Santé

Silence je médite !

S’arrêter quelques minutes, quel soulagement!

Photo: Blend images/John Fedele/Getty Images

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Assise sur une petite chaise droite, les yeux fermés et les mains sur les genoux, j’essaie d’observer ma respiration. J’essaie, mais je n’y arrive pas. C’est à la fois si simple et si difficile.

Dans la salle, on entend des toussotements et des grincements de chaises sur le sol. Nous sommes au moins 100 personnes – dont beaucoup de femmes – à méditer dans un sous-sol d’église. La voix du Dr Robert Béliveau, qui dirige la séance, domine tous ces petits bruits. « Des pensées et des émotions vont surgir dans votre esprit, nous dit-il. Regardez-les passer comme des nuages dans le ciel, puis revenez à votre respiration. » Les miennes me font plutôt penser à des mouches, qui réapparaissent aussitôt après avoir été chassées. C’est un flot continu, en apparence incontrôlable : un chandail aperçu dans une vitrine, le sac d’ordures oublié sur le pas de la porte, une copine de mauvaise humeur…

Et puis, mon corps proteste. La peau me démange dans des endroits impossibles, des crampes me forcent à changer de position, mes quintes de toux dérangent mes voisins.

Heureusement, le Dr Béliveau nous rassure : « En méditation, dit-il, il n’y a ni réussite ni échec. C’est un entraînement. Ce qui compte, c’est de pratiquer six jours sur sept. Quinze minutes pour commencer, pour atteindre 45 minutes avec le temps. »

Peu douée au départ, j’ai fini par y prendre goût. Dans ma tête, il y a une petite bête toujours pressée, toujours sur le qui-vive. Et voilà que, tout à coup, je peux la mettre à « pause » pendant quelques minutes. Quel soulagement !

Le Dr Béliveau a exercé la médecine familiale pendant 23 ans avant d’orienter sa carrière vers l’animation d’ateliers de gestion du stress, il y a 13 ans. Son travail de médecin était devenu une source de frustration. « Je voyais tous les jours des patients épuisés pour lesquels je ne pouvais pas grand-chose, dit-il. J’étais mal outillé pour les aider et j’avais peu de temps à leur consacrer. »

Mais pourquoi avoir choisi la méditation comme outil antistress ? Pourquoi pas la relaxation ? « Les effets bénéfiques de la méditation se poursuivent au-delà des séances, répond-il. Elle nous aide à devenir plus calme, plus attentif. »

Être plus attentive ? Je ne vois pas l’intérêt. Robert Béliveau esquisse un sourire. « Si je deviens plus conscient de ce que je vis, je peux mieux agir sur la façon dont je mène ma vie », précise-t-il. C’est pourquoi, parmi toutes les approches méditatives, il a choisi celle basée sur la pleine conscience.

Quand j’ai entendu cette expression pour la première fois, j’ai pensé à une secte d’illuminés. Mais j’ai fini par apprendre que cette forme de méditation, vieille de 2 500 ans, vient de la tradition bouddhiste. Elle consiste à ramener son attention sur l’instant présent et à examiner les sensations qui se présentent à l’esprit.

À la différence d’autres approches, il ne s’agit pas de chasser les pensées, les émotions ou l’inconfort physique qui ne manquent jamais de se manifester, mais de les noter, sans les juger. Pour prendre conscience, justement, de ce qui nous habite.

Pour bâtir son atelier, le Dr Béliveau s’est inspiré des travaux de Jon Kabat-Zinn, scientifique américain maintenant connu dans le monde entier. Ce biologiste moléculaire, diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et membre de l’équipe d’un Prix Nobel, est un adepte de la méditation. En 1979, il élabore un programme de gestion du stress et y intègre cette pratique bouddhiste pour venir en aide aux gens souffrant d’hypertension, de douleurs chroniques, de troubles cardiaques, de cancer… Les résultats sont étonnants : les patients ressentent moins de symptômes de leur maladie, se disent plus confiants, ont envie de prendre soin d’eux et se sentent mieux préparés pour faire face à la vie. Depuis, de très nombreuses études démontrent que la méditation de pleine conscience soulage effectivement du stress et de certains maux.

Elle peut diminuer la douleur de 40 %. Mieux que la morphine, dont l’efficacité se situe autour de 25 %. L’auteur de cette découverte, Fadel Zeidan, un jeune neuroscientifique du Wake Forest Baptist Medical Center, en Caroline du Nord, est lui-même surpris des résultats. Il a mené une expérience auprès de 15 personnes en santé qui n’avaient jamais médité. On leur a enseigné la technique de pleine conscience. Puis on leur a appliqué sur la jambe un appareil visant à chauffer la peau jusqu’à 49 ºC (120 ºF). Les participants ont facilement toléré la douleur. « Tout cela au bout de seulement 4 séances de méditation, à raison de 20 minutes par jour », dit Fadel Zeidan.

La méditation protégerait aussi de la dépression. Zindel Segal, professeur et chercheur au Département de psychiatrie de l’Université de Toronto, a mis au point un programme thérapeutique alliant la méditation de pleine conscience et la thérapie cognitive dans le but de réduire le nombre de rechutes chez les gens dépressifs. Et ça marche : on enregistre une baisse de moitié. « La pleine conscience permet de porter attention à ce qui se passe en vous-même sur le plan à la fois des idées et des émotions, dit-il. Cela aide les patients à détecter les sentiments de tristesse qui reviennent sans cesse avant que la dépression s’installe de nouveau. » Au moment où il a conçu son programme, le chercheur ne méditait pas lui-même. « Mais en voyant les résultats, j’ai décidé de m’y mettre », dit-il. Sa méthode est utilisée dans le monde entier – et au Québec, à l’Institut Douglas.

