le jeune, même inconsciemment, car il le ressentira. Les attentes des parents doivent correspondre non pas à leur vision de la réussite, mais au développement progressif des habiletés réelles de l’enfant. Celui-ci doit se sentir aimé pour lui-même, pour sa valeur personnelle, pas seulement pour ses succès.

Vous-même avez eu une fille engagée dans la compétition sportive. Quand des parents apprennent que leur enfant a le talent pour adhérer à une équipe de haut niveau et qu’il en a le désir, comment doivent-ils réagir?
Les parents doivent comprendre tout de suite que ça va tout changer. La vie de l’enfant impliqué, bien sûr, mais également la leur et celle de toute la famille. Soutenir un jeune sportif de compétition, c’est ni plus ni moins qu’un énorme contrat, qui peut s’étaler sur plusieurs années! Il va leur falloir être très organisés sur le plan pratique (horaires, déplacements, dépenses…) comme sur le plan de la communication.

Car il faudra établir une communication suivie et très étroite avec l’enfant. D’abord pour s’assurer qu’il a envie de consacrer son temps et ses énergies à son sport, qu’il comprend qu’il devra faire preuve de discipline. Ensuite, tout au long des mois, pour rester à son écoute. Une vraie écoute. Croire ce qu’il dit, lui faire confiance. Éviter les mots blessants, quand il échoue. Ne pas remettre sa personnalité en question, mais ses méthodes. Bien lui expliquer la différence entre l’erreur et l’échec et que l’important n’est pas de dépasser les autres, mais de se dépasser soi-même. Le complimenter pour ses succès, oui, mais surtout pour ses efforts. Accorder de l’importance à ses démarches, pas seulement à ses résultats. Respecter son rythme, sa progression, son véritable potentiel. Le rassurer, car il peut vivre de l’angoisse et de l’insécurité. Voir à ce que le plaisir (ce grand déstresseur!) soit toujours présent. La règle à suivre : que l’enfant aime ce qu’il fait et se sente aimé pour ce qu’il est.

Toute la famille risque d’être touchée, dites-vous…
Oui. Il y a danger que la vie familiale soit mise en veilleuse. Qu’elle tourne autour du « champion » et que la fratrie soit laissée pour compte. On peut être fier de l’enfant qui réussit, mais ses frères et sœurs ont eux aussi droit à leurs propres réussites, à leur propre place. Pour cela, les parents doivent veiller à ce que les activités et les valeurs familiales soient équilibrées et bien respectées. La compétition, d’accord, mais il y a aussi d’autres choses importantes dans la vie!

C’est, en effet, tout un contrat pour les parents! Qui peut les aider?
Les instructeurs sportifs sont généralement très bien formés. Ils assurent le suivi des jeunes et savent leur parler. Le parent qui reste proche du coach de son enfant sera ainsi toujours au courant de ce qui se passe sur le plan physique (développement, sécurité, potentiel…) et sur le plan psychologique (stress, motivation, frustration…). Les fédérations sportives, les professionnels de la santé (pédiatres, physiatres, ergothérapeutes, nutritionnistes), les professeurs et les autres parents de jeunes sportifs sont autant d’aides, qui forment une véritable équipe autour de l’enfant. Et de ses parents!

Bon, la compétition!
Selon Line Déziel, du Programme de soins pédiatriques intégrés du CHU Sainte-Justine, les jeunes qui ont fait sérieusement l’expérience du sport de compétition ont de meilleurs résultats scolaires que la moyenne des enfants. Ils sont plus disciplinés, plus déterminés et plus persévérants. Ils sont bien structurés sur le plan mental et connaissent mieux leur potentiel. Ces jeunes sont aussi mieux nourris et en meilleure forme physique.

À éviter à tout prix, quand on a un enfant sportif

  • Crier une consigne, lorsque l’enfant est en pleine action.
  • Lui dire que c’est à cause de lui que l’équipe a perdu.
  • Le comparer aux autres joueurs de son équipe.
  • Le décourager ou, au contraire, lui mettre de la pression.

 

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