Ma parole!

Quand j’aime une fois…

«Je me suis demandée si je n’étais pas en train de devenir la copie de ma mère.» Les goûts de Geneviève Pettersen ont bien changé avec le temps.

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Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais il y a une foule de choses que je détestais petite et que j’adore aujourd’hui. Par exemple, le boudin ou le jambon à la bière. Quand, en arrivant de l’école, je comprenais qu’on allait manger un de ces deux plats-là pour souper, je frôlais la dépression nerveuse. Je feignais un mal de ventre, un mal de tête fulgurant, voire une intolérance alimentaire soudaine, pour que ma mère, dans sa bonté d’âme, accepte de me préparer un autre repas. Un spaghetti, de préférence. Même scénario quand l’envie lui prenait de mitonner un rôti de palette ou un pâté au saumon. Si j’avais pu me cacher sous la table de la cuisine pour me sustenter de pâtes à l’infini, je l’aurais fait.

Loving mother cuddling with her daughter in a hammock outdoors

Photo: iStock

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L’ironie, c’est que, quand j’ai quitté la maison de mes parents pour m’installer dans la grande ville, l’envie de ces plats honnis de mon enfance m’a comme pognée. Tout à coup, j’aurais tué pour un rôti de palette mijoté dans le creuset familial. C’est pas mêlant, j’étais prête à toutes les bassesses pour obtenir la recette de maman : une grosse bière, un peu, beaucoup de moutarde forte, un oignon espagnol et une feuille de laurier, si vous voulez tout savoir. Mais je n’allais quand même pas l’appeler pour la lui demander. Que non ! J’étais bien trop orgueilleuse pour lui avouer que je mourais d’envie d’avaler un truc que j’avais eu en horreur les 18 années précédentes. Alors j’improvisais. Je me précipitais à la boucherie la plus près, ignorant complètement dans quelle partie se trouvait la palette, mais bien déterminée à venir à bout de ce morceau de bœuf pour le souper. Mon rôti n’était pas aussi réussi que l’original, mais il avait le goût de mon ancienne vie, et c’était bien assez.

Il n’y a pas qu’en cuisine que mes préférences se sont transformées. Dans les choses que j’aime faire, il y en a tout un tas que je haïssais avant… Je me rappelle que ma mère aimait m’emmener dans le Vieux-Québec pour me traîner dans ses boutiques préférées et, surtout, dans celle où on vend des milliers de décorations de Noël à l’année. Je soupirais et j’attendais que ça passe. Je trouvais ces petites virées mère-fille plates à mourir. Eh bien, savez-vous où je suis allée la première fois que j’ai visité le Vieux-Québec avec ma plus vieille ? Dans mes boutiques préférées… et dans celle de Noël, en particulier. Et le pire, c’est que le temps des fêtes, je n’aime même pas ça tant que ça. Alors j’imagine que j’ai calqué l’itinéraire de ma mère dans un genre d’automatisme empreint de nostalgie pour que ma fille puisse pousser des soupirs à son tour aux endroits mêmes où j’avais envie de me défenestrer 15 ans plus tôt.

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Je me pose souvent des questions sur mon rapport aux choses que je détestais et que j’adore aujourd’hui. Je me suis aussi demandé si je n’étais pas en train de devenir la copie de ma mère. Ce ne serait pas bien grave, remarquez. J’en suis venue à la conclusion que si j’aimais reproduire à l’âge adulte et avec mes propres enfants des trucs que je haïssais avant, ça devait être parce que ça me rassurait. Que si je cuisinais les mêmes plats que ma mère, si j’allais dans les mêmes boutiques, si je chassais et pêchais comme elle, c’était pour me rassurer, m’assurer de quelque chose. Quelque chose comme la suite du monde.

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

 

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