« En fait, il n’y a rien de magique dans la pleine conscience, me dit Robert Béliveau. En prenant le temps d’être à l’écoute de nos sensations, nous augmentons nos chances d’être avertis si quelque chose ne tourne pas rond, d’un point de vue physique aussi bien que psychologique. »

Personnellement, j’ai plus tendance à m’énerver qu’à déprimer. Mais une dame aux cheveux blancs qui assiste à cet atelier depuis des années m’a confié que, sans la méditation, elle n’aurait pas survécu à la mort prématurée de son plus jeune fils.

Au fond, tout cela n’est pas si étonnant, puisque la méditation produit des changements visibles dans le cerveau. Les moines qui la pratiquent tous les jours depuis des années démontrent beaucoup d’activité dans les zones cérébrales correspondant aux émotions positives. Leur cerveau produit aussi des ondes gamma très fortes, signe d’une activité mentale exceptionnelle. La matière grise des gens qui méditent 30 minutes par jour est plus dense dans les régions du cerveau associées à la mémoire, à la connaissance de soi et à la compassion, selon des chercheurs de l’Hôpital général du Massachusetts. Par contre, les parties du cerveau associées à la peur, à l’anxiété et au stress diminuent de volume. J’espère bien en arriver là !

D’autres fonctions de l’organisme pourraient en bénéficier, comme le système immunitaire. On sait maintenant que le vaccin contre la grippe est plus efficace chez les gens qui méditent. Ces derniers réussiraient aussi, par leur pratique, à calmer un système de défense trop actif et les maladies inflammatoires qui en découlent, selon des chercheurs de l’Université du Wisconsin à Madison.

Enfin, des chercheurs du Massachusetts ont presque découvert la fontaine de Jouvence : la méditation mettrait à off les gènes impliqués dans la production de radicaux libres et la mort des cellules, tout en activant ceux qui luttent contre le cancer et les maladies inflammatoires…

Je voudrais pouvoir profiter de tout cela. Toutefois, pour une impatiente dans mon genre, ces effets positifs sont trop éloignés dans le temps. Si j’ai persévéré en dépit des difficultés, c’est que j’y ai trouvé des bénéfices plus immédiats. Ce que je ressens pendant ma pratique est assez difficile à décrire. Le mot bonheur est trop intense, mais le mot sérénité ne l’est pas assez. Pour le savoir, il faut en faire l’expérience.

Cela peut sembler incroyable d’aimer rester assise sur une chaise sans bouger. Mais c’est fantastique de savoir que, quoi qu’il arrive, on peut se réfugier dans une zone paisible à l’intérieur de soi. Je n’y parviens pas toujours, mais je sais maintenant que ce lieu existe. Et pour l’atteindre, je n’ai pas besoin de tapis, de chandelles ou de CD. Je n’ai qu’à m’asseoir dans un endroit tranquille et à fermer les yeux.

Je ne suis pas devenue plus zen. Ni tellement plus calme. Mais le petit rongeur qui court dans mon cerveau – qui se demande toujours si j’ai fait les choses comme il faut ou si une catastrophe ne va pas se produire – ce petit rongeur, donc, court moins vite et moins longtemps. Et ça, c’est tout un changement.

6 astuces pour méditer chez soi

1. Trouver un moment
On peut méditer à n’importe quel moment de la journée. Mais si on le fait trop tard le soir, on risque de s’endormir. Or, le principe de la pleine conscience, c’est de rester éveillée. Choisir un endroit calme, loin de l’agitation.

2. S’installer bien droite
On pratique la méditation sur une chaise ou sur le sol. Dans ce cas, on choisit un coussin ferme qui soulève les fesses de 8 à 15 cm : un oreiller plié en deux fait l’affaire. Ou on utilise une chaise dont le dossier est droit et qui permet d’avoir les pieds à plat sur le sol. Le dos et la nuque sont alignés pour ne pas entraver la respiration. On pose les mains sur les cuisses.

3. Respirer profondément
Une fois installée, on dirige son attention vers sa respiration. On la laisse se dérouler ; on observe l’air qui entre et qui sort. On demeure dans le moment présent, dans chaque respiration.

4. Rester zen
C’est inévitable : l’esprit va se mettre à vagabonder. Quand on s’aperçoit que son attention s’est déplacée, on en prend note et on la ramène avec bienveillance dans le souffle. Ce faisant, on entraîne son esprit à être moins réactif et plus stable.

5. Accueillir ses pensées
Laisser passer ses pensées ne veut pas dire les supprimer. Beaucoup de gens croient qu’une bonne méditation est celle où on évacue tout et on fait le vide. Bien au contraire, ce qui compte, c’est plutôt d’être consciente de ses pensées et de ses sentiments pendant la méditation. Des pensées stressantes ou inquiétantes se manifestent… ce ne sont que des pensées.

6. Pratiquer chaque jour
On pratique au moins 15 minutes une fois par jour, pour commencer. Peu à peu, on prolonge jusqu’à 45 minutes. Méditer est un sport d’endurance. Il faut pratiquer chaque jour ou au moins six jours par semaine, ne serait-ce que quelques minutes qui seront très reconstituantes.

Source : Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, par Jon Kabat-Zinn.

Des outils
Un site pour tout savoir sur les ateliers de gestion du stress animés par le Dr Robert Béliveau. On s’y procure des CD qui peuvent nous soutenir dans notre pratique. Ce qui peut être très utile, surtout quand on débute. gerermonstress.com

livre-meditation

Un livre à lire absolument. L’instigateur de l’approche de la pleine conscience explique sa démarche. Très accessible. Efficace pour contrer le stress.

Au cœur de la tourmente, la pleine conscience,  du Dr Jon Kabat-Zinn. Éditions J’ai lu, 19,95 $

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