Société

Alléger la charge mentale en six étapes

De plus en plus d’hommes font leur juste part à la maison, et c’est tout à leur honneur. Mais la logistique familiale incombe encore en majorité aux femmes.

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«Charge mentale». L’expression est sur toutes les lèvres depuis la parution au printemps 2017 de la fameuse bédé d’Emma, intitulée Fallait demander. Relayée sur les réseaux sociaux partout dans le monde, la bédé de l’artiste française met en mots et en images le sentiment de lassitude ressenti par tant de femmes forcées de compléter une liste interminable de tâches invisibles.

À en croire le discours ambiant, cet enjeu serait réglé si seulement ces dernières demandaient plus d’aide, déléguaient davantage et, bien sûr, lâchaient enfin du lest. S’obstiner à tenir de tels propos, c’est faire fausse route, selon Mariève Paradis, fondatrice du magazine Planète F, destiné aux famille. «Quand on me dit de lâcher prise, j’ai l’impression qu’on me dit ″C’est de ta faute, tu n’es pas adéquate″ et que ce n’est pas un vrai problème, qu’on cherche à le minimiser.»

Or, il doit bien avoir des solutions qui ne retomberaient pas uniquement dans la cour des femmes. Voici quelques recommandations d’experts.

Communiquer, échanger, partager

«Tout d’abord, on doit admettre que la charge mentale existe et qu’elle pose problème, croit Mariève Paradis. Il faut prendre le temps de s’asseoir en couple et se demander: ″Toi, qu’est-ce qui te taraude l’esprit au quotidien? Comment penses-tu qu’on pourrait faire équipe pour l’épicerie, la planification des repas…?″» Bref, on mise sur une communication efficace.

On garde en tête que rien n’est statique et que la situation sera appelée à changer… et on se prépare à avoir cette conversation de nouveau. «Pour viser le bien-être à long terme, il faut réévaluer régulièrement notre situation et se réajuster dès qu’on se retrouve dans une zone inconfortable», précise Élaine Tremblay, ergothérapeute chez Intergo.

Faire participer les enfants et opter pour une éducation égalitaire

Dans notre façon d’éduquer nos enfants, on a l’occasion de contribuer à ce qu’un jour, la charge mentale ne retombe plus sur les femmes, affirme la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers, auteure de Le bonheur d’être un parent imparfait. «Dans une maison, tout le monde doit faire sa part et s’impliquer. Demandons à nos enfants d’aider, aux filles, de passer la tondeuse et aux garçons, de cuisiner, de faire le ménage. On va ainsi leur inculquer les principes de l’égalité des sexes, ce qui leur sera utile toute leur vie.»

Sachant que les enfants reproduisent les comportements qu’ils observent dans leur environnement, on prêche aussi par l’exemple.

Organiser la vie familiale à deux

«Les deux parents devraient systématiquement recevoir toute la correspondance liée à l’école, au CPE, au service de garde et aux activités parascolaires, dit Mariève Paradis. Si on souhaite équilibrer les rôles et que les deux parents se sentent concernés, leurs deux adresses courriels doivent être fournies.»

La psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers conseille d’afficher un calendrier à la vue de tous, ou encore de synchroniser le calendrier familial sur le téléphone des deux partenaires. Ça ne devrait pas toujours être la même personne qui se tape les appels en attente pour prendre les rendez-vous et qui y accompagne les enfants, croit Manon Rivard, auteure de l’ouvrage Flirtez-vous avec le burn-out parental?. «Depuis qu’on a un calendrier électronique commun, mon conjoint et moi y notons les rendez-vous (optométriste, dentiste, médecin, ostéopathe ou acupuncture) et on se les attribue à tour de rôle», explique-t-elle.

Refuser la pression de performance

Difficile de se détacher des modèles extérieurs qui envahissent nos réseaux sociaux. S’ils nous poussent à ruminer («Pourquoi je n’y arrive pas, moi?»), ils contribuent à gonfler notre charge mentale, avance l’ergothérapeute Élaine Tremblay. On s’en détache et, s’il le faut, on delete.

«J’envie la blogueuse aux abdos de feu, la youtubeuse aux yeux de biche, le nutritionniste qui me fait culpabiliser d’avoir pris un resto sur le pouce, confesse Manon Rivard. La charge mentale est en partie nourrie par l’idée qu’on doit être parfaite partout! Chaque fois que je ressens une émotion négative après avoir lu une publication sur les médias sociaux, je retire son auteur de mes listes. Je veux cesser de me juger sévèrement.»

Côté travail aussi, la pression est grande. «Les entreprises nous demandent d’être efficaces, productives et toujours en service», déplore l’ergothérapeute Élaine Tremblay. Pour alléger la charge, il importe de laisser le boulot derrière soi le soir et le week-end et de faire une coupure nette. «La visualisation peut aider. Pour ma part, lorsque je rentre du travail, je ferme les yeux et je visualise une prise de courant qui se « déplogue »!»

Faire en sorte que chaque parent passe du temps seul avec son enfant

Dans son essai Maternité, la face cachée du sexisme (Leméac), l’auteure et journaliste Marilyse Hamelin avance que tant que les hommes ne profiteront pas d’un congé de paternité exclusif qu’ils passeraient seuls avec leur enfant, l’égalité ne sera pas atteinte.

«Parce que la vraie conciliation travail-famille débute bien souvent après le long ″congé″ parental et que, trop souvent à l’issue de celui-ci, la mère est devenue le parent principal – la maman ″contremaître″, de sorte que le père se trouve cristallisé dans un rôle de soutien.» Ainsi, on devrait encourager les pères à passer du temps seuls avec leur enfant afin qu’il apprennent eux aussi à anticiper les besoins de la famille.

Et le plus tôt serait évidemment le mieux.

Faire preuve d’initiative

Les pères de notre époque doivent agir en pionniers et sensibiliser leur patron à l’importance de l’équilibre familial, par exemple en s’absentant lorsque leur enfant est malade.

«La première année où un enfant va à la garderie, il ramène un virus par mois! Les deux parents devraient se relayer pour veiller sur lui. Étant donné que les femmes s’absentent davantage pour des raisons familiales, elles sont pénalisées sur le marché du travail», constate Mariève Paradis, mère de deux enfants d’âge scolaire.

Pourquoi devrions-nous toujours demander de l’aide à notre conjoint? «J’ai envie de dire aux gars: cessez de déléguer à vos blondes, de vous fier à elles au point de leur faire porter seules le poids des responsabilités familiales!» écrit Marilyse Hamelin dans son essai. L’initiative est de mise dans la gestion de la PME que représente la famille.

 

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