Santé

Voici l’histoire de Jude, mon fils de deux ans emporté par la grippe

Le jour de sa mort, Jude s’est réveillé avec une légère fièvre, sans symptômes de maladie respiratoire. Le plus frustrant, c’est que son décès aurait pu être prévenu. Et notre histoire n’est pas unique.

Photo: Jill Promoli

Hier, c’était l’anniversaire de Thomas et de Jude. Thomas a eu quatre ans, mais pas Jude. Il est mort le 6 mai 2016 de l’influenza B. C’était un bambin de deux ans en parfaite santé. Hier, j’ai pu fêter Thomas à son retour de l’école, mais je ne pourrai plus jamais serrer Jude dans mes bras. J’aimerais vous parler de lui.

Il avait une grande sœur, Isla, qui avait un amour profond pour ses frères et qui était immensément fière d’eux. Elle adorait leur apprendre toutes les choses importantes qu’elle connaît, aussi bien que faire les 400 coups avec eux.

Bébé, il était très sérieux, mais il a vite développé un sens de l’humour incroyable. Nous pensions qu’Isla serait la meneuse de la famille, mais c’était Jude qui réussissait toujours à entraîner les deux autres dans les coups les plus pendables.

C’était le voleur de pyjamas. Il était Superman et Thomas était Batman. Son pyjama de Superman était ce qu’il aimait le plus porter au monde, et il avait un plaisir fou à voler dans la maison, bras tendus derrière lui.

Photo: Jill Promoli

Il était futé: il faisait des associations qui nous laissaient bouche bée. Il adorait les lions. Je lui avais confectionné un chapeau de lion et il rugissait et riait chaque fois qu’il le portait. Un jour, pendant que nous attendions l’autobus d’Isla, il a trouvé un pissenlit et m’a demandé ce que c’était. « C’est un pissenlit, ou dent-de-lion. – Dent-de-lion ? Lion ? Chapeau de lion ? RRRR ! » Et chaque pissenlit par la suite déclenchait des fous rires.

Dans la chambre qu’il partageait avec Thomas, décorée sur le thème des Beatles, il y a une inscription au mur portant le titre d’une de ses chansons favorites, All You Need Is Love. Il la demandait souvent, et l’appelait « Wawa », à cause de la façon dont nous chantions à tue-tête les parties instrumentales.

Photo: Jill Promoli

La photo ci-dessus est la dernière que j’ai prise de lui. Il est mort quatre jours plus tard et son histoire s’est arrêtée. Ce petit garçon hilarant, brillant, affectueux qui nous éblouissait sans cesse était parti sans prévenir, et aujourd’hui encore je ne trouve pas les mots pour décrire cette perte.

Pourquoi je vous raconte ceci ? Parce que ces petites choses sont tout ce qui nous reste de lui maintenant. Il est parti et nous ne le reverrons plus jamais.

Le jour de sa mort, Jude s’est réveillé avec une légère fièvre. Je lui ai donné de l’acétaminophène et la fièvre est tombée. Il a passé l’avant-midi à rire et à jouer et rien ne laissait deviner qu’il avait le moindre mal. Il s’est couché à l’heure de la sieste comme d’habitude et c’est la dernière fois que je l’ai vu vivant.

Pendant quatre mois on ne nous a donné aucune explication sur les causes de sa mort, et quand le coroner nous a finalement fourni une réponse, elle nous a semblé insensée. L’influenza B est une maladie respiratoire grave. N’aurait-il pas dû montrer des signes de maladie ? Il avait été vacciné. N’aurait-il pas dû être mieux protégé ?

Photo: Jill Promoli

Nous avions une foule de questions, et nous savions que d’autres en auraient aussi. Nous avons entrepris de parler avec des médecins et des experts pour mieux comprendre pourquoi Jude était mort et pourquoi nous n’avions rien pressenti. Nous croyions savoir ce qu’était la grippe, mais en fait c’est plus complexe que nous le pensions.

La plupart des gens commencent à avoir l’air malade et à se sentir très mal avant que la grippe ne devienne grave, mais ce n’est pas toujours le cas. Je savais que la grippe était une infection respiratoire sérieuse, mais j’ignorais qu’elle pouvait entraîner la défaillance d’un organe ou d’un système. J’ignorais qu’elle pouvait causer l’arrêt d’un petit cœur de deux ans en santé.

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La grippe est particulièrement dangereuse pour les enfants de moins de cinq ans, les personnes de 65 ans et plus, les femmes enceintes et les gens ayant des problèmes de santé sous-jacents comme l’asthme, le cancer, le diabète ou une maladie du cœur. Chez eux, la grippe peut s’aggraver très rapidement et faire du dommage avant même qu’on réalise qu’on a besoin d’aide.

Le plus frustrant, c’est que le décès de Jude aurait pu être prévenu. La grippe peut être évitée quand tous les membres d’une communauté font leur part pour empêcher sa propagation. Plus de vaccins, plus de gens qui restent à la maison quand ils sont malades, plus de lavages de mains et de réflexes de se couvrir la bouche lorsqu’on éternue ou qu’on tousse. Ces précautions nous protègent tous, et plus particulièrement les personnes à risque.

Et notre histoire n’est pas unique. Chaque année des milliers de Canadiens et d’Américains meurent de la grippe et de ses complications. Un plus grand nombre encore sont hospitalisés et engorgent les centres de soins de santé à chaque saison de la grippe. Ceci met les autres patients en danger et peut aller jusqu’à perturber le système.

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D’autres familles perdront un être cher. D’autres familles auront à s’occuper d’arrangements funéraires non prévus. D’autres familles devront apprendre à mettre un pied devant l’autre après que leur monde se sera effondré.

De nombreux adultes en santé ne se font pas vacciner parce qu’ils tiennent pour acquis que s’ils attrapent la grippe ils se rétabliront sans peine. Ce qu’on oublie, c’est que même si on s’en tire ainsi, on augmente le risque pour tous les gens autour de soi. On peut contaminer chacune des personnes qu’on croise, dont l’une pourrait ne pas survivre.

Quand on se fait vacciner et qu’on reste à la maison les jours où l’on est malade, on offre une protection à sa communauté. Les précautions qu’on prend pour éviter la propagation de la grippe peuvent sembler insignifiantes, mais c’est ainsi qu’on peut aider les gens autour de soi à rester en vie et à garder vivants leurs proches. Le vaccin ne sert pas qu’à se protéger soi-même.

Aujourd’hui, je vous demande donc de vous assurer de faire tout ce que vous pouvez pour réduire le risque que vous puissiez tenir un rôle dans une histoire comme la nôtre. Faites-vous vacciner si votre état de santé le permet, restez à la maison quand vous êtes malade, lavez-vous souvent les mains, couvrez-vous la bouche lorsque vous toussez ou éternuez.

Plusieurs personnes avaient la grippe avant qu’elle ne soit transmise à Jude ce jour de mai. Et si une de ces personnes avait pris une précaution supplémentaire pour prévenir la propagation de la grippe ? À qui pourriez-vous sauver la vie en faisant plus attention cette saison ? On ne peut pas connaître la portée de nos actes, mais la vie des autres vaut sûrement la peine qu’on fasse un effort.

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