Élections fédérales 2015

Thomas Mulcair: et si le Sénat était… une garderie?

Thomas Mulcair, le chef du Nouveau parti démocratique a accordé une entrevue à Châtelaine. Au menu: le financement de ses promesses électorales, le nombre de femmes au Parlement et son projet chouchou, transformer le Sénat en garderie.

Thomas Mulcair, du NPD (illustration: Sabrina Smelko)

Thomas Mulcair, du NPD (illustration: Sabrina Smelko)

En 2011, sous la gouverne de feu Jack Layton, un NPD revitalisé est devenu, pour la première fois de son histoire, le parti d’opposition officiel. Maintenant dirigé par Thomas Mulcair, le NPD essaie de se positionner comme une option bienveillante, mais fiscalement responsable, aux neuf dernières années de règne des conservateurs. Grâce à cette stratégie, les derniers sondages le mettent au coude à coude avec les libéraux et les conservateurs. Nous nous sommes entretenus avec Thomas Mulcair le 3 septembre dernier.

Depuis 30 ans, à chaque campagne électorale, on nous promet un programme pancanadien de services de garde et pourtant, après chaque élection, on n’en entend plus parler. Pourquoi devrions-nous croire, cette fois-ci, que ce sera différent avec le NPD?

Les libéraux ont été élus à quatre reprises et aucune place en garderie n’a été créée. M. Harper promettait de créer 125 000 places et, finalement, il a réussi à en créer le même nombre que les libéraux : zéro. Nous avons comme objectif précis de fournir un million de places de qualité qui coûteront au maximum 15 $ par jour. Non seulement c’est bon pour les familles et les femmes, mais c’est aussi bon pour l’économie. Au Québec, pour chaque dollar dépensé pour le programme, plus d’un dollar retourne au gouvernement. Je suis sûr que c’est réalisable. Je me souviens de la très juste maxime de Jack : « Ne les laisse pas te dire que c’est impossible. »

En 2005, le gouvernement minoritaire de Paul Martin avait conclu des ententes avec les provinces et le programme national de services de garde était tout près d’être mis en place. Mais Jack Layton a fait tomber le gouvernement….

Les libéraux avaient eu treize ans pour le mettre en place. Ils n’ont pas été exclus du pouvoir à cause du programme de garderies. Ils l’ont été parce qu’ils étaient le gouvernement le plus corrompu de l’histoire du Canada et à cause du programme des commandites grâce auquel ils ont volé des centaines de millions de dollars aux contribuables canadiens.

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Vous avez annoncé, récemment, un plan de 40 millions de dollars pour rétablir les programmes d’amélioration des maisons d’hébergement destinées aux femmes et une stratégie pour contrer la violence envers les femmes. Pourquoi le faire maintenant?

Assez curieusement, les coupes que fait M. Harper s’attaquent souvent à la protection de la population. Nous parlons ici de sommes retranchées à un programme qui couvrait une partie des coûts d’entretien des maisons d’hébergement et qui leur permettait de demeurer en activité. Lors d’une étude, menée un soir en 2014, des maisons d’hébergement ont dû refuser des centaines de femmes et d’enfants. Avec un gouvernement néo-démocrate, cela n’arrivera pas. Il faut aussi se préoccuper du logement social, car c’est souvent l’étape qui suit le séjour en maison d’hébergement.

On a souvent accusé le NPD d’être le parti des promesses coûteuses. D’où proviendra l’argent?

Beaucoup croient que je dois absolument conserver tout ce que M. Harper a fait et que toute nouvelle promesse entraîne une nouvelle source de revenus. Je ne partage pas les priorités de M. Harper. Je vais, par exemple, abolir son plan de fractionnement du revenu qui va coûter des milliards de dollars et qui ne profitera qu’à 15 % de la population, dont quelques-unes des familles les plus riches au Canada. Cet argent sera disponible pour ce que nous proposons.

Vous êtes pour la mise en œuvre immédiate d’une commission d’enquête fédérale sur les disparitions et les meurtres de femmes autochtones. Ne croyez-vous pas que les Canadiens souffrent d’une surdose d’enquêtes? Qu’avez-vous d’autre à proposer?

Il n’y a jamais eu d’enquête adéquate à ce sujet. Il y a un problème sous-jacent de racisme institutionnel dans ce cas. La population de la ville d’Ottawa est comparable à la population autochtone du Canada. Si 1200 femmes avaient disparu ou avaient été assassinées à Ottawa, pensez-vous que nous aurions eu besoin que l’ONU nous presse de faire une enquête? Ça fait longtemps que ce serait fait. Ça reflète le fait que, malgré l’affirmation théorique que tous les Canadiens sont égaux devant la loi, les femmes autochtones ne jouissent pas du même traitement que les autres dans ce pays. Dans les cent jours après la formation de notre gouvernement, nous déclencherons une enquête exhaustive sur ces meurtres et ces disparitions.

Le Forum économique mondial place le Canada à un lamentable 42e rang en terme de représentation féminine en politique, les hommes étant trois fois plus nombreux que les femmes au Parlement.

Nous sommes fiers de la feuille de route du NPD : sur les huit chefs qui l’ont dirigé, trois sont des femmes. En ce moment, notre parti possède le plus grand nombre de femmes élues faisant partie d’un caucus dans l’histoire du Parlement. À ce jour, 43 % de nos candidats sont des femmes; un plus haut pourcentage que celui de n’importe quel autre parti.

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Quels sont les effets concrets de la présence des femmes dans les postes de pouvoir?

Les sujets qui touchent les femmes sont toujours à l’avant-plan au moment de bâtir notre plate-forme électorale, comme des services de garde abordables. Ça se voit aussi par le fait que plusieurs de nos jeunes députées ont eu des enfants au cours de leur mandat. J’ai d’ailleurs un projet très concret : il y a une belle chambre rouge sur la colline du Parlement qui, une fois débarrassée des gens qui l’occupent, fera la plus jolie garderie au Canada.

Le Sénat va devenir une garderie!

Oui! Pour les enfants des milliers d’employés du Parlement et pour les députés. Ce sera la plus formidable des garderies. J’ai bien hâte de couper le ruban.

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Cet article a d’abord été publié sur Chatelaine.

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