Entrevues

Maman au boulot: Viviane Yargeau

Professeur agrégée au Département de génie chimique de l’Université McGill, 43 ans, maman d’une fille de 18 ans et d’un garçon de 15 ans. Rencontre.

Photo: Louise Savoie

Ce que je fais dans la vie

Comme chercheuse, ma grande préoccupation est la pollution de l’eau. Je travaille à trouver des moyens d’éliminer les traces de contaminants (drogues illégales et médicaments, par exemple) dans les eaux usées avant qu’elles soient déversées dans le fleuve Saint-Laurent. J’enseigne aussi le génie chimique à l’université.

J’ai choisi ce métier…

Sur un coup de tête ! Venant d’un milieu peu scolarisé, je n’avais jamais entendu parler de génie avant d’arriver au cégep. C’est un prof qui m’a aiguillée vers ce domaine. Par contre, ma curiosité scientifique s’est manifestée dès l’enfance : je préférais observer mon père bricoler plutôt que regarder la télé. Je voulais comprendre comment les pièces s’assemblaient.

Ce qui me rend fière

D’avoir pu mener la carrière que je souhaitais tout en ayant des enfants. Je n’aurais pas pu sacrifier l’un pour l’autre. J’y suis arrivée en bonne partie parce que mon conjoint et moi avons toujours partagé les tâches très équitablement.

Mon défi

Je ne remets jamais rien à plus tard. Pour moi, c’est une stratégie de réduction du stress. Mais j’ai parfois du mal à accepter que tous ne fonctionnent pas de cette manière, même s’ils arrivent à d’aussi bons résultats à la fin. Je voudrais qu’ils agissent tout de suite !

Je garde la tête hors de l’eau…

Grâce à une application qui s’appelle OmniFocus. Avant, je gaspillais une part considérable de mes énergies intellectuelles à essayer de me souvenir de ce que j’avais à faire. C’était très anxiogène. Ce logiciel me rappelle mes tâches les plus pressantes au moment opportun. Ça m’a complètement libéré l’esprit.

Mes trucs pour alléger l’horaire

Je planifie mon menu pour la semaine le samedi matin. Aussi, depuis un an et demi, nous avons une femme de ménage. J’ai résisté longtemps parce que je n’aime pas qu’on fouille dans mes affaires, mais quand j’ai goûté au bonheur de rentrer le soir dans une maison impeccable, j’ai compris que je ne reviendrais pas en arrière !

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Je décroche vraiment…

Quand je pars en camping dans le bois avec mon mari et mes enfants, sans appareils électroniques. On appelle ça notre échappatoire. Tous nos instants sont employés à observer la nature, préparer les repas ou trouver un ruisseau pour se baigner. J’adore ça… Pour autant que ça ne dure pas plus de trois jours ! [Rires]

Mon style

Je suis conservatrice, mais bien moins qu’avant. Longtemps, j’ai bridé ma féminité afin de me fondre dans le monde d’hommes au sein duquel j’évoluais. Quand j’ai eu le sentiment d’avoir fait mes preuves, j’ai troqué les tailleurs-pantalons stricts contre les robes et les bijoux. J’aime beaucoup les coupes de la boutique Le Château.

J’ai longtemps été…

La seule femme du département. Je ne compte plus les fois où les gens ont cru spontanément que j’étais l’assistante d’un collègue… Un sexisme insidieux existe encore dans mon domaine. Par exemple, les professeures se font assigner plus souvent les cours de premier niveau, ceux où les étudiants sont moins autonomes. Aussi, j’ai dû en faire plus que mes confrères pour que mon expertise soit reconnue sur le plan international.

Une leçon que j’ai apprise

Quand les enfants étaient plus jeunes, je travaillais parfois durant les périodes de temps qui devaient leur être dévolues et je me souviens d’avoir été impatientée par leurs demandes. C’était injuste pour eux et j’ai décidé de laisser tomber des activités. On pourrait toujours en faire plus au boulot, être plus reconnu, publier davantage dans des revues prestigieuses… Il faut apprendre à s’imposer des limites.

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Mon petit luxe

Une manucure tous les mois. Pour mon chum, c’est un grand mystère que je me permette ces deux heures vissée à une chaise, moi qui ai la bougeotte. Mais je ne peux pas m’en passer. J’aime voir mes ongles bien taillés s’agiter sur le clavier de mon ordi !

Photo: Louise Savoie

Mon rêve le plus cher…

Profiter au maximum de la présence de mes ados pendant qu’ils sont encore à la maison. Déjà, planifier des vacances prend des allures de casse-tête tant ils sont occupés. Je refuse même des occasions professionnelles pour passer plus de temps en leur compagnie.

Un livre qui m’a marquée

Printemps silencieux, de la biologiste Rachel Carson, qui est à l’origine de ma décision d’embrasser la cause environnementale. Elle est l’une des premières à avoir sonné l’alarme à propos des effets nocifs des contaminants dans l’eau, au début des années 1960.

J’ai renoncé à…

La musique. Plus jeune, je jouais de la flûte traversière ; j’ai même songé à consacrer ma vie à cette passion, mais mon intérêt pour les sciences a pris le dessus. La musique est pour moi une soupape aussi puissante que le sport, sauf que la maîtrise d’un instrument exige d’investir du temps que je n’ai pas. C’est maintenant un projet de retraite !

Ma philosophie

Je pense que les occasions ratées et les déconvenues sont des portes qui s’ouvrent sur d’autres horizons. Ça nous permet de vivre des expériences enrichissantes qu’on n’avait même pas imaginées.

Mon coup de cœur

Les bijoux de Caroline Néron. Ses bracelets, ses colliers, ses boucles d’oreilles… J’en ai qui vont avec tous mes ensembles ! J’aime leur esthétisme et leur prix raisonnable.

J’ai de l’admiration…

Pour Julie Payette. J’ai eu la chance de la voir en entrevue lorsque j’étais au cégep, et ce qui m’avait frappée, c’était sa simplicité en dépit de son intellect nettement supérieur à la moyenne et de son statut d’astronaute. J’avais trouvé ça épatant. Elle m’a aussi démontré qu’une femme pouvait mener une carrière scientifique.

Ma découverte beauté

Les produits Guinot, une marque française vendue en salon d’esthétique qui fait des miracles pour les peaux hypersensibles comme la mienne.

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