Entrevues

Anaïs Barbeau-Lavalette

La cinéaste est toute petite et semble toute douce. À 33 ans, elle a pourtant réalisé six longs métrages, dont deux de fiction, et publié un roman.

Monic Richard

Pour Inch’Allah, elle a dirigé (en pays musulman) un plateau de 100 personnes. Avec, à ses côtés, son poupon tout neuf… Ce qu’elle a retenu de son expérience.

1. Pour savoir qui on est, il faut se confronter aux autres. Ma génération va de plus en plus partout dans le monde. Ça nous bouscule sur les plans intime et identitaire. Et c’est super sain. On revient plus solides, et plus québécois même.

2. C’est dans les régions où on meurt le plus qu’on rit le plus fort. Tout y est plus intense. On fait plus l’amour, on célèbre davantage. Parce qu’on sait que tout peut s’arrêter demain. Alors on bouffe la vie. J’ai vu des gens mourir tragiquement. M’en reste une énergie brute que j’essaie de donner autour de moi.

3. Pour tourner un film, pas besoin de devenir un mec. Les réalisatrices, longtemps désavantagées, commencent à faire leur place. Et il nous appartient de nous donner le droit de faire les choses à notre façon. Sur un plateau, je ne deviens pas un chef de guerre. Ça se passe en douceur. Mais tout le monde me suit.

4. Mon film est meilleur parce que je l’ai fait avec mon bébé. D’abord, j’avais accouché, c’est quelque chose déjà ! J’étais tellement « groundée »… Et l’énergie de la maman, je l’emmenais sur le plateau, ça me donnait de la force. Je suis si contente de pouvoir dire que j’ai tourné un long métrage, avec un budget de plusieurs millions, dans un pays étranger, avec un bébé et que, oui, c’est possible !

5. On ne comprend pas la guerre parce qu’on la détache de la fibre humaine qui la porte. On parle de terrorisme dans les pays arabes. C’est quoi, ce mot-là ? J’aimerais tant comprendre qui est la personne derrière la bombe humaine. Pas pour excuser, mais pour humaniser l’humain, donc le rapprocher de nous.

6. Un film, c’est vivant. Tu réfléchis à une scène pendant des années puis, tout d’un coup, elle ne peut pas se faire. Alors tu la transformes. Un personnage que tu as imaginé, dont tu as créé jusqu’à l’odeur, s’incarne tout à coup, porte son énergie à lui, ajoute un élément, en enlève un autre. Un film, c’est comme une naissance, c’est quelque chose qui se met à vivre à l’extérieur de toi.

7. Pour une Québécoise, le monde arabe est confrontant, attrayant, mystérieux. J’ai beaucoup voyagé dans ces pays-là, j’ai appris l’arabe, j’ai habité en Palestine. Un pays prisonnier, dans lequel les femmes ne sont pas libres. Les portes y sont pourtant ouvertes, les gens sont heureux qu’on s’y aventure. Ce con­traste m’a donné de la maturité.

 

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