Élections fédérales 2015

Justin Trudeau: «Le leadership, ce n’est pas être au sommet de la pyramide»

Droits des femmes, droits religieux (comme celui de porter le niqab), libertés civiles… Châtelaine a discuté de ces questions avec le chef du Parti libéral Justin Trudeau.

Justin Trudeau, du Parti libéral du Canada (illustration: Sabrina Smelko)

Justin Trudeau, du Parti libéral du Canada (illustration: Sabrina Smelko)

Au printemps 2013, Justin Trudeau est devenu chef du Parti libéral du Canada, après la cuisante défaite électorale de Michael Ignatieff. On croyait alors que le vent tournerait pour ce parti. Mais, en dépit de sa popularité dans certains milieux, Trudeau est rapidement devenu la cible de détracteurs ridiculisant son parcours politique, sa jeunesse et son enviable chevelure. Nous avons rencontré M. Trudeau le 26 août dernier, deux jours après l’annulation d’un débat sur les enjeux particulièrement importants pour les femmes.

Tous les partis promettent d’aider les familles de la classe moyenne. Vous souhaitez remanier le programme de Prestations pour les familles. Pour quelles raisons?

Cet été, toutes les familles ayant des enfants mineurs ont reçu la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE). Ma famille se qualifiait pour un montant d’environ 3000 $, même si nous n’en avions pas besoin. Le plan libéral propose une allocation libre d’impôt, versée mensuellement aux familles ayant un revenu annuel inférieur à 200 000 $. Plus faible sera le revenu, plus substantielle sera l’allocation.

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Vous êtes pour les droits religieux, comme celui des musulmanes de porter le niqab, le voile intégral, lors des cérémonies de citoyenneté. Mais vous avez aussi insisté pour que tous, au caucus libéral, appuient l’avortement et le mariage entre personnes de même sexe. Comment conciliez-vous ces deux positions ?

Il y a une maxime qui dit que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Donc, c’est assez simple : si vous représentez le Parti libéral, vous devez défendre les droits des femmes. Je ne dis pas que, comme individu, vous ne pouvez pas être contre l’avortement, mais vous ne pouvez pas voter pour limiter les droits des femmes à cause de vos opinions personnelles.

Parlons de votre appui au Projet de loi antiterroriste (C-51) qui accentue les pouvoirs des policiers et du SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité) sans se préoccuper du respect de la vie privée et des libertés civiles. Pourquoi l’avoir appuyé?

Dans le projet de loi, certains éléments augmentent la sécurité des Canadiens : une meilleure utilisation de la détention préventive et des listes d’interdiction de vol. Par contre, d’autres n’allaient pas assez loin pour garantir une protection des droits et libertés équivalente à l’accroissement de ces pouvoirs. Nous avons pu proposer des amendements qui rendent ce projet de loi moins préjudiciable. Nous nous sommes aussi engagés à mettre en place une supervision adéquate et des dispositions de temporisation et de réexamen.

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Cette décision vous a, cependant, coûté des appuis et probablement des votes.

(Un sondage montre que 77 % des partisans libéraux étaient contre, tout comme 75 % de ceux âgés de 18 à 34 ans.)

Les politiciens sont toujours coincés entre ce qui est politiquement approprié et avantageux et ce qui est responsable et la bonne chose à faire. Nous avons choisi de voter pour un texte législatif imparfait en promettant de réviser la loi après notre élection.

La criminalité est le sujet de prédilection du gouvernement conservateur qui met beaucoup l’accent sur la loi et l’ordre public. En parallèle, de nombreux groupes sont très critiques du travail des policiers. On les accuse de profilage racial et ethnique, de violence envers des personnes atteintes de troubles mentaux et de se traîner les pieds dans le dossier des femmes autochtones. Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer dans ce dossier, compte tenu du fait que le travail des policiers s’effectue le plus souvent à l’échelle locale ?

Premièrement, nous avons la Charte canadienne des droits et libertés et nous devons, en examinant les lois fédérales, nous assurer de ne pas être influencés par le genre et la culture des personnes. Pour moi, un bon exemple, est la loi concernant la marijuana (Loi réglementant certaines drogues et autres substances).

À 22 ans, un an avant son accident de ski mortel, mon frère Michel a eu un accident d’auto. Les policiers ont découvert un gramme de marijuana dans sa voiture et ils l’ont inculpé. Notre père a engagé un bon avocat qui a pu lui éviter d’avoir une condamnation qui l’aurait suivi toute sa vie. Voilà où la loi est foncièrement injuste. Un autre enfant dont les parents n’auraient pas les moyens de cracher de l’argent pour s’offrir un avocat aurait été condamné…

Comment votre gouvernement fonctionnerait-il? Quel est votre processus de prise de décisions sur l’orientation et la ligne de conduite à avoir?

Honnêtement, c’est le style de leadership que j’ai appris de mon père. Il savait réunir des gens brillants et les mettre au défi de trouver de vraies solutions. Il les regardait discuter, ne pas être d’accord et débattre de la meilleure réponse à apporter à un problème, indépendamment de l’idéologie. Certaines personnes admirent Stephen Harper parce qu’il est au sommet de la pyramide. Pour moi, le leadership ce n’est pas ça. Le leadership, c’est inspirer des personnes extraordinaires à s’impliquer et à servir leur pays.

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Ce texte a d’abord été publié sur Chatelaine.

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