Projet 97

Pour en finir avec la « porno-vengeance »

Diffuser des photos sexuellement explicites de son ex dans le but de se venger, c’est une des formes les plus brutales d’agression en ligne. Mais une poignée de sites (dont Google, Facebook et Twitter) ont décidé de lutter contre cette forme de « porno-vengeance » (revenge porn).

Photo: istock

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Les ruptures amoureuses ne sont jamais faciles. La plupart des femmes se morfondent en compagnie de leurs meilleures amies et d’un pichet de margarita — du moins, c’est la méthode qui fonctionne pour moi. Mais c’est encore plus difficile pour les femmes victimes de « porno-vengeance » (ou revenge porn) de s’en remettre. Le terme désigne la mise en ligne d’images sexuelles d’une ex, sans son consentement. Un acte humiliant, mais qui peut aussi entraîner de graves conséquences pour la réputation d’une femme et pour sa carrière. Imaginez des photos de vous, nue, circulant à la vue de votre employeur ou du professeur de votre enfant…

Plus tôt cette année, Reddit, Twitter et Facebook ont banni les images pornographiques non consensuelles de leurs sites respectifs, dans le but de freiner ce type d’agressions. Et Google a annoncé qu’une victime de « porno-vengeance » pourra dorénavant demander que ces images soient exclues des résultats de recherche.

Cela ne résout pas entièrement le problème. Google ne peut pas supprimer les images publiées par différents sites Web; il peut seulement les rendre plus difficiles à trouver. Mais ce premier pas est encourageant, et il confirme que le web est un espace parfois périlleux pour les femmes. Si l’absence de règles sur Internet a permis l’essor de la communication et a donné lieu à des possibilités incroyables, elle a aussi fait émerger de sombres courants sexistes, racistes et homophobes. Si vous n’avez jamais été exposé à de tels propos, alors, comme le dit si bien l’humoriste John Oliver, « Congratulations on your white penis. » C’est-à-dire : « Félicitations! Vous êtes l’heureux propriétaire d’un pénis blanc.»

Il arrive à toutes les femmes qui s’aventurent dehors d’être parfois apostrophées par des hommes qui leur crieront « Souris, beauté! » ou leur passeront un commentaire sur leurs « belles boules ». Mais ces commentaires ne sont rien si on les compare à la variété d’agressions qu’elles peuvent subir dans le monde virtuel.

Celles qui osent débattre de sexisme, de racisme ou se prononcer sur un sujet aux connotations masculines (les sports, la musique rock, la politique, les technologies, etc.) sont ridiculisées et même menacées de viol et de meurtre. Rappelons-nous que la journaliste Amanda Hess, du Pacific Standard, a reçu ce gazouillis de la part d’un troll : « Tu vas mourir et c’est moi qui vais te tuer. Je t’en fais la promesse. » Des femmes féministes qui travaillaient dans l’industrie du jeu vidéo ont reçu une série de menaces, assez graves pour forcer certaines d’entre elles à annuler leurs apparitions publiques ou fuir leur domicile. L’auteure Lindy West, qui écrit entre autres pour The Guardian, a même été traquée en ligne par un homme qui usurpait l’identité de son père décédé… Les tentatives pour endiguer ces comportements sont souvent rejetées du revers de la main ou accueillies par des arguments sur la liberté d’expression. Comme si la cyberintimidation était le prix à payer pour exister en tant que femme à l’ère numérique !

Toutes ces formes d’agressions en ligne sont traumatisantes, mais la « porno-vengeance » est probablement la plus pernicieuse, car elle transforme en armes des images prises en toute confiance, dans le but d’humilier une femme qui a une vie sexuelle active. Et si cette dernière s’en plaint, on lui répondra qu’elle est à blâmer elle-même. L’année dernière, des vedettes comme Jennifer Lawrence et Gabrielle Union se sont fait pirater leurs ordinateurs et des photos d’elles nues ont circulé sur le web. Le comédien Ricky Gervais a alors publié ce message Twitter : « Chères stars, rendez la tâche plus difficile aux pirates informatiques en ne mettant pas de photos de vous, nues, sur votre ordinateur. »

Dans un article du Cosmopolitan, la comédienne Gabrielle Union a répliqué. « Je ne peux faire autrement que de me rappeler que, depuis la nuit des temps, les femmes et les enfants, plus particulièrement les femmes de couleur, sont brimés et que le pouvoir qu’ils ont sur leurs propres corps leur est enlevé. Je crois qu’il s’agit ici d’une attaque ciblée, d’un crime haineux envers les femmes. »

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