Société

Je teins-ti ou je teins-ti pas?

J’ai teint… en gris !

Je teins-ti ou je teins-ti pas ? En remettant entre vos mains le sort de ma tête grisonnante, je voulais demander : mais qu’est-ce qu’on a à se torturer avec l’âge qu’on a, celui qu’on n’a plus, celui qu’on devrait avoir, celui qu’on paraît ? Avec l’espoir de vous entendre sur la question…

Espoir comblé. Vous avez été plus de 800 à répondre à ce très sérieux sondage, dont plus de 60 % à choisir le gris.

Des dizaines de lectrices ont pris le temps de raconter leur combat perdu d’avance contre cette réalité de la nature qui apparaît généralement dès la trentaine (et parfois plus tôt) mais dont on a fait le symbole honni de la « vieillesse ». Certaines ont même fourni la preuve de leur capitulation libératrice : une photo d’elles radieuses sous leur chevelure argentée.


  Josée Bérard, 45ans
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Diane Chevrette, 51 ans

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Mari-Claude Hotte, 36 ans

 

 

 

 

 

Mon coloriste (d’une seule fois) n’a même pas sourcillé quand je lui ai mis le résultat du sondage sous le nez. « J’étais certain que le gris l’emporterait. Revenir au naturel, c’est une tendance. [Pas une mode, mais une tendance] de fond. Bien des femmes veulent sortir du carcan de la coloration mensuelle. Elles invoquent des préoccupations de santé, de temps, d’argent, d’environnement. »

Et, peut-être, plus profondément, de liberté. Et d’affirmation. Enfin. Si j’avais 20 ans, ça me rassurerait.

Partout en Occident, la traditionnelle pyramide des âges est devenue un rectangle debout. Il y a autant de gens dans la vingtaine que dans la trentaine, et que dans la quarantaine. Un après l’autre, les sondages le confirment, c’est dans la maturité que les gens sont le plus heureux (voir « J’ai 50 ans. Et alors ? » de notre collaboratrice Chantal Éthier, p. 111). Mais cette réalité, curieusement, ne passe pas dans la culture qui voit la maturité comme une maladie.

J’ai réalisé en quelques jours trois entrevues que vous lirez bientôt (dont celle avec le Dr Réjean Thomas, p. 232). Trois personnalités dans la cinquantaine (et plus). On n’était pas là pour parler d’âge. Mais tous, à un moment donné, ont eu la même réflexion. « Je n’ai jamais été si bien qu’en ce moment. » Ça doit bien vouloir dire quelque chose…

Bien sûr, on n’est (généralement) pas misérable à 20 ou 30 ans (quoique…). Mais à 50 ans, 60 ans, et même 70 ans non plus.

Alors, pourrait-on simplement prendre chaque étape de sa vie personnelle pour ce qu’elle apporte ? À 50 ans, j’ai appris deux ou trois petites choses. J’ai le désir de les transmettre (sans les imposer) à qui les voudra. Et j’ai le désir de connaître ce que les autres (plus jeunes ou plus vieux) peuvent m’apporter. Collectivement, nous ne pouvons que profiter de l’éventail d’expériences et de points de vue.

Il y a quelques années, j’ai eu la chance d’interviewer l’auteur d’un adorable petit bouquin intitulé Letters to a Young Activist, Basic Books (Lettres à un jeune militant [pas traduit]). Todd Gitlin, professeur de journalisme à l’Université Columbia, avait été dans sa jeunesse leader national du mouvement étudiant américain (un Gabriel Nadeau-Dubois des années 1960 !). Quarante-cinq ans plus tard, il militait toujours, mais autrement. « Le jeune militant gueule et fout le bordel, m’avait-il dit. C’est très bien. Le vieux militant, calme et posé, rédige des rapports dans une université, un ministère ou une ONG. Ces deux-là n’ont peut-être pas envie de prendre une bière ensemble. Mais les cris de l’un alimentent et renforcent les murmures de l’autre. Ensemble, ils peuvent changer le monde. »

