L'édito

Travailler, c’est trop dur

Les Québécoises triment fort. Très fort. Ce n’est pas un scoop, me direz-vous. Ce qui est affolant, c’est qu’elles le font au détriment de leur santé.

Des caissières qui passent des heures debout. Des infirmières obligées de faire un double shift. Des employées de bureau assumant le boulot d’un collègue en congé. Des serveuses qui galopent sans arrêt d’un client à l’autre – elles marchent plus vite que les serveurs, c’est prouvé par des études scientifiques !

Les Québécoises triment fort. Très fort. Ce n’est pas un scoop, me direz-vous. Ce qui est affolant, c’est qu’elles le font au détriment de leur santé.

Empilade de roches

Photo: iStock

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Notre journaliste Marie-Hélène Proulx vient de passer des semaines à fouiller le sujet. Et elle est tombée en bas de sa chaise. « Je n’en reviens pas ! Je ne savais pas ça, et pourtant j’ai été spécialisée dans les questions de travail pendant des années… », m’a-t-elle dit en remettant son article.

Ses carnets sont remplis de témoignages poignants, de faits percutants, de données sans équivoque. Elle aurait pu écrire un reportage de 20 pages ! Marie-Hélène a interviewé des tas d’experts et d’expertes. Tous lui ont souligné que la santé des femmes est négligée, voire bafouée, par les employeurs et… par les principales intéressées elles-mêmes. En bavent-elles plus que les hommes ? « Je ne dirais pas qu’elles souffrent davantage, mais que leur souffrance est moins visible », lui a répondu Karen Messing, une grande spécialiste de la santé au travail et professeure émérite à l’UQÀM.

Au milieu des années 1990, l’experte en ergonomie avait été mandatée, avec sa collègue Diane Elabidi, pour analyser un supposé déséquilibre dans le partage des tâches entre les préposés aux bénéficiaires de trois hôpitaux québécois. Une bonne partie du staff était persuadée que les hommes en faisaient plus que les femmes pendant un quart de travail type, en plus de se taper un nombre injustement élevé de besognes classées difficiles – retourner un patient dans son lit ou le transférer sur une chaise, par exemple. Les chercheuses ont donc passé 63 heures à noter avec minutie les activités des uns et des autres, dans le but de suggérer par la suite des solutions. Surprise totale : d’abord, elles ont découvert que les tâches considérées comme exigeantes étaient équitablement réparties entre les deux sexes, mais aussi que les femmes exécutaient beaucoup plus d’opérations à l’heure que leurs confrères !

Pourquoi ? « Parce qu’elles avaient cette perception de “ne pas faire leur part”. Alors, elles redoublaient d’efforts pour que ça ne soit pas injuste envers les hommes », a expliqué la scientifique à notre reporter.

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Les accomplissements des préposés aux bénéficiaires du « sexe fort » étaient reconnus, alors que ceux de leurs collègues féminines passaient inaperçus. Depuis, dans d’autres secteurs d’emploi, des travaux de recherche sont arrivés aux mêmes conclusions.

Il en est de même des difficultés que rencontrent les femmes au travail. Vite banalisées, balayées sous le tapis. À la limite, elles-mêmes disent qu’elles sont « capables d’en prendre ». Jusqu’à ce qu’elles tombent au combat, épuisées, lessivées, anéanties. Ou victimes d’un accident de travail ou d’un infarctus.

Justement, je suis en train d’écrire cet édito en un magnifique samedi… Pardonnez sa conclusion abrupte. Je m’en vais appliquer illico une nouvelle habitude que je vous encourage à adopter : en faire moins.

Je ne dis pas de bâcler, mais de se satisfaire du good enough. Oh ! évidemment que je pourrais fignoler encore un peu ces quelques lignes. Mais je manquerais la baignade de fin de journée…

Bonne rentrée !

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