Lâchée lousse

La beauté selon Anny, grande brûlée

La beauté, ça se passe entre les deux oreilles.

la-beaute-selon-Anny«Bonjour Anny,

Je ne vous connais pas, mais je pense à vous souvent. Quand j’entends une femme déplorer la ridule qu’elle a ici ou la cicatrice qu’elle a là, par exemple. Ou quand, comme tout le monde, je songe à me payer un petit traitement de Botox ou une microdermabrasion. Je pense à vous et je me dis que vous devez trouver les gens bien fous avec leurs obsessions de look et de beauté.»

Quand Anny Berthiaume, 43 ans, m’a rappelée, elle rigolait au bout du fil. «Enfin quelqu’un qui me comprend!»

Ça faisait des années que je voulais lui écrire. Depuis que je l’avais vue, bien habillée et bien coiffée, sourire sur les poteaux de la rue Principale d’une ville de région. Son message : Le feu brûle des vies. L’affiche était convaincante. Le sourire et l’élégance n’arrivaient pas à cacher qu’Anny est une grande brûlée. (Au cours d’un voyage de camping, un contenant d’alcool de bois que manipulait son père a explosé, la brûlant sur 55 % du corps et ravageant son visage. Elle avait six ans.)

Elle a passé des mois clouée à un lit d’hôpital, a subi des dizaines d’opérations, a vécu trois ans emmaillotée dans un cocon de tissu. Et son visage, considéré comme un grand succès de la chirurgie, est quand même marqué à jamais.

Et alors? Alors rien. Anny a fait des études et est devenue inhalothérapeute, malgré les gens qui lui conseillaient de viser une carrière derrière un bureau, «où personne ne la verrait». Elle passe sa vie professionnelle en contact avec le public dans une clinique médicale et un hôpital. Elle s’est trouvé un chum qui l’a demandée en mariage. Ils ont eu deux fils, qui ont aujourd’hui 16 et 18 ans.

Bref, Anny vit sa vie. Avec fougue d’ailleurs. Elle a refusé de se cacher, a toujours répondu à ceux qui, à l’école, l’appelaient «E.T.» ou «toastée des deux bords», aux collègues indélicats, aux regards insistants dans la rue. Elle a même poursuivi pour discrimination un employeur qui lui refusait un emploi de peur que son apparence «traumatise les clients» (et elle a gagné).

Dans un café, à côté de la clinique de Saint-Augustin, près de Québec, où elle travaille, nous avons passé une heure à jaser beauté et séduction. «La beauté, ça se passe entre les deux oreilles. Si tu te trouves belle, si tu t’aimes, tu vas séduire», dit-elle d’entrée de jeu. N’importe qui d’autre dirait ça, on hausserait les épaules. Pas possible avec elle. La fille a une expertise, disons.

«Et comment on fait pour se trouver belle ? Comment tu as fait, toi, Anny?
– Je ne te dirai pas que j’aime mes brûlures. Mais elles ne disparaîtront pas. Alors je ne les regarde pas et je me concentre sur ce que j’aime. Mes yeux, mon caractère, mon entregent, mon enthousiasme. Mes brûlures, je finis par les oublier. Et je te jure que les autres aussi les oublient.
– Et la séduction?
– Avec la face que j’ai, bien sûr que mon mari ne m’est pas tombé dans les bras en trois minutes, admet-elle. On peut dire que je l’ai séduit avec ma joie de vivre, ma simplicité. Et beaucoup de persévérance!»

Des escrocs et des assassins beaux comme des cœurs, ça existe. Pourtant, dans les contes pour enfants, les méchants sont toujours laids, déplore Anny. Pas étonnant que, inconsciemment, on associe la beauté à la compétence, à la bonté ou à la valeur.

«Si tu veux te démolir le moral, passe une heure devant ton miroir, conclut-elle. Ma méthode c’est de sortir, voir des gens, sauter en parachute, partir en camping, développer une nouvelle compétence… Vivre, quoi. Tout ça améliore l’estime de soi. Et, en fin de compte, le regard que les autres posent sur toi.»

En partant, je lui ai posé LA question. Sa réponse : «Je suis une femme heureuse.»

(Pour mieux connaître Anny, visitez son site : annyberthiaume.com)

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