Maquillage

Parfums d’étoffes

Gros plan sur des odeurs à porter.

 

La parfumerie se situe à mi-chemin entre mode et beauté. À preuve, les créateurs de fragrances multiplient les références aux matières textiles. Gros plan sur des odeurs à porter. 

Les fragrances ne se vaporisent plus, elles se portent. Surtout quand elles sont baptisées Jersey de Chanel, Ambre Soie d’Armani Privé, Cashmere Mist de Donna Karan ou Organza de Givenchy. Si, autrefois, la parfumerie était la chasse gardée des religieux, des médecins et des alchimistes, les temps modernes ont vu cet art récupéré par des maîtres gantiers, des maisons de beauté, de couture et, plus récemment, par des stars. Aujourd’hui, la majorité des parfums à succès portent l’étiquette d’une marque ou d’un créateur de mode. Pas étonnant que ceux-ci, d’abord inspirés par les tissus, mettent en marché des effluves qui évoquent la matière première avec laquelle ils travaillent au quotidien.

Mais ce n’est pas d’hier qu’on tente d’embouteiller l’idée d’une fibre ou d’un tissu. Déjà, en 1904, Guerlain conçoit l’un des tout premiers parfums masculins, Mouchoir de Monsieur. Puis en 1925, Jean Desprez crée le classique Crêpe de Chine, un chypré totalement tendance à l’époque.

Organza Lace Edition, Les Parfums Couture de Givenchy, 125 $, à La Baie. Suede de Michael Kors, 90 $, chez Sephora et sur sephora.ca. Cashmere Mist de Donna Karan, 125 $, dans les grands magasins. Jersey, Les Exclusifs de Chanel, 145 $, à la boutique Chanel chez Holt Renfrew à Montréal. Silk Jasmine, Boss The Collection d’Hugo Boss, 184 $, chez Holt Renfrew et dans les boutiques Boss. Angel, Les Parfums de Cuir de Thierry Mugler, 106 $, à La Baie et chez Ogilvy, Murale, Jean Coutu et Pharmaprix. Ambre Soie d’Armani Privé, 235 $, chez Holt Renfrew.

« À la fin du 19e siècle, l’arrivée de molécules de synthèse élargit la palette du parfumeur grâce à des notes inédites comme la coumarine et les aldéhydes », explique Isabelle Michaud, l’un des rares nez québécois, créatrice des parfums Monsillage (monsillage.com). « Ces odeurs fabriquées par des chimistes, jumelées aux notes traditionnelles, procurent des outils pour créer des effets. C’est à cette époque qu’on voit apparaître des parfums abstraits, plus figuratifs (loin des élixirs formulés autour d’une seule fleur, comme la rose). Les parfumeurs se permettent depuis des effets de style, des déclinaisons olfactives autour d’un concept, d’une histoire. »

Les textiles n’ont pas d’odeur à proprement parler. À part le cuir, dans une classe à part, inutile de humer la soie, le coton ou l’organza. Et c’est là tout l’intérêt, puisqu’on laisse libre cours à l’interprétation. Ce que l’on veut évoquer en les utilisant comme inspiration c’est un effet de matière, une impression tactile, un sentiment de confort, de chaleur ou de luxe, parfois même un pan de l’histoire. C’est le cas du cachemire, cette fibre infiniment soyeuse qui arrivait jadis par bateau depuis l’Inde. « Pour éloigner la vermine, raconte l’experte en parfum, on tapissait les malles de transport de feuilles de patchouli. L’odeur imprégnée dans le cachemire était à l’époque une garantie d’authenticité pour cette fibre haut de gamme. Il n’est donc pas rare que les parfums qui veulent rappeler le cachemire contiennent une facette patchouli, terreuse et épicée. Mais on voudra aussi traduire la douceur douillette que procure cette fibre avec des notes veloutées et crémeuses, comme le bois de santal et des muscs. »

Même chose pour un parfum qui fait allusion à la soie. On cherche parfois à représenter l’origine de cette matière noble, dont les Chinois ont longtemps gardé jalousement le secret de fabrication. Silk Jasmine est l’un des cinq parfums masculins de la ligne BOSS The Collection d’Hugo Boss, une gamme qui interprète l’essence de belles étoffes. Le concept ? Chaque tissu est jumelé à une note olfactive (Cotton Verbena, Wool Musk, Velvet Amber, Cashmere Patchouli), une fusion née d’une histoire commune. Ainsi, pour traduire l’opulence de la soie, le nez d’Hugo Boss a sélectionné le jasmin, une fleur cultivée sous plusieurs dynasties dans les jardins royaux de Chine. Du côté d’Ambre Soie d’Armani Privé, un parfum unisexe construit autour de l’ambre et du patchouli, on évoque la route de la soie avec des épices comme le gingembre chinois, la cannelle et le clou de girofle.

