À bien y penser

Mesdames les mairesses, chapeau!

Allez, on ne va pas bouder son plaisir : avoir une femme à la tête de Montréal, c’est une jolie manière de boucler la boucle du cadeau que représentent 375 ans d’existence après l’arrivée de Jeanne Mance.

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Elle rayonnait sur scène dimanche soir, cette Valérie Plante que très peu de gens connaissaient il y a quelques mois. Il y avait de quoi: déloger un maire que la politique a fait vedette depuis des décennies, déjouer tous les pronostics des commentateurs et des spécialistes, dépasser la méfiance que lui vouerait le milieu des affaires. En plus, briser un plafond de verre en devenant la première mairesse de Montréal. Ça fait un beau cumul.

Bien sûr, à nouveau, seuls 42 % des Montréalais ont voté. Quel grand mystère que cette manière de tourner le dos aux enjeux locaux et collés à nos vies quotidiennes – et le reste du Québec ne se comporte guère mieux à cet égard.

Bien sûr, les partisans de l’Équipe Denis Coderre, et les membres de cette équipe, sont déçus et sonnés. C’est le dur lot du choix démocratique. Quand cela arrive, il n’y a qu’à s’incliner, à reporter à plus tard le bilan. Hélas, en s’empressant de faire la liste de ses réussites dans son discours de défaite dimanche, le maire sortant démontrait qu’il n’avait toujours pas compris quelle partie s’était jouée à son encontre.

Mais bien sûr, il faut surtout se réjouir du vent de renouveau qui a soufflé sur Montréal comme sur d’autres villes du Québec en ce 5 novembre 2017. À chacun son tour de servir, et que de nouveaux visages surgissent à la tête de Montréal, Sherbrooke, Saguenay, Rouyn-Noranda, Brossard et ailleurs fera du bien.

Valerie Plante speaks to supporters after being elected mayor of Montreal on municipal election night in Montreal, Sunday, November 5, 2017. THE CANADIAN PRESS/Graham Hughes

La Presse Canadienne/Graham Hughes

Comme l’a rappelé Valérie Plante dans son discours de victoire, ce n’est pas vrai que les élections sont une formalité. Cette croix que l’on met sur un bout de papier peut amener des changements que personne ne prévoyait. Et il arrive bel et bien que les nouveaux venus ou éternels perdants qui se butent à des élus qui semblent indélogeables finissent par se faufiler. Un mélange de convictions et d’air du temps, chimie imprévisible qui tout à coup crée la surprise. Tant pis pour les bons conseils de ceux qui savent, eux, comment doivent se mener les affaires de la Cité, la foule décide de plonger, de tenter autre chose et advienne que pourra. Cela donne parfois des résultats catastrophiques (que vos regards se tournent ici vers nos voisins du Sud), mais ce peut aussi être l’occasion d’un vrai rebrassage démocratique (comme l’ont été les grandes réformes menées par le tout premier gouvernement du Parti québécois aujourd’hui tant vantées).

Au Québec, heureusement, il semble que les changements à l’échelle municipale ont été essentiellement portés par des projets d’avenir. Ça nous brasse enfin la morosité ambiante.

Et que parmi tous ces visages du changement il y ait des tas de femmes, élues mairesses ou conseillères, c’est évidemment à applaudir. Pas parce qu’on s’attend à ce qu’elles soient exceptionnelles mais tout simplement parce que la moitié de la population doit être vue jusqu’aux plus hautes fonctions… et qu’on en a soupé de la condescendance. Voyons-y une variante du phénomène #MoiAussi. On sent nettement ces jours-ci une envie collective de laisser les femmes prendre leur place. Il est d’autant plus incroyable dès lors de constater que même en étant gagnante, on peut être accueillie avec mépris. Que disait-il dimanche le maire sortant et défait de Rouyn-Noranda face à Diane Dallaire, toute première mairesse? Une mauvaise surprise, un recul de dix ans, une nouvelle qui n’a aucun contact… Eh ben.

Notons d’ailleurs que jusqu’en ce dimanche soir de novembre 2017, aucune métropole nord-américaine n’avait de femme à sa tête. Aucune! Il y en a maintenant une, et tous les Québécois peuvent être fiers de ce symbole-là, qui n’a rien de la femme-alibi. Valérie Plante a de la détermination, de l’énergie, de l’authenticité et des idées, et cela suffit pour en faire une politicienne aussi solide que tous les hommes qui peuplent cet univers depuis que le vote existe.

La suite relève de la politique, avec ses erreurs, ses coups durs, ses déceptions, et au bout du compte quelques réalisations qui justifient pourquoi quelqu’un, quelqu’une, se lance dans cet univers implacable. Et nous, il nous appartient de surveiller, voire de talonner, tous ces élus, anciens comme nouveaux, messieurs comme mesdames, afin qu’ils et elles n’oublient pas que leur rôle est d’abord de servir la population, et non de quelconques intérêts économiques et partisans. Ce défi-là n’a pas de sexe et il reste le plus grand.

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Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

Josee Boileau credit Annik MH de Carufel

Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres!

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