Psychologie

Vivre le deuil d’un animal

Souvent banalisé, voire ridiculisé, le deuil d’un animal n’en demeure pas moins douloureux pour ceux qui perdent leur fidèle compagnon.

Sur la table à café de Josée L., une photo plutôt étonnante… celle d’une moufette. « C’est Pépée. Elle est morte, il y a trois mois. Elle me manque terriblement, mais elle était malade, et j’ai dû la faire euthanasier. » Josée soupire. Sa tristesse ne fait aucun doute. « Je l’avais depuis six ans, j’y étais très attachée. » Elle s’interrompt, puis lance : « Tu dois trouver ça ridicule; je sais bien que ce n’est qu’une mouffette, mais… ». Comme de nombreuses personnes qui ont perdu un animal de compagnie, Josée craint le jugement de ceux à qui elle parle de sa peine. Et pour cause. Le deuil animalier n’est pas toujours pris au sérieux.

Une erreur, aux dires des spécialistes. Notre animal de compagnie fait partie de notre quotidien et de la famille. C’est une présence vivante affectueuse, qui ronronne ou frétille de plaisir à notre arrivée et dont on prend soin, souvent pendant des années. Rien d’étonnant à ce que sa mort ou sa disparition nous attriste et laisse un vide parfois douloureux.

Pour mieux comprendre et vivre ce triste événement, Châtelaine a posé quelques questions à France Carlos, psychothérapeute au Centre vétérinaire DMV, à Montréal, et auteure de Deuil animalier – Guide de survie, paru en 2008, chez Broquet.

Q. Peut-on vraiment parler de deuil lorsqu’il s’agit d’un animal?

R. Toute perte entraîne un deuil, plus ou moins intense, selon l’importance de ce qu’on perd. Perdre un animal qu’on a aimé pendant des années et qui nous vouait une affection inconditionnelle et souvent réconfortante crée une absence, un manque et toute une gamme d’émotions, qui font partie des différentes étapes d’un deuil.

Q. Quelles sont ces étapes?

R. Pour le deuil animalier, j’ai identifié quatre étapes.

1. La négation. Une période qui peut aller de 30 secondes à 1 semaine et durant laquelle on refuse la réalité, on espère que l’animal va revenir ou qu’il s’agit d’une erreur.

2. L’émotion. La colère, la tristesse, l’ennui font partie de tous les deuils. Mais dans le cas du deuil animalier, il faut aussi composer avec la culpabilité, qui est presque toujours présente. S’ils ont fait euthanasier l’animal, les gens se sentent coupables d’avoir pris cette décision. Si l’animal est disparu ou accidenté, ils s’accusent de l’avoir mal surveillé, etc. Il faut alors dédramatiser, valider la décision, se souvenir des soins et de l’amour qu’on lui portait. J’ai souvent constaté que la culpabilité sert un peu de voile à la peine qu’on préfère ne pas ressentir.

3. L’acceptation. C’est une étape qui se vit graduellement. Les émotions sont souvent ressenties très fortement, la première semaine. Dans certains cas, les gens ont même des symptômes physiques et psychologiques. Puis, l’intensité diminue pendant la deuxième semaine. Généralement, après trois semaines, ils fonctionnent mieux et commencent à accepter la disparition.

4. Le réinvestissement dans de nouvelles relations. Cette étape diffère d’une personne à l’autre. Certains refusent d’adopter un autre animal de peur d’avoir encore mal. C’est une réaction normale qui, bien souvent, s’atténue avec le temps, jusqu’au jour où le désir d’un autre animal s’impose. Chacun doit y aller à son rythme. Cependant, je ne recommande pas d’aller chercher un nouvel animal dans les heures ou les jours qui suivent la mort du compagnon, car on risquerait de constamment comparer le nouvel animal avec l’ancien et de ne pas développer une relation aussi satisfaisante. Il faut prendre le temps de faire le deuil de celui qu’on a perdu.

Dans d’autres cas, quand la relation avec l’animal allait jusqu’à la dépendance affective, il peut être bon d’investir du temps et de l’énergie dans d’autres types d’intérêts et de relations.

Q. Comment composer avec le fait que nombre de personnes minimisent et parfois même ridiculisent les émotions que suscite la perte d’un animal?

R. C’est vrai que l’entourage ne réagit pas toujours adéquatement. On entend souvent des remarques comme « Tu ne vas pas pleurer pour un chien », « Ce n’était qu’un chat, après tout ». Pourtant, la peine est bien réelle. Il faut plutôt choisir de la confier à ceux qui sont susceptibles de comprendre. Si nécessaire, on peut se tourner vers un professionnel de la relation d’aide. Parfois, une seule rencontre suffit pour évacuer le trop-plein d’émotion et aussi valider ce qu’on ressent. Ce qui importe, c’est de trouver une façon et un endroit pour exprimer ses émotions. Il ne faut pas nier son deuil ou cacher sa peine par peur du jugement des autres. Pour bien faire son deuil, il faut s’autoriser à le vivre.

Q. Les rituels de séparation sont-ils de mise?
R. Par peur du ridicule, bien des personnes se privent d’un simple rituel, qui les aiderait à « laisser aller » leur animal ou à lui faire un dernier adieu, qu’il s’agisse d’un oiseau, d’un cheval, d’un chien ou d’un chat. Pourtant, les rituels sont souvent salutaires. On peut lui écrire un petit mot d’adieu, faire une courte cérémonie en famille, lui dédier un photomontage, encadrer une photo de lui, planter un arbre en son honneur, etc. Chacun peut trouver le geste ou le rituel qui l’aidera à se sentir en paix.

Q. Comment en parler aux enfants?

R. Il faut dire la vérité aux enfants dans des mots à leur portée. Il faut toutefois utiliser les bonnes expressions et éviter de dire que « Fido fait dodo », ce qui est faux et inquiétera l’enfant. Au lieu de dire qu’on a fait «piquer» le chat, mieux vaut expliquer que le médecin l’a aidé à mourir sans qu’il ait mal. À 7, 8 ou 10 ans, l’enfant est en mesure de comprendre.

Il ne faut jamais minimiser ou ridiculiser la peine ou l’ennui que les enfants ressentent. Surtout chez les adolescents, souvent très attachés à leur animal, qui est parfois une source de réconfort en période conflictuelle. On doit plutôt leur procurer écoute et réconfort.

Q. Comment vivre avec l’euthanasie d’un animal?

R. Il faut tenter de se déculpabiliser. On doit se rappeler qu’on a pris cette décision pour le bien de notre animal, pour mettre fin à ses souffrances et parce qu’on l’aimait. Il faut aussi dédramatiser la procédure. L’animal est médicamenté et ne ressentira pas de douleur. C’est important de le savoir.

On peut décider d’assister ou non à l’euthanasie. C’est une décision qui nous appartient. Tout dépend de notre état et de nos besoins. Je ne recommande cependant pas de laisser les enfants y assister.

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