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Femmes en politique: ce que font les partis du Québec

Les élections québécoises du 1er octobre seront-elles les premières à être disputées par un nombre égal de candidates et de candidats? La plupart des partis politiques y aspirent. Mais il reste encore quelques obstacles à franchir…

Photo: istock.com/LSOphoto

La commentatrice politique Caroline St-Hilaire est catégorique: pour convaincre une femme de se présenter en politique, il faut se lever de bonne heure! «Les femmes doutent beaucoup et elles ont besoin de l’approbation de leur entourage avant de se lancer», dit-elle. À qui la faute? Entre autres aux normes sociales, juge-t-elle, qui font encore souvent porter les responsabilités familiales en priorité aux femmes. «Le jugement envers les mères politiciennes est bien présent», ajoute l’ex-députée et ex-mairesse de Longueuil, mère de deux adolescents.

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Pour la politologue Chantal Maillé, cela ne suffit pas à expliquer le déséquilibre actuel à l’Assemblée nationale, où moins du tiers des 125 sièges sont occupés par des femmes. Il faut qu’il y ait une volonté claire des partis de leur faire une place. «Regardez ce qui se passe ailleurs dans le monde. Dans les pays qui ont imposé la parité (les pays scandinaves, notamment), les partis n’ont pas de difficulté à recruter des femmes. Et elles ne sont pas moins compétentes», dit-elle.

Il faut surtout les chercher aux bons endroits, croit Esther Lapointe, directrice générale du groupe Femmes, Politique et Démocratie, qui milite en faveur de la parité et offre des formations aux femmes. «Il faut lâcher les boys’ clubs, comme le milieu des affaires, et ouvrir ses œillères. En éducation, en culture, dans le communautaire, il y a des femmes qui gèrent des organisations complètes avec de minuscules budgets. Des gens comme ça, ça fait de très bons députés.»

Les hommes politiques ont leur part de responsabilités aussi, renchérit Caroline St-Hilaire, refusant toutefois de leur faire porter le blâme. «Les chefs de parti sont principalement des hommes, leurs cercles sont très masculins et le premier réflexe est toujours d’approcher des gens qu’on connaît. C’est normal», dit-elle.

Mais un vent de changement souffle. Caroline St-Hilaire, comme Esther Lapointe, le sent bien: cette fois-ci, les formations politiques font vraiment un effort soutenu pour recruter des femmes. Tour d’horizon.

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Québec solidaire, champion incontesté

La parité est inscrite dans la constitution du parti depuis sa fondation, en 2006. Les associations régionales n’ont donc pas le choix: elles doivent s’assurer qu’il y a autant de candidates que de candidats dans les circonscriptions de leur région respective. Les courses à l’investiture sont-elles un frein? Pas souvent, puisqu’elles ne sont pas légion.

Jusqu’à maintenant, le parti respecte sans problème cet engagement et présente plus de 50% de candidates à chaque élection.

«Pour nous aussi, c’est un peu plus difficile, plus long de convaincre les femmes de faire le saut, mais on prend le temps de le faire, dit Nika Deslauriers, présidente de l’exécutif national du parti. C’est carrément dans la culture du parti.»

Elle pense entre autres aux comités de coordination et aux délégations envoyées aux congrès nationaux, où la parité est obligatoire, de même qu’à la présence d’un micro «hommes» et d’un micro «femmes» dans les assemblées. «Ça oblige une alternance de parole, ce qui fait que les femmes sentent d’emblée qu’elles sont écoutées, qu’une place leur est réservée», explique-t-elle.

Coalition avenir Québec, du chemin à faire

Avec ses 6 femmes sur 21 députés, le parti de François Legault est assez loin du seuil paritaire, mais le chef ne compte pas en rester là. L’objectif est non seulement d’atteindre 40% de femmes dans les candidatures, mais aussi dans les élues. Comment s’en assurer? En leur réservant des circonscriptions où la CAQ a le plus de chances de gagner.

Pour atteindre cette cible, le parti s’est doté de moyens concrets. «On s’est dit qu’on ne pouvait pas rester assis les bras croisés à attendre que les femmes viennent à nous. On a donc donné un mandat à une chasseuse de têtes», indique Lise Lavallée, députée de Repentigny qui a le mandat d’accroître le nombre de candidatures féminines dans son parti. Au cours des derniers mois, elle a parcouru le Québec à la recherche de femmes connues et respectées dans leur milieu.

C’est maintenant plus facile de soumettre sa candidature à la CAQ: un lien sur le site web permet de déposer un curriculum vitæ et une lettre d’intention.

La CAQ est le seul parti à ne pas tenir d’investitures et à laisser son chef choisir les candidats, un avantage lorsque vient le temps de convaincre les femmes de faire le saut. «C’est un obstacle de moins. Si j’avais eu à passer par cette étape avant l’élection, je ne pense pas que je me serais lancée en politique», soutient Lise Lavallée.

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Parti québécois, une porte grande ouverte

Les assemblées d’investiture sont dans l’ADN du Parti québécois, mais l’exécutif national n’est pas pour autant dépourvu de pouvoir – il a notamment une influence sur la date des investitures, ainsi que sur le choix des candidats et candidates afin d’assurer une certaine parité à l’intérieur d’une région. «On a déjà refusé une date d’investiture parce qu’on voulait se donner le temps de trouver des candidates», dit Gabrielle Lemieux, présidente de l’exécutif national du PQ.

Elle ajoute que, dans la plupart des cas, il n’y a pas de course. Une seule candidature est présentée.

Le parti mise également sur certaines actions simples afin de favoriser l’arrivée des femmes dans ses rangs, comme l’installation d’une halte-garderie temporaire lors de ses rassemblements, pour faciliter la conciliation travail-famille.

Le parti veut aussi agir sur l’image qu’il projette. «Depuis deux congrès, on a la parité à l’exécutif national (le conseil qui dirige le parti), par exemple. Le fait qu’on a nommé une vice-chef envoie aussi un signal fort», souligne Gabrielle Lemieux.

Parti libéral du Québec, le défi de la vraie parité

Le parti compte présenter 50% de candidates aux prochaines élections, et espère reporter cette proportion dans la quantité d’élus. «J’ai beaucoup moins de difficulté à trouver des candidatures féminines cette année qu’en 2014. Je dois maintenant faire en sorte de les placer dans des comtés prenables», souligne Josée Lévesque, organisatrice en chef de la campagne.

Au Parti libéral, on estime ne pas avoir besoin de mesures particulières pour attirer davantage de femmes. Les méthodes de recrutement habituelles suffisent: soit les intéressées font connaître leurs intentions aux associations locales ou à Josée Lévesque, soit le parti les approche.

«De plus en plus de femmes nous contactent, assure l’organisatrice. Et elles ne manquent pas d’ambition. Certaines s’imaginent très bien occuper un poste de ministre.»

Les aspirantes candidates posent toutefois beaucoup plus de questions que les hommes sur l’emploi du temps et les engagements inhérents au rôle de député, note-t-elle. «Je suis là pour leur répondre. J’ai été chef de cabinet du whip, alors je connais bien les rouages politiques. Mais je ne crois pas que les enfants soient un obstacle, contrairement à ce qu’on entend», dit Josée Lévesque. Elle en veut pour preuve Marie Montpetit, Dominique Anglade et Isabelle Melançon, toutes trois mères de famille… et ministres.

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