Culture

Diane Tell : tête-à-tête avec une artiste qui se renouvelle sans cesse

Après l’immense succès de « Si j’étais un homme », l’autrice-compositrice-interprète s’est exilée en Europe, où sa carrière a pris tout un envol. Même si elle vit aujourd’hui en Suisse, Diane Tell est toujours restée proche du Québec. Rencontre avec une artiste qui sait sans cesse se renouveler.

Diane Tell

Photo : Benjamin Decoin

J’aimerais bien partager un repas avec…
Le cinéaste québécois Denis Villeneuve. Il a réussi de très belles choses ici – je pense notamment à Incendies –, mais il a été obligé de partir pour accomplir son art jusqu’au bout. Sa plus récente réalisation, Dune, est magnifique. Il parvient à tourner des films à grand succès en même temps que des productions intelligentes, avec de la profondeur, de l’humanité.

Si je n’avais pas été musicienne, j’aurais été…
Directrice photo au cinéma, justement ! Je réalise tous mes vidéoclips depuis 10 ans, mais je n’ai jamais reçu de formation… Si j’avais le temps, je prendrais des cours. J’adore le cinéma, particulièrement la création d’univers visuels.

On dit souvent de moi que je suis…
Indépendante. Je suis devenue productrice très jeune, de manière instinctive, afin de pouvoir prendre les décisions pour moi-même. C’est quelque chose de courant maintenant, mais en 1983, on ne parlait pas vraiment de ça !

Un mot qui me définit
OK, je dis ce qui me vient spontanément en tête : curieuse ! Par exemple, je n’écoute presque jamais de musique d’une autre époque, à part le jazz. Les bons vieux disques de « quand j’étais jeune », ce n’est pas pour moi. Ça fait partie de mon métier de m’intéresser aux créations des nouvelles générations de musiciens, d’apprendre d’elles et de m’en inspirer.

Une œuvre qui a changé ma vie
Joni Mitchell était pour moi la reine absolue. Elle représentait exactement ce que je voulais devenir dans la vie : une artiste accomplie qui écrit, compose, s’accompagne à la guitare, qui a son propre son et son propre style. Encore aujourd’hui, c’est drôle, j’ai cette attirance pour les artistes féminines… Peut-être parce que je peux davantage m’identifier à elles ?

Un vêtement qui me fait sentir belle
Au début de la pandémie, je me suis mise à faire de la couture, il y avait un modèle de robe assez complexe que je voulais reproduire. J’ai acheté le tissu, mais je n’avais pas la technique pour la confectionner, puis j’ai rencontré une couturière avec qui ça a été le déclic. Depuis, elle crée mes robes de scène, mes manteaux… Voilà ce qui me fait sentir belle et me ravit : le vêtement sur mesure. On sous-estime l’importance d’un tissu de qualité, de la matière première, de la coupe. Il faut préserver l’artisanal. Un vêtement cousu à la main, tu le gardes toute ta vie !

Ce qui me fait éclater de rire à tout coup
Ah, Marc Labrèche ! Je le trouve à mourir de rire chaque fois que je vois l’une de ses vidéos. Elles sont toutes drôles ! Lui, ç’en est un autre avec qui j’aimerais souper…

Si j’étais un personnage de fiction, je serais…
Je suis déjà un peu un personnage de fiction. Parce que Diane Tell n’est pas exactement Diane Fortin [NDLR : son vrai nom]. On m’associe à mon succès « Si j’étais un homme », sorti en 1980. On me voit comme une féministe, une romantique. Il y a toutes sortes de choses dans l’imaginaire des gens ! Alors je dirais : la psychanalyste et femme de lettres Lou Andreas-Salomé, sur qui j’ai déjà écrit une chanson. Une muse, une personne qui a croisé dans sa vie des hommes très talentueux, des philosophes, des artistes… J’aimerais devenir un instant cette femme qui donne envie aux hommes d’accomplir plein de choses ! [Rires]

La cuisine que je préfère
J’aime les bons ingrédients, la cuisine simple. Un plat de pâtes, par exemple, avec une bonne huile d’olive et de la tomate qui goûte la tomate.

Un projet que j’aimerais réaliser
Créer une ligne de vêtements. Composer de la musique pour un film, aussi. Car une chanson, c’est trois ou quatre minutes, alors qu’au cinéma, l’histoire à raconter est plus longue.

Un événement marquant dans ma vie
Quitter le Québec pour vivre en Europe après avoir connu un grand succès. Bien sûr, le succès, c’est une chose qui apporte beaucoup. Il te permet ensuite de caller les shots ! Mais pour te réaliser, pour évoluer, c’est autre chose. Ça ne se fait pas en nombre de « j’aime » ou d’entrées… Il faut souvent provoquer un changement de territoire, de style, de domaine. À chaque album, je ne me dis pas : qu’est-ce que le public attend de Diane Tell ? Mais plutôt : qu’est-ce qui me stimule, qu’est-ce que j’ai envie de faire de nouveau ?

Un lieu qui me ramène à mon adolescence
C’était plus au début de l’âge adulte. Je me souviens de boutiques de disques comme Phantasmagoria, à Montréal, avec son décor psychédélique. On pouvait y passer un après-midi complet à choisir des disques avec 20 dollars en poche. La culture de la musique était différente : elle n’était que sur disque et non pas partout en vidéos sur YouTube, en playlist avec des artistes variés. Notre attention n’était pas démultipliée comme aujourd’hui.

Une artiste que j’aimerais faire découvrir
Belle Grand Fille, qui était nommée en 2021 pour la première fois au gala de l’ADISQ. C’est tellement frais, ce qu’elle fait, avec une belle démarche. Le genre de fille qui arrive dans un band et qui peut demander ce qu’elle veut.

J’aimerais que les gens se souviennent de moi comme de quelqu’un…
D’aussi exigeant envers moi-même qu’envers les autres.

J’aime mon métier pour…
La créativité. Ce matin, mon éclairagiste m’envoyait des photos et il y en avait une avec cette phrase : « Créer, c’est vivre deux fois. » Vivre doublement. Moi, je vis doublement grâce à ça.

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