Psiit! Teindre toute une tête en gris, ai-je appris, est impossible, à moins de décolorer complètement. Solution catastrophique pour le cheveu et pour le portefeuille. Mais j’avais promis. L’option : de très très nombreuses mèches argentées… Vous savez quoi ? J’ai plein de compliments…

Une femme magnifique. Jean, blouson de cuir, chaussures plates. Un air gamin, une vitalité… Sa tignasse argent illuminait toute sa personne. Je l’ai abordée. « Madame, vous êtes magnifique! »

J’ai décidé il y a longtemps qu’un compliment fait toujours plaisir, même quand il provient d’une inconnue dans un métro bondé à 8 h un morne mercredi d’hiver… Et cette femme m’a fait un effet particulier. Car il m’arrive quelque chose depuis deux ans : des cheveux gris. De plus en plus nombreux. Et ce qui me dérange, c’est que ça me dérange. Beaucoup.

Ma trousse à maquillage contient trois bidules et mes séances de magasinage durent 20 minutes. Bref, je ne suis pas une « vraie fille ». Cependant, le fait d’hésiter au moment de remplir une demande de passeport me plonge dans un trouble existentiel imprévu. Psychologiquement, je ne suis pas prête à écrire « poivre et sel » dans la case « cheveux »!

Quoi faire? Teinture? Mèches? Rien? Je change d’idée 28 fois par jour. Quand je vois une femme qui a de toute évidence plus de 65 ans arborer une impeccable crinière châtain, je me dis qu’elle a raison. On a tout le reste de sa vie pour avoir l’air d’une vieille, pas besoin de commencer trop tôt! Mais croiser une queue de cheval argent dans la rue suffit à me convaincre du contraire.

Quand je suis perdue, je me tourne vers la science. Quinze minutes sur Internet m’ont permis d’apprendre que des chercheurs travaillent à une pilule qui empêcherait les cheveux de perdre leur couleur – on l’a même déjà testée sur des souris. Si on cherche un remède, c’est donc qu’il y a un problème, n’est-ce pas? C’est réglé, je prends rendez-vous chez le coiffeur.

Par contre, d’autres scientifiques remettent en question l’équation cheveux gris = vieillesse. L’homo sapiens grisonne et blanchit peut-être de plus en plus jeune, commencent-ils à soupçonner, ce que confirmeraient des coloristes qui disent voir de plus en plus de clientes dans la vingtaine avec plein de cheveux blancs. Stress? Polluants? On ne sait pas.

Bref, la science ne m’est cette fois d’aucun secours. Alors j’achale tout le monde. Je fais quoi avec mes cheveux ? « Teins-moi ça ! » m’a ordonné Monique. « Ben non, c’est super beau », a rétorqué Paule. « Trente ans à mettre du temps et de l’argent là-dessus? Non merci », dit une collègue. « Impossible de décrocher un chum ou une job avec des cheveux gris », décrète une amie.

Là, elle a peut-être bien tort.

La journaliste américaine Anne ­Kreamer, aux prises avec le même dilemme, a pondu tout un bouquin sur le sujet (Going Gray, Little, Brown and Company). Dans le cadre de sa recherche, elle s’est livrée à une petite expérience. Elle s’est jointe à Match.com, un site de rencontres en ligne. Sa fiche précisait son âge réel, sa photo révélait sa chevelure argentée. Puis, trois mois plus tard, elle a soumis l’exacte même fiche, accompagnée de l’exacte même photo, mais trafiquée pour lui donner des cheveux bruns.

Le résultat l’a jetée par terre : trois fois plus d’hommes ont écrit à la Anne grise qu’à la Anne brune. Et on parle ici de citadins habitant New York, Chicago et… Los Angeles, capitale mondiale de la jeunesse obligatoire.

Alors, je fais quoi, moi? Je vous en prie, venez à mon secours. Les deux photos ci-dessus ont été retouchées. Je ne suis plus l’une, et pas encore l’autre. Votez pour l’option qui vous semble la meilleure. Je vais me conformer à la décision de la majorité… Au moins pour un temps. Avec photo (non retouchée!) à l’appui.

Louise Gendron
redaction@chatelaine.rogers.com

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