Format familial

Familles recomposées: quelle place pour les belles-mères?

Les belles-mères sont partout: au pays, une famille sur cinq en compte une. Pourquoi alors ont-elles tant de difficulté à trouver leur place?

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Photo: Peter Hundert/cultura/Corbis

On ne choisit pas d’être belle-mère, on le devient. Par le hasard qui met sur sa route un prince charmant… déjà papa. Que faire alors de sa progéniture ? S’occuper d’elle comme si elle était sienne ou rester en retrait ? « La société n’a pas statué sur le rôle de la belle-mère. Elle n’est ni une mère, ni une amie, ni une grande sœur. Quand on se définit par la négative, c’est dur d’avoir une idée claire de ce qu’on doit faire », dit Julie Gosselin, spécialiste de l’adaptation des familles recomposées. Psychologue et professeure à l’Université Memorial de Terre-Neuve, elle est la seule au pays à s’intéresser spécifiquement à la blonde de papa. Interview.

Les belles-mères sont très discrètes. Comment cela se fait-il ? Elles évoluent en marge de la cellule familiale. Elles sont en quelque sorte une parente, mais ne doivent pas empiéter sur le territoire de la mère. C’est un no man’s land. Certaines le vivent très mal. Quand on compare les différents adultes de la famille recomposée, la belle-mère est toujours celle qui éprouve le plus de détresse.

Qu’est-ce qui rend sa place si inconfortable ? Son rôle n’a jamais été clairement défini. Il demeure calqué sur celui de la mère dans la famille traditionnelle. Tout de suite on s’attend à ce qu’elle donne le ton et s’implique auprès des enfants, qu’elle impose son autorité et une routine. En même temps, la maternité est une chasse gardée bien difficile à partager… Alors que plusieurs hommes dans la vie d’un enfant, c’est considéré comme positif !

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On serait donc moins exigeant envers le beau-père ? Oui ! Il a besoin d’une période d’observation pour comprendre la mécanique de sa nouvelle tribu et bien s’y intégrer. Et on lui laisse le temps ! Cela a été corroboré par une étude. En fait, sa place auprès des beaux-enfants correspond à celle que sa blonde, reine indiscutée du foyer, voudra lui accorder. Un peu comme dans la famille nucléaire, bien que les pères s’investissent de plus en plus. Le chum fait ainsi figure d’« adulte supplémentaire ». Il est là pour soutenir et rendre service. En général, il collabore bien avec le père – mieux que la belle-mère avec la mère –, car son implication demeure superficielle : jouer au gardien avec les enfants, les amener aux pratiques de soccer, assurer un salaire additionnel… Ce n’est pas très confrontant !

La belle-mère ose-t-elle parler de ces irritants ? Elle n’a pas vraiment de droit de parole, ni à la maison ni sur la place publique. Mais pourquoi taire le fait que ça ne va pas toujours bien ? Pour véhiculer une image de famille unie ? Les familles recomposées souffrent d’être perçues comme étant de seconde zone. Ses membres font beaucoup d’évitement, c’est-à-dire qu’ils esquivent les sujets de discorde. Une recherche américaine a suivi pendant 15 ans différents types de familles et mesuré leur niveau de stress. Les familles recomposées l’emportaient haut la main. Leur stress descendait au niveau de celui d’une famille « intacte » seulement dans la 14e année de vie commune – ce qui correspond à l’adolescence des enfants… période la plus stressante !

Qu’est-ce qui pourrait aider la belle-mère à tirer son épingle du jeu ? Quelques principes élémentaires : le soutien et la reconnaissance de son conjoint, de ses beaux-enfants et de la mère de ceux-ci, un climat de savoir-vivre (à défaut de l’aimer, les jeunes doivent la respecter), une communication directe avec ses beaux-enfants, et, bien sûr, du temps de couple avec son amoureux. Sinon, toute la vie devient centrée sur les enfants. Or, il n’y a pas de famille recomposée qui tienne si le couple fout le camp.

* L’émission Banc public, qui aborde les enjeux de société, présentera la réalité des belles-mères avec notamment notre journaliste. Banc public est diffusée le mercredi à 20 h, à Télé-Québec.

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Appel à toutes

Envie de faire avancer la recherche sur les belles-mères ? Vous-même en êtes une ? Le laboratoire de recherche à l’Université d’Ottawa réalise une étude sur l’expérience des mères et belles-mères vivant en famille recomposée, hétérosexuelles ou homosexuelles. Pour participer, contactez Sophie-Claire Valiquette-Tessier à svali071@uottawa.ca

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