Entrevues

Elles représentent le Québec à l’étranger

Pour la première fois, les chefs de poste du Québec sont aussi nombreuses que leurs collègues masculins. Elles discutent parité, plafond de verre et vie privée.

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De gauche à droite, debout : Marjolaine Ricard (Barcelone), Élise Racicot (São Paulo), Christiane Pelchat (Mexico) ;
assises : Michèle Stanton-Jean (Unesco), Claire Deronzier (Tokyo).

Vous êtes le trait d’union entre nous et le monde, mais on ne sait pas trop ce que vous faites…

Amalia Daniela Renosto, déléguée à Rome : Chaque délégation (et bureau) est un minigouvernement sur son territoire, qui fait la promotion du Québec dans ses champs de compétence – éducation, économie, culture, immigration. On crée des liens, on signe des ententes.

Christiane Pelchat, déléguée générale à Mexico : Nous représentons en quelque sorte les entreprises québécoises. Nous sommes sur la ligne de front pour les aider à vendre leurs produits. Nous faisons aussi rayonner l’identité québécoise pour appliquer ailleurs nos bonnes pratiques. Par exemple, dans les universités, au Parlement, au Congrès, je mets en valeur notre politique familiale – services de garde, congés parentaux, équité en matière d’emploi.

Caroline Emond, déléguée générale à Bruxelles : Sans oublier que le Québec entretient des relations particulières avec certains pays ou certaines régions, ce qui favorise le développement. Dans les négociations ayant mené à l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, le Québec a joué un rôle de leader.

À quoi ressemble une journée dans la vie d’une représentante ?

Marjolaine Ricard, du bureau de Barcelone : Ce n’est jamais pareil d’un jour à l’autre. Mais quel que soit notre territoire, nos activités se résument à surveiller l’actualité (revue de presse), à accompagner les entreprises, les créateurs et les chercheurs, et à réseauter. Si on voulait, on serait prises tous les soirs par des activités diplomatiques !

Isabelle Beaulieu, du bureau de Washington : Sauf à Washington, où les gens se couchent tôt ! Ils travaillent fort toute la journée, mais à 20 h c’est terminé.

Michèle Stanton-Jean, représentante du Québec auprès de l’UNESCO : Mon rôle à l’Unesco est complètement différent. Je ne fais pas affaire avec un pays, mais bien 195 ! Nos points d’entrée pour le Québec, c’est notre expertise en éducation, en culture et en sciences humaines. Notre maîtrise du français et notre pragmatisme constituent des atouts.

Le Québec est parmi les premiers territoires au monde à atteindre la parité hommes-femmes dans son réseau de représentants à l’étranger. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Amalia Daniela Renosto : C’est un moment historique pour moi. À la première réunion de chefs de poste à laquelle j’ai assisté en Italie, il y a 18 ans, j’étais la seule femme. Je disais à la blague que je portais beaucoup de colliers pour rivaliser avec les cravates ! Cette année, il y a autant de colliers que de cravates.

Christiane Pelchat : Il y a 18 mois, j’étais la seule déléguée générale sur sept. Maintenant, nous sommes trois.

Michèle Stanton-Jean : Au Québec, on est assez égalitaires. Mais ce n’est pas la même situation partout. J’ai vu un ambassadeur assis avec cinq femmes derrière lui, qui lui passaient des notes. Un autre me racontait avoir été estomaqué de voir son hôte se lever pour aller changer la couche de son bébé ! Dans beaucoup de pays, c’est impensable.

Élise Racicot, du bureau de São Paulo : On projette l’image d’une société moderne.

Michèle Stanton-Jean : Oui, mais il faut que les femmes osent plus. Quand j’étais sous-ministre, j’ai déjà offert des jobs à des filles qui me disaient : « Je ne sais pas si je vais être capable. » C’est rare qu’un gars dit ça !

Claire Deronzier, déléguée générale à Tokyo : Les femmes ne se sentent jamais assez prêtes. On est terribles pour ça !

Élise Racicot : Quand on a une famille et qu’on accepte un poste à l’étranger, ça implique qu’elle nous suive. C’est la raison pour laquelle c’est souvent plus dur pour nous d’avoir une carrière diplomatique.

De gauche à droite, debout : Isabelle Beaulieu (Washington), Joane Boyer (Atlanta), Amalia Daniela Renosto (Rome) ; assises : Caroline Emond (Bruxelles), Maud-Andrée Lefebvre (Pékin).

De gauche à droite, debout : Isabelle Beaulieu (Washington), Joane Boyer (Atlanta), Amalia Daniela Renosto (Rome) ;
assises : Caroline Emond (Bruxelles), Maud-Andrée Lefebvre (Pékin).

Doit-on y sacrifier sa vie privée ?

Maud-Andrée Lefebvre, du bureau de Pékin : C’est un choix, pas un sacrifice. Disons qu’on a des vies atypiques.

Michèle Stanton-Jean : Dans un couple, il y en a tout le temps un qui va y trouver son compte. Je connais des couples qui alternent : « Maintenant, c’est mon tour ; demain, ce sera le tien. »

Les délégués forment-ils un boys club ?

Toutes en chœur : De moins en moins !

Caroline Emond : Les hommes n’ont pas le choix de composer avec nous, puisque c’est le gouvernement qui nous a nommées. Le respect de la fonction entre en jeu.

Élise Racicot : Au gouvernement, les gens respectent davantage le titre. Mais dans les entreprises, c’est souvent plus facile de créer des contacts quand les chefs sont des femmes. À travers ces réseaux-là, on s’entraide. Ça rend mes collègues jaloux !

Claire Deronzier : Le plus difficile, c’est d’accéder à ce niveau, à cause du fameux plafond de verre. On doit travailler fort.

Michèle Stanton-Jean : Et être ben bonnes !

POL-DOMINIQUE-POIRIER-NEW-YORK

Archives Agence QMI

Au moment de mettre sous presse, on apprenait la nomination de l’ex-journaliste et animatrice Dominique Poirier au poste de déléguée générale du Québec à New York, en remplacement d’André Boisclair. Les femmes deviennent ainsi majoritaires au sein du réseau diplomatique du Québec à l’étranger. Une première ! La nouvelle titulaire du prestigieux titre travaillera en plein cœur de Manhattan, au One Rockefeller Plaza.

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