Entrevues

Quitter la Syrie: portrait de Yanal Huseen Abazid

Yanal Huseen Abazid, 26 ans, mariée, maman de Lojain Ayman, 4 ans, et Omar Ayman, 2 ans. Arrivée à Granby le 30 mai 2016.

 

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Photo: Maude Chauvin

Son balcon donne sur de grands arbres, comme quand elle habitait Deraa. Une ville entourée de plaines, dans le sud de la Syrie, où les révoltes ont éclaté dans la foulée du Printemps arabe, en 2011. « Au début, on était fiers de la révolution », raconte Yanal en arabe, secondée d’une interprète. « Des jeunes non armés s’opposaient au régime en appelant à des réformes », ajoute son mari Ayman, assis à ses côtés dans leur salon ensoleillé. Peu à peu, le soulèvement a gagné d’autres villes, malgré la répression militaire. La terreur s’est répandue partout. La maison des Abazid a été bombardée.

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Le moment décisif

Dans la rue, Yanal est tombée nez à nez avec des soldats. L’un d’eux lui a mis un pistolet sur la tempe : « On va tuer ton bébé. » Son acolyte a suggéré de la laisser courir en tirant sur elle. Elle a évité les balles de justesse. Une autre fois, c’est Ayman qui a failli périr. « Après ces événements, on a décidé de partir », dit la jeune femme au doux visage. Cachée dans le coffre d’une voiture, la famille a traversé la frontière de la Jordanie jusqu’au camp de Zaatari, au beau milieu du désert. Quinze jours plus tard, des passeurs les aidaient à fuir et à gagner la ville d’Irbid, où ils ont vivoté pendant quatre ans. Yanal et son mari ont eu de la chance : grâce à une lettre du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés attestant leur statut de demandeurs d’asile, ils ont été reçus à l’ambassade canadienne en Jordanie. « Les employés nous traitaient comme des humains », évoque Yanal avec émotion.

Après une entrevue serrée, la famille a été retenue parmi les 25 000 réfugiés syriens que le gouvernement de Justin Trudeau avait promis d’accueillir. « Ce qui a joué en notre faveur, ce sont nos enfants, croit Ayman. Ils couraient partout. À un moment, l’agent s’est impatienté. Je lui ai dit : “Toutes ces démarches, je les fais pour eux.” Il m’a félicité : “Vous avez raison, les enfants sont ce qu’il y a de plus précieux.” »

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Photo: Maude Chauvin

Le grand départ

Le 30 mai 2016, munis des documents officiels nécessaires pour immigrer au Canada, les Abazid se sont envolés vers Montréal. De l’aéroport, un autobus les a menés à Granby, l’une des 13 villes québécoises ciblées par le gouvernement provincial pour l’accueil des Syriens. Tout le personnel était aux petits soins. « Les gens ici sont très avenants ! » s’émerveille Yanal. Solidarité ethnique régionale de la Yamaska (SERY), l’organisme qui facilite l’intégration de ces migrants, les a pris en charge et leur a d’abord fait visiter des appartements.

L’intégration

Leur chez-soi est coquet et bien équipé. Le nécessaire – frigo, cuisinière, literie, vaisselle – est fourni par l’État, qui remet aussi aux réfugiés un montant forfaitaire pour se meubler. Le reste – rideaux, tapis, jouets – provient de généreux dons de la communauté. « On se fait offrir des choses sans qu’on ait besoin de demander », dit Yanal. Au moment de notre rencontre, trois semaines s’étaient écoulées depuis son arrivée. Déjà elle avait exploré les environs avec les billets d’autobus donnés par la Ville et projetait d’aller au zoo avec les enfants.

La jeune femme vient de commencer les cours de francisation, tandis que les enfants fréquentent la garderie. « Si je parlais français, je travaillerais demain matin », lance-t-elle. Ayman, lui, rêve de conduire des camions. Mais le couple souhaite par-dessus tout vivre en paix.

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La ville de Granby a accueilli 68 réfugiés syriens pris en charge par l’État.

 

 

 

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