Entrevues

Une Japonaise au top

Fujiyo Ishiguro sème l’espoir.

Fuyijo-Ishiguro

Photo : Marie-Soleil Desautels

L’entrepreneure Fujiyo Ishiguro est l’une des rares Japonaises à diriger une société inscrite en Bourse. Cette pionnière a défriché une terre inculte et sème l’espoir.

Candidats masculins seulement. » C’était en 1980 et cette phrase, se souvient Fujiyo Ishiguro, terminait presque toutes les offres d’emploi. Inutile même de se rendre au centre de placement, avait conclu la diplômée en économie. C’est un parcours du combattant qui l’a menée à son bureau, au 13e étage d’un édifice d’un quartier animé de Tokyo ; elle préside aujourd’hui une entreprise nippone de 225 employés spécialisée en stratégies et services Internet.

Un an après sa sortie de l’université, la jeune femme décroche enfin son premier boulot à temps plein chez l’équipementier Brother Industries. Elle fait ses preuves ; tellement que l’entreprise l’envoie à l’étranger pour la représenter, une première pour une femme. Puis Swarovski, la grande société européenne du secteur du cristal, la recrute pour l’aider à s’établir au Japon.

« Mon fils est né en 1990. Ma mère devait venir vivre avec mon mari et moi pour s’en occuper, mais elle est morte d’un cancer six mois après la naissance de l’enfant. Sans elle, il devenait impossible de concilier travail et famille. Les garderies fermaient trop tôt. » Les infrastructures font d’ailleurs toujours défaut au Japon pour soutenir les mères qui ont un emploi. Encore aujourd’hui, à cause d’un marché du travail trop exigeant, du manque de soutien familial ou de politiques pour favoriser la conciliation boulot-famille, les Japonaises peinent à poursuivre leur carrière. Trois sur cinq quittent leur emploi dès la première grossesse.

Fujiyo Ishiguro préfère alors partir pour les États-Unis plutôt que rester mère professionnelle au Japon. « C’était plus facile ! » assure-t-elle, le regard pétillant. La petite famille s’installe en Californie, où Fujiyo entreprend une maîtrise en administration des affaires (MBA) à l’Université Stanford.

En 1994, elle décroche son diplôme… et divorce de son mari. Elle met sur pied un cabinet de consultation et jette un pont entre des firmes japonaises et des entreprises en démarrage de la Silicon Valley, technopôle au sud-est de San Francisco. Les choses vont bien – elle compte Yahoo !, Netscape, Sony et Toyota parmi ses clients – et Fujiyo Ishiguro n’envisage pas de retourner vivre au Japon. Mais, constate-t-elle, l’Empire du Soleil levant exploite trop peu le potentiel d’Internet. Flairant la bonne affaire, elle rentre au bercail en 1999 et se joint à la jeune société Netyear, qui s’installe à Tokyo. L’année suivante, elle en devient présidente.

« Mon parcours est exceptionnel », admet la femme de 55 ans, élégante dans sa robe vaporeuse et son court veston noir. Autour de son bureau vitré, des dizaines d’employés s’activent.

« À la Silicon Valley, dit-elle, avocats, professeurs ou Prix Nobel vont tous chercher leurs enfants à la garderie ou à l’école. Au Japon, on s’attend à ce que ce soit la mère qui le fasse, qu’elle travaille ou non. »

Mais il y a de l’espoir. Convaincu que les femmes sont la clé de la croissance au Japon, l’État s’est donné la mission d’améliorer leur situation au travail. Fujiyo Ishiguro siège ainsi à des comités du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie chargés de faire avancer les choses. « C’est déjà beaucoup plus facile pour les Japonaises aujourd’hui que dans mon temps », note-t-elle avec optimisme.

Entre la gestion de son entreprise, les comités ministériels, des conférences sur l’entrepreneuriat ou la rédaction de livres, elle encourage les femmes. « Il faut dire ce que l’on veut, être efficace et, surtout, foncer ! »

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