Entrevues

Ce que Véronique Hivon a appris

Le grand projet qu’elle a porté pendant quatre ans, Mourir dans la dignité, est devenu loi.

©Parti Québécois 2014

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Son parti a subi une défaite historique aux dernières élections. Mais Véronique Hivon a été réélue députée de Joliette. Et Mourir dans la dignité, le grand projet qu’elle a porté pendant quatre ans, est devenu loi.

Afficher sa tête sur les poteaux demande beaucoup d’humilité. Les gens pensent que les politiciens ont de gros ego. C’est parfois vrai. Mais, en politique, on met sa tête sur le billot, on se rend tellement vulnérable. On offre ses compétences, ses convictions, son expérience, et puis les citoyens disposent. Ça exige une grande humilité, surtout à cette époque où les campagnes électorales sont presque exclusivement basées sur les chefs et les partis.

Il faut avoir la sagesse de poursuivre un rêve assez grand pour ne pas le perdre de vue. Après, bien sûr, on le segmente parce qu’on n’y arrivera pas en une seule bouchée. Mais quand on ne sait pas où on s’en va, le travail, en politique ou ailleurs, devient extrêmement difficile.

On peut travailler avec des adversaires. Il faut toujours présumer de la bonne foi des gens.  Moi, jeune femme de Joliette, profondément souverainiste, j’ai coprésidé la commission Mourir dans la dignité avec Geoffrey Kelley, homme plus âgé, anglophone de l’ouest de Montréal et fédéraliste convaincu. Tout semblait nous séparer mais on se rejoignait sur un enjeu foncièrement humain et pour nous fondamental. Et nous nous sommes fait confiance rapidement.

Tout faire en même temps, c’est possible. À condition de lâcher prise. Je suis devenue députée puis mère à 10 jours d’intervalle. Mes deux grands rêves se concrétisaient, mais exactement en même temps ! J’avais le sentiment de ne pouvoir vivre ni l’un ni l’autre à plein. Au point de vue de la disponibilité, de la présence, de l’organisation, tant à la maison qu’au bureau, rien ne se passait comme je l’avais imaginé. J’ai dû développer l’art du lâcher-prise. Finalement, je pense que ça a été une grande source d’équilibre.

Un enfant autiste en crise, c’est aussi grave qu’un patient qui saigne aux urgences. Le ministère de la Santé a des cibles pour les opérations de la hanche, du genou, de la cataracte, qui doivent être réalisées dans un délai donné. Mais on n’a pas les mêmes exigences pour les urgences sociales. Pourtant, un enfant autiste qui fait des crises toutes les nuits, dont les parents ne peuvent jamais dormir, c’est aussi urgent. Abandonner ces gens représente un coût énorme.

On est toujours plus fort qu’on pense. Déposer une demande d’adoption, comme mon conjoint et moi l’avons fait, c’est s’embarquer pour un long périple d’évaluations, d’étapes, de retards. On se dit parfois qu’on n’y arrivera jamais. Ma mère, qui luttait contre un cancer, s’accrochait beaucoup à l’idée de voir sa première petite-fille. Et moi, je voulais tellement vivre cela avec elle. Ce n’est pas arrivé. Mais on apprend, on se découvre une force insoupçonnée.

Pour attirer les femmes en politique, il faut la changer. Et on a besoin de femmes pour y arriver. La politique traditionnelle, très souvent présentée et perçue comme une lutte partisane perpétuelle, n’est pas attirante pour elles. Ni pour la population en général, d’ailleurs. Pour les mêmes raisons. Il faut davantage de femmes pour mener de l’intérieur le combat de la conciliation travail/famille/politique, pour repenser la politique. Des hommes aussi veulent faire les choses autrement. Avec plus de collégialité, plus d’ouverture.

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