Un oriental floral chic, à porter en toute occasion. La petite robe noire de Guerlain, 68 $, aux comptoirs Guerlain. Une odeur de propre et de frais comme ce t-shirt familier au sortir de la machine à laver. Cotton T-Shirt de Clean, 74 $, chez Sephora et sur sephora.ca. Un sillage vert et poudré, féminin et sexy. Bas de soie de Serge Lutens, 110 $, chez Ogilvy.

L’art et la matière
Pour formuler Jersey, le parfumeur Jacques Polge s’est intéressé à la texture de l’étoffe elle-même, mais surtout à ce que celle-ci représente pour la maison Chanel. Le jersey de coton, matière autrefois réservée aux sous-vêtements pour hommes, a gagné ses lettres de noblesse grâce à Coco Chanel, qui l’a détourné de son utilisation première pour en faire des tenues raffinées pour femmes. Dans les années 1920, il fallait être visionnaire… Le parfumeur a donc appliqué la méthode Chanel et associé ce tricot à la lavande, une fleur très utilisée en parfu­merie masculine. « La lavande est aux Européens ce que le citron est pour nous en Amérique. Elle évoque le propre, le linge frais, la lessive. C’est pour cela qu’on la trouve dans des parfums construits autour de l’idée du coton », dit Isabelle Michaud.

Pour souligner 20 ans de parfumerie, la maison Thierry Mugler vient de lancer Les Parfums de Cuir, une collection qui réinterprète ses fragrances-cultes en infusant chacun des jus pendant un mois avec du cuir brut. Résultat ? Angel, Womanity, Alien et A-Men se révèlent différemment, avec une facette beaucoup plus charnelle, plus animale. Dans le même esprit, la collection Les Parfums Couture Lace Edition de Givenchy revisite trois parfums féminins emblématiques de la maison en les habillant de dentelle. Le classique Organza, un oriental floral lumineux et féminin qui évoque la mousseline légère utilisée en haute couture, est ainsi paré de plus de sensorialité et de mystère grâce à des accents de gardénia et de vanille noire.

Incarner l’aspect particulier d’une é­toffe dans un pschitt de parfum n’est donc pas mission impossible. C’est toutefois une pure interprétation d’un parfumeur, que l’on renforce à grands coups de marketing et de publicité. « On demanderait à 20 nez de formuler une fragrance autour de la laine qu’on aurait 20 déclinaisons différentes. Mais il y a fort à parier que chacun aurait recherché des notes ambrées ou boisées pour représenter la chaleur, et des notes épicées pour traduire l’aspect rugueux et légèrement piquant de la fibre », note Isabelle Michaud.

Et notre nez à nous peut-il discerner toutes ces subtilités à l’aveugle ? « Je suis persuadée que la plupart des gens arrivent à percevoir les textures et qu’ils peuvent aussi distinguer, par exemple, des notes chaudes et froides. Mais j’avoue que même les odorats les plus entraînés ont besoin de l’imaginaire créé autour d’une fragrance pour en saisir toutes les facettes. La parfumerie est un art de rêve et de fantaisie », conclut la spécialiste.

Défilé de parfums
Imprimés et détails d’une collection mode peuvent mener à un parfum. À l’inverse, une fragrance-culte peut inspirer un créateur.

Dot de Marc Jacobs
« Jamais je ne me lasserai d’interpréter les pois dans mes collections », lançait récemment le designer américain Marc Jacobs à propos de son motif fétiche. Il n’en fallait pas plus pour créer un parfum à son effigie. Dot (pois en français) est un parfum bucolique qui mise sur les baies rouges et le chèvre­feuille. Son flacon singulier, qui représente une cocci­nelle, est un objet d’art en soi. Il est inspiré par sa collection automne 2011. 79 $, dans les grands magasins, les pharmacies et chez Sephora.


STELLA The Print Collection de Stella McCartney
La fille de Sir Paul a de la suite dans les idées. Depuis l’an dernier, elle trace un trait d’union entre ses vêtements et ses parfums avec la gamme The Print Collection. Après les fleuris vintage de l’an dernier, ce sont les étoffes parsemées de figures géométriques qui habillent maintenant une série de trois flacons graphiques de son eau de parfum signature Stella. À défaut de se payer une robe signée par la créatrice, on se tourne vers cette eau de parfum de collection qui fleure bon la rose. 52 $, à la Baie, chez Sephora et Holt Renfrew.

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