Entrevues

Sœur Marguerite Rivard: «Les détenues sont négligées.»

La prison Tanguay fermera ses portes en février 2016. Liée à la politique d’austérité du gouvernement actuel, cette décision risque de nuire à la réinsertion des femmes, déplore sœur Marguerite Rivard, qui œuvre auprès des détenues depuis une vingtaine d’années.

Photo tirée du documentaire: Unité 9 le webdocumentaire

Bénévole en pastorale carcérale depuis 25 ans, féministe, sœur Marguerite Rivard est en colère. « Est-ce trop demander d’avoir un établissement conçu spécifiquement pour les femmes et adapté à leur condition ? » Alors que Québec ouvrira quatre nouvelles prisons provinciales pour hommes d’ici 2017, la seule qui était réservée aux femmes disparaîtra en février prochain. Les 240 détenues de la prison Tanguay seront transférées à l’établissement de détention pour hommes Leclerc, à Laval, et logées dans une section à part. (Quelque 84 prisonniers masculins demeureront à Leclerc, tandis que 160 autres seront transférés ailleurs). Si le ministère de la Sécurité publique assure que les femmes incarcérées recevront à Leclerc les services appropriés, sœur Marguerite n’en est pas convaincue. Nous l’avons rencontrée à son bureau, attenant à la chapelle de Tanguay, à Montréal.

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Qu’est-ce qui vous inquiète dans le transfert des détenues à Leclerc ?

La façon dont elles seront traitées là-bas : Leclerc est une prison pour hommes, le personnel a toujours travaillé avec cette clientèle. Seul le tiers du personnel* de Tanguay – formé et habitué au contact avec des femmes – sera muté à Leclerc. Or, on n’intervient pas de la même façon auprès des femmes, surtout que celles-ci ont souvent été abusées par des hommes. De plus, rien ne garantit que les détenues pourront profiter des mêmes activités**, formations et possibilités d’emploi qu’à Tanguay. On veut faire des économies, mais sans penser à long terme.

Le Ministère se dit contraint de fermer Tanguay en raison de sa vétusté et de son manque d’espace…

Ça fait longtemps que Tanguay est en décrépitude, mais il n’y a jamais eu de vraies rénovations. Par contre, plus de deux millions de dollars ont été injectés en 2011 pour l’aménagement d’espaces afin d’accueillir une vingtaine d’hommes qui ne sont même pas restés deux ans. Et s’il y a plus de place à Leclerc, les détenues seront toujours deux par cellule.

Photo tirée du documentaire: Unité 9 le webdocumentaire

Au Québec, en prison, mieux vaut être un homme qu’une femme ?

Contrairement aux hommes, les femmes hésitent souvent à se plaindre de leurs conditions de détention. Et elles sont négligées par les autorités carcérales. Ces femmes si abîmées par la vie n’ont pas, par exemple, accès à un service d’aide psychologique. Elles en auraient pourtant besoin pour pouvoir s’en sortir et reprendre leur place dans la société mieux outillées qu’avant.

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* Le ministère de la Sécurité publique nous indique qu’il est trop tôt pour préciser le nombre d’employés de Tanguay qui seront déplacés à Leclerc. Il confirme par ailleurs qu’une formation sur la spécificité du travail auprès d’une clientèle féminine sera dispensée.

** Le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ) a demandé à l’État québécois d’ajouter des effectifs afin de permettre aux deux clientèles – masculine et féminine – de Leclerc d’avoir accès à des activités socioculturelles, sportives ou éducatives tout en s’assurant qu’elles n’aient aucun contact entre elles.

À DÉCOUVRIR:  le webdocumentaire Unité 9

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