Il y a autant de désirs, d’envies, de projets qu’il y a de gens.
Patricia Arseneau, 52 ans, Québec
La cook à la tête dure
Incapable d’apprendre. C’est comme ça qu’on avait étiqueté Patricia Arseneau dès ses premières années d’école. Elle s’est retrouvée dans des classes spéciales, « dont tu ne peux jamais sortir », dit-elle. Décrocheuse à 16 ans, elle a vivoté de jobines en petits boulots, a travaillé quelques années avec son conjoint d’alors. Mais elle voulait s’instruire. Elle est retournée à l’école, une fois, puis deux, puis trois. « J’ai même recommencé au primaire, une fois. » La tête dure, mais la confiance en soi au troisième sous-sol. Jusqu’à ce que son frère, propriétaire d’un resto, lui demande de remplacer son cuisinier quelque temps. Elle a découvert qu’elle était douée. Et qu’elle aimait ça. La mère de trois enfants – aujourd’hui tous diplômés universitaires – est allée suivre un programme de réinsertion au travail, puis une formation professionnelle en pâtisserie. Qu’elle a réussie, même si elle n’avait pas les préalables (il fallait les maths de troisième secondaire) et que sa prof lui conseillait d’abandonner... C’était son premier diplôme. Elle avait 42 ans. Quand elle a compris que la pâtisserie offrait peu de débouchés, elle est retournée à l’école, a décroché son diplôme d’études secondaires, puis un autre de cuisinière. Elle s’est tapé toutes les formations qu’il lui fallait pour arriver à son but ultime : devenir « cook » sur un cargo. Depuis, six mois par an, elle dirige la cuisine d’un navire qui sillonne les eaux du Grand Nord pour ravitailler les villages inuits. Son boulot : les trois repas par jour de la trentaine de matelots, cadets et débardeurs qui vivent à bord. Avec son second, elle s’occupe des menus, des courses avant le départ et de la cuisine. Plus de 10 heures de travail par jour, 7 jours sur 7. « Au nord du nord, le bateau est souvent complètement coupé du monde pendant trois semaines, dit Patricia. Pas d’Internet, pas de cellulaire. » Le soir, dans sa cabine, elle s’est donc mise à écrire de la poésie. Sa plus grande fierté : avoir publié un poème dans un recueil collectif alternatif. « Pas pire, pour une illettrée... », conclut-elle.