Reportages

Comment vivre à fond?

Faire fi de ses doutes et tabler sur ses forces pour se permettre de vivre la vie dont on rêve.

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Anick-Marie Bouchard n’a pas attendu d’avoir des REER bien garnis pour s’offrir le monde. À 32 ans, cette globe-trotteuse a déjà parcouru la France, l’Allemagne, la Turquie, l’Écosse, la Norvège, le Royaume-Uni, la Russie, l’Ukraine et le Pérou, simplement en levant le pouce en l’air. Oui, en autostop !

Du cran, elle en a. « Pourtant, je me considère plutôt comme une globe-peureuse », rétorque-t-elle. Sa tactique : bien se préparer et franchir les obstacles un à un. Elle s’informe le plus possible sur sa destination, noue des liens avec des gens sur place et demeure en contact constant avec une communauté d’autostoppeurs et de bourlingueurs.

Pourquoi voyager de cette manière ? Parce que ça ne coûte rien. Et puis, c’est écologique, puisqu’on s’invite dans un véhicule qui est déjà sur la route. C’est aussi un excellent moyen de rencontrer des gens. Finalement, l’autostop fait en quelque sorte partie de ses gènes. « J’ai grandi aux îles de la Madeleine, où le transport en commun est inexistant, explique-t-elle. Si on ne possède pas de voiture, faire du pouce est la meilleure façon de se déplacer. »

Un certain danger existe, c’est vrai. « Il y a des événements que je ne peux contrôler, comme le fait de tomber sur un détraqué, concède-t-elle. Par contre, je peux gérer la façon dont je réagis. » À la moindre allusion sexuelle, elle clarifie les choses. Si on insiste, elle descend.

En Allemagne, elle a été victime d’une tentative de kidnapping. « Par manque de vigilance, j’ai laissé le conducteur s’écarter de sa route », dit-elle. À force de parlementer, elle a réussi à descendre du véhicule. Une fois en sécurité, elle a fondu en larmes. Mais pas longtemps. « J’étais au croisement de deux autoroutes et il fallait bien que je me risque de nouveau ! »

Faire de l’autostop n’est pas plus dangereux que de s’élancer en bungee, selon Anick-Marie Bouchard. De toute façon, elle ne changerait rien à son existence nomade. « Mais il n’est pas nécessaire de risquer sa vie pour vivre intensément, conclut-elle. On peut très bien sortir de sa zone de confort tout en restant chez soi… et en réalisant un projet gratifiant. »

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Micky Wiswedel/Stocksy

La peur, après le plaisir

Prendre des risques. Oser faire ce dont on a envie. Certaines y arrivent, d’autres attendent le moment où leurs craintes disparaîtront. « Mais ce moment n’arrive jamais ! » lance Barb Wallick, coach de l’approche Fearless, inspirée du livre Tremblez mais osez ! (Marabout). Écrit il y a 25 ans par la psychologue Susan Jeffers, cet ouvrage met le doigt sur la plupart des angoisses qui nous paralysent : peur de l’échec, de l’opinion des autres, du ridicule, de mourir… Le livre a connu un succès tel qu’il a donné naissance à des ateliers un peu partout dans le monde. « Tant que vous progresserez, vous aurez la frousse, ajoute Barb Wallick. C’est la façon de gérer cette émotion qui fera toute la différence. »

La plupart des gens qui prennent des risques ont la trouille. C’est normal et même sain. « Cela démontre une capacité d’anticiper et de prévoir les embûches », indique la psychologue Marie-Ève Landry, spécialiste du traitement des troubles anxieux. La différence entre ceux qui osent et les autres, c’est qu’ils passent à l’action malgré tout. Si on a l’impression de faire du surplace ou de mener une vie sans intérêt, on est peut-être minée par un manque de con­fiance. Or, selon Marie-Ève Landry, le meilleur remède, c’est encore de bouger.

« C’est en accumulant les expériences que l’on développe son estime de soi et que l’on diminue ses craintes », dit-elle. Un petit pas à la fois.

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Se donner le droit

Au lendemain de ses 75 ans, la journaliste Michelle Labrèche-Larouche, elle, s’est littéralement jetée dans le vide. Cette grand-maman, jamais vraiment portée sur le sport, avait proposé un reportage sur le saut en parachute à l’émission Alors on jase ! (ICI Radio-Canada). « C’était à la fois un grand rêve et une grande crainte », raconte-t-elle. Avant de sauter, elle a tout de même consulté son médecin. « Je ne voulais pas faire un arrêt cardiaque à 13 500 pieds dans les airs et gâcher la journée de tout le monde », dit-elle avec un rire ­malicieux.

Elle s’est préparée avec une psychothérapeute au moyen d’exercices de visualisation. « Mais au moment de sauter, lorsque je me suis penchée au-dessus du vide, j’ai eu la chienne de ma vie. » Puis, la chute libre à 200 km/h. « Il faut crier ou fermer la bouche pour éviter d’avaler de l’air et de s’étouffer », dit-elle. Le parachute s’est ouvert. Enfin !

« Une fois revenue sur terre, je n’arrêtais pas de remercier tous ceux qui m’avaient aidée à réaliser ce projet, poursuit-elle. Maintenant que j’ai dompté cette peur, je sais que je peux faire face à n’importe quel obstacle. » Son expérience lui a donné des ailes. Michelle Labrèche-Larouche s’est remise à l’écriture d’un roman qu’elle avait laissé en plan.

« Vivre intensément contribue à nous rendre heureux », affirme la psychologue Lucie Mandeville, qui a signé trois ouvrages sur le bonheur. En fait, l’être humain a besoin à la fois de confort et d’intensité. Trop d’intensité peut être épuisant, mais trop d’immobilisme peut se révéler… ­déprimant.

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Geneviève Colmer, une grande rousse de 37 ans, a décidé de sauter dans le vide… professionnel. Après avoir occupé des postes de responsabilité bien rémunérés pendant des années, elle rêvait de fonder sa propre entreprise.

« Toutefois, quand on occupe un emploi exigeant, on n’a guère le temps de réfléchir à de nouveaux projets, dit-elle. On finit par combler son vide intérieur en courant les magasins. » Alors, en mars dernier, elle a donné sa démission. Pour faire quoi ? Elle n’en est pas certaine encore. Être coach dans le domaine du bien-être, peut-être ?

La peur a beau l’asticoter, qu’importe. La vie lui a déjà appris qu’on ne peut pas toujours fermer le couvercle sur une marmite en ébullition. Il y a sept ans, Geneviève avait un boulot à plein temps qui ne la satisfaisait pas et un conjoint qui passait son temps à la critiquer. « J’essayais de me convaincre que j’étais heureuse, dit-elle,  mais j’ai fini par faire un burnout. Jouer un rôle, dans sa vie personnelle et professionnelle, c’est épuisant. » Après avoir quitté job et conjoint, elle s’est sentie beaucoup mieux. Cette expérience lui a servi une belle leçon : il est moins risqué de vivre ses rêves que de tenter de les étouffer.

Alors, face à de nouvelles remises en question, Geneviève n’a pas hésité. Elle participe aujourd’hui à des ateliers de formation, rencontre des gens, demande conseil. Sur son blogue (redfairyproject.com), elle relaie ses découvertes sur le bien-être. Elle a même commencé à enseigner le yoga, qu’elle pratique depuis une douzaine d’années. « Ce travail ajoute une dimension spirituelle qui manquait à ma vie » dit-elle. Sera-t-elle en mesure de payer son hypothèque ? On verra. « Que peut-il m’arriver de si terrible ? S’il le faut, je vendrai mon condo. Je me sens vivante comme jamais. »

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