Ma parole!

De l’importance des pères

Les pères sont-ils des parents de seconde zone? L’idée est plus répandue qu’on ne le pense, écrit Geneviève Pettersen.

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L’autre jour, j’ai vu un documentaire bouleversant. Papa est là, de la réalisatrice Johane Bergeron, raconte l’histoire de pères qui se sont fait enlever leurs enfants par leur conjointe. L’une est partie au Mexique avec son fils et n’est jamais revenue, l’autre a emmené son petit en Argentine en catimini. Thomas, un photographe qui s’est vu priver de son fils Diego, a décidé de tirer le portrait d’