Gaby Mammone s’inquiète de l’évolution de sa sclérose en plaques (SP). Elle qui avait l’habitude d’écouter de la musique en travaillant a maintenant besoin d’un silence absolu. Elle a toujours aimé écrire, mais depuis peu, elle se surprend à fixer les mots qu’elle vient de taper en se demandant s’ils ont un sens. « Cela ne m’était jamais arrivé auparavant », explique-t-elle.
Cette entrepreneuse de 48 ans, directrice de l’exploitation et mère de deux enfants, a reçu un diagnostic de sclérose en plaques récurrente-rémittente (SPRR) à 30 ans, mais ses premiers symptômes – fourmillements dans les mains et les pieds, incontinence, vertiges, perte de la vision périphérique – étaient apparus dans la vingtaine. Elle a appris à composer avec ses symptômes physiques, mais les symptômes cognitifs sont plus récents.
Au Canada, environ 90 000 personnes (soit une personne sur 400) vivent avec la SP, qui attaque la couche protectrice entourant les fibres nerveuses du cerveau et de la moelle épinière. Bien que les changements cognitifs concernent plus de la moitié des personnes atteintes, ils sont plus susceptibles de se manifester plus tard dans la SPRR. Ils sont alors souvent le signe d’une évolution de la maladie vers une phase appelée sclérose en plaques progressive secondaire (SPPS).
En général, cette phase chronique se caractérise par une aggravation progressive de la maladie, des poussées moins nombreuses et des dommages neurologiques entraînant une invalidité graduelle. Il peut y avoir des poussées occasionnelles, des périodes de rémission mineures et des plateaux. Quant aux symptômes cognitifs, même s’ils peuvent détériorer nettement la qualité de vie, les relations, les activités et la vie professionnelle de la personne atteinte, ils ne font malheureusement pas l’objet de discussions ni d’une évaluation systématique.
Selon la Dre Tara Lad, neurologue de la région de Hamilton/Burlington, en Ontario, qui s’intéresse particulièrement à la SP, cette relative absence d’intérêt pour les symptômes cognitifs – comme la difficulté à effectuer plusieurs tâches à la fois ou à se concentrer durant une réunion – s’explique en partie par le fait que les symptômes peuvent être subtils et donc difficiles à observer. « Un patient m’a dit qu’il n’arrivait pas à comprendre un nouveau système électronique au travail, qu’il ne s’y retrouvait tout simplement pas. » Les personnes atteintes peuvent également avoir de la difficulté à planifier, à établir des priorités et à trouver leurs mots.
Souvent, explique la Dre Lad, les premiers à remarquer ces symptômes sont des amis ou des membres de la famille. « Les personnes consultent pour un problème physique, mais les problèmes cognitifs ne sont pas abordés, parce qu’elles ne réalisent pas que ceux-ci sont peut-être attribuables à leur SP », dit-elle, ajoutant qu’il est essentiel d’effectuer un suivi de tous les symptômes dès leur apparition, pour mieux les gérer. « Chaque fois que nous prévenons une poussée, nous empêchons que la détérioration se poursuive, dit-elle. Et plus tôt nous empêchons cette détérioration, plus les personnes atteintes ont de chances d’avoir une bonne qualité de vie et une invalidité minimale au fil du temps. »
Heureusement, il y a des plateformes comme JeDécide.ca qui facilitent le suivi des symptômes grâce à un questionnaire et à des rappels. C’est lors d’une visite chez sa neurologue que Gaby Mammone a réalisé l’importance de faire le suivi de ses symptômes : pendant son rendez-vous, elle a été incapable de se souvenir du moment exact où ses poussées étaient survenues et de tous ses symptômes. « J’ai compris que je devais mieux me préparer, dit-elle. Maintenant, je note mes symptômes quand ils surviennent, de sorte que si j’ai une poussée, je peux y revenir et me rappeler ce qui s’est passé juste avant. J’ai commencé à observer des constantes, comme une augmentation du stress avant les poussées, alors maintenant, je sais que je dois éviter les situations stressantes. »
Pour s’adapter à ses symptômes cognitifs, Gaby Mammone enregistre désormais ses réunions afin de pouvoir les réécouter plus tard. Pour mémoriser les exposés qu’elle présente à titre de porte-parole d’un organisme de sensibilisation, elle s’appuie sur des images mentales. « Mes symptômes cognitifs m’ont forcée à m’adapter, mais je ne me concentre pas sur le déclin, plutôt sur ma capacité à le gérer. Je ne laisserai pas la SP me freiner dans la poursuite de mes objectifs. »
La maladie n’évolue pas de la même façon pour toutes les personnes atteintes, explique la Dre Lad. C’est pourquoi il est primordial de faire le suivi de ses symptômes et d’établir une solide relation avec son équipe soignante.
Malheureusement, à cause de la pandémie qui a entraîné l’annulation de rendez-vous en présentiel et nui aux diagnostics, de nombreux patients trouvent difficile d’entretenir une véritable collaboration avec les équipes soignantes. Mais il demeure important de continuer à surveiller le bien-être des personnes atteintes et de poursuivre le dépistage et les bilans de santé en personne, car la maladie ne s’arrête pas pour les personnes qui vivent avec une forme progressive de la SP.
Gaby Mammone et la Dre Lad voient toutes deux avec optimisme l’avenir des personnes atteintes de SP. « Les perspectives sont bien différentes de ce qu’elles étaient il y a 20 ans, observe la Dre Lad. Nous abordons la maladie différemment. Il se fait beaucoup plus de recherche sur l’amélioration de la qualité de vie et la façon de ralentir la progression de l’invalidité. »
La recherche mise également sur l’utilisation de biomarqueurs (paramètres biologiques mesurables dans l’organisme) pour mieux comprendre la SP, son évolution et la réponse aux traitements. On étudie entre autres les biomarqueurs de mouvements oculaires et de la cartographie du regard, on mesure les neurofilaments du liquide céphalo-rachidien, et on utilise l’imagerie par résonance magnétique pour déterminer les sous-types de lésions cérébrales.
Comme porte-parole de la Société canadienne de la sclérose en plaques, ce que Gaby Mammone préfère, c’est entendre les gens lui dire qu’elle les aide ou les inspire. Elle confie que son attitude positive la sauve au jour le jour, surtout maintenant qu’elle doit affronter des symptômes cognitifs de la maladie. « Toute personne qui vit des difficultés peut se réveiller en se disant : “Ce ne sera pas une bonne journée.” Mais c’est précisément ainsi qu’elle s’assure de passer une mauvaise journée, affirme Gaby Mammone. Moi, je me lève chaque matin avec un sentiment de gratitude. Je sais que ma vie ne sera pas forcément écourtée, mais différente. Ce que je dois faire, c’est veiller à vivre cette différence le mieux possible. »
Pour en savoir plus sur les symptômes cognitifs (et physiques) de la SP, visitez JeDécide.ca et accédez au Questionnaire Votre SP, qui vous aidera à faire le suivi de vos symptômes.