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Pour Tatiana

Marisa Orsini a raconté dans nos pages l’adoption de sa fille à l’hiver 1991. Vingt-cinq ans plus tard, elle retrace son parcours.

Photo fournie par Marisa Orsini

Photo fournie par Marisa Orsini

Ma fille Tatiana, à la fois douce et forte, sage et enjouée, a 25 ans. Difficile de croire que déjà 25 années se sont envolées. Depuis le jour où, à Bucarest, en Roumanie, on l’a mise dans mes bras, tant de choses se sont passées, comme pour toute famille. Des choses banales aussi bien que des gestes qui influencent le cours d’une vie.

> Pour lire le témoignage de Marisa Orsini publié dans Châtelaine en 1993.

Tatiana et moi avons quitté la Roumanie, où cette histoire d’amour a débuté, et sommes arrivées à Montréal. Walter, son papa et mon conjoint, nous y attendait à bras ouverts avec parents et amis. À l’époque, nous habitions dans le Grand Nord et c’est là que nous avons amené Tatiana. Le Nord, c’était chez nous et Tatiana s’y est bien adaptée. Nous avons pu profiter de notre nouvelle vie familiale dans la tranquillité que cet environnement nous offrait, avec sa flore et sa faune extraordinaires. Ma fille adorait particulièrement les promenades en motoneige et en trois-roues. Elle avait SA montagne et SA plage. Mon «petit phoque» se baignait dans la rivière où flottaient encore des blocs de glace; elle et les Inuits étaient les seuls baigneurs dans cette eau glaciale!

Nous allions régulièrement à Montréal visiter la famille – grands-parents, oncles, tantes, cousins et amis.

On me demande souvent si Tatiana sait qu’elle est adoptée. Oui, elle l’a toujours su, parce que je ne voulais pas que ce soit un choc. Lorsque Tati (comme tous ses amis l’appellent) était enfant, je lui racontais la même histoire chaque soir, celle d’un couple qui s’aimait beaucoup et qui voulait une famille. L’histoire était celle-ci. Un jour, un oiseau est venu parler à la dame, assise dans un parc, et lui a dit: «Il y a une petite fille qui vous attend dans un pays lointain.» Alors la dame est allée en Roumanie et a promis à son amoureux qu’elle ramènerait un bébé aux joues roses. Puis, quand elle l’a trouvé, elle est retournée à la maison et a dit à son amoureux: «Regarde la belle petite fille aux joues roses, elle s’appelle…» et je ne nommais jamais le bébé. Un jour, Tatiana – alors âgée de cinq ans – a complété l’histoire en disant que le bébé s’appelait Tatiana. Elle avait compris, tout naturellement.

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Désormais, elle savait que je ne l’avais pas portée dans mon ventre. Je l’avais portée dans mon cœur. J’aurais aimé revivre cela avec un autre enfant, mais la vie ne me l’a pas permis. Au grand malheur de Tatiana, qui aurait bien voulu avoir un frère ou une sœur. Aujourd’hui elle comble ce besoin avec les belles relations qu’elle a avec ses cousines et cousins.

Nous avons quitté le Grand Nord lorsque Tatiana a eu sept ans.

Elle s’est bien acclimatée au «Sud». Elle avait l’occasion de pratiquer des activités auxquelles nous n’avions pas accès dans le Nord, telles que la natation, la nage synchronisée, le violon et la trompette.

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Photo fournie par Marisa Orsini

Photo fournie par Marisa Orsini

Tout le monde adore Tatiana, on ne peut pas faire autrement. Elle est celle qui écoute, qui aime rire, qui partage. C’est la douce et loyale Tati. Lorsqu’elle a terminé sa cinquième secondaire, elle a obtenu la mention de «personnalité de l’année».

Tatiana aime voyager. Elle est allée à Cuba, en République dominicaine, à Washington, à New York, en Italie, en Suisse… mais le séjour le plus important, c’est celui qu’elle a fait l’été dernier, en Espagne, en Grèce et en Turquie, avec ses amis de toujours. Pendant plus de six semaines, son père et moi avons pu suivre son voyage, qu’elle a bien voulu partager avec nous.

Elle a un grand cercle d’amis et un calendrier social chargé. Elle s’implique dans son association étudiante. Elle organise des sorties avec ses amis d’école, et également avec ses collègues. Tatiana travaille à temps partiel depuis plusieurs années, question de pouvoir payer ses sorties et entretenir son goût du voyage.

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Tati a une passion : la cuisine. Depuis 16 ans, elle suit des cours à l’Académie Culinaire. Pour elle, préparer un repas complet pour 15 personnes est une partie de plaisir.

Tati donne l’impression d’être très sérieuse, probablement à cause de son allure stoïque, mais elle a toujours beaucoup de choses à raconter aux gens curieux de l’écouter. Elle a son petit côté «fou» qui semble sortir de nulle part, mais qui amuse tout le monde. Elle a la sagesse d’une vieille âme et sait s’adapter à toutes sortes de situations et de milieux. D’ailleurs elle se considère comme roumaine par son héritage, québécoise par son milieu, italienne, comme sa maman, et argentine, comme son papa… elle est un caméléon.

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Cette année, elle termine son baccalauréat en développement de carrière, et l’an prochain, elle cherchera un emploi où elle pourra mettre en pratique sa formation. Elle dit qu’elle a choisi cette profession pour aider les gens à trouver leur place sur le marché du travail. Elle est à l’écoute des personnes dans le besoin et son aspiration première est de leur venir en aide.

Le monde s’ouvre à elle! Tati sait ce qu’elle veut, elle établit ses objectifs et fonce. Mon conjoint et moi sommes tellement fiers d’elle. Ses valeurs familiales, ses opinions sur les sujets qui lui tiennent à cœur font d’elle une personne respectée de tous ceux qui la côtoient.

Photo fournie par Marisa Orsini

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Ce survol des 25 années de la vie de Tatiana, je le lui offre avec son père, en tant que témoignage de notre amour envers elle.

Comme nous lui avons toujours dit, «Une chance que nous t’avons trouvée! Sinon qu’aurions-nous fait, sans toi?» Et sa réplique est à tous coups: «Une chance que vous m’avez trouvée!»

À quelques reprises, je lui ai demandé si elle aimerait aller en Roumanie. Il y a quelques années, elle m’a répondu: «Pour quoi faire?» Et dernièrement, elle m’a dit: «Ma vie est ici.»

À ma fille, je veux exprimer que ces 25 dernières années ont été les plus belles. Grâce à elle.

 

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