L'édito

Un prédateur sexuel à la Maison-Blanche ?

Une question me turlupine : comment un prédateur sexuel a-t-il pu se rendre aussi loin et espérer s’installer à la Maison-Blanche ? C’est désespérant. Je ne peux ignorer ce sujet-là.

edito.trump.et.nous.sous.la.ceinture.livre.articleCette course électorale aura eu du bon. Elle aura révélé au monde une Amérique intolérante et misogyne. Dans un crescendo pathétique, Donald Trump aura tout au long de la campagne insulté les musulmans, les Mexicains, les femmes… Des propos incendiaires répétés ad nauseam. Et sans regrets.

Et puis, début octobre, il y a eu LA vidéo – datant d’une dizaine d’années – diffusée par le Washington Post. Trump y déclare que son statut de star lui permet de tout faire avec les femmes, « même de les attraper par la chatte ». On le savait odieux… mais à ce point ? L’entendre s’exprimer ainsi a eu un effet monstre. Des bonzes républicains ont publiquement lâché leur candidat. Des Américaines se sont levées pour témoigner d’agressions sexuelles commises par l’aspirant président. Sur les réseaux sociaux, d’autres leur ont emboîté le pas avec #NotOkay, comme on l’a vu ici il y a deux ans avec #AgressionNonDénoncée.

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Tous ralliés contre la violence sexuelle faite aux femmes ? Ben non. En date du 11 octobre, si seulement des hommes avaient voté, les Américains auraient élu Donald Trump. Si ça n’avait été que des femmes ? Hillary Clinton l’aurait battu à plate couture. « On peut dire que, si Trump est défait, ce sera à cause des femmes qui voteront contre lui », a précisé l’analyste Nate Silver en dévoilant ces résultats.

Ce qui s’est passé au cours des derniers mois aux États-Unis marquera un tournant : la mise au jour de cette culture du viol présente jusqu’au plus haut sommet du pouvoir. Tout ça doit cesser, comme l’a clamé haut et fort la première dame Michelle Obama dans un discours poignant, prononcé il y a quelques semaines.

Ses mots résonnent fort : « Peut-être nous sommes-nous habituées à ravaler ces émotions et à nous taire, trop certaines de ne pas être crues. Ou peut-être avons-nous du mal à croire qu’il y ait encore des gens qui nous considèrent si peu, nous, les femmes. Ils sont trop nombreux ceux qui perçoivent ces événements comme la manchette du jour et voient notre colère comme exagérée. […] Peu importe que l’on soit démocrate, républicain ou indépendant, pas une femme ne mérite d’être traitée comme ça. […] Le moment est venu pour tout le monde de se lever et de dire que ça suffit. Il faut que ça arrête, tout de suite, maintenant. »

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Saluons le courage de celles qui prennent la parole. « C’est toujours un progrès d’en parler plutôt que de garder le silence, de faire passer la honte du côté des agresseurs », a souligné Julie Miville-Dechêne, représentante du Québec à l’Unesco et ex-présidente du Conseil du statut de la femme, dans une entrevue à la radio de Radio-Canada. Elle réagissait ainsi à la série d’agressions sexuelles commises sur le campus de l’Université Laval, à la mi-octobre.

Aussi, encourageons les victimes à porter plainte si elles se sentent assez fortes pour affronter la machine judiciaire – pour les aider, on doit financer adéquatement les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS).

Et à quand des cours d’éducation sexuelle, de la maternelle à l’université ? L’Université Bishop’s, à Sherbrooke, vient d’ailleurs de mettre sur pied un atelier obligatoire sur le consentement destiné à ses étudiants de première année. Nos garçons comme nos filles doivent apprendre le respect et le consentement : non, c’est non et un oui peut devenir un non.

Le corps des femmes n’est pas un bar ouvert où tout le monde peut se servir. Est-ce si difficile à comprendre ?

La culture du viol sévit ici aussi. Elle fait la une des médias, puis disparaît de la place publique pour revenir à la crise suivante. Mais elle est toujours là, rampante, silencieuse et hypocrite. L’enseignante et auteure Nancy B.-Pilon a eu « envie de dire, justement. De crier. De hurler le sujet. » Elle a réuni artistes, auteurs et illustrateurs pour créer l’ouvrage collectif Sous la ceinture. Un bouquin dérangeant, mais combien utile. (Québec Amérique, 19,95 $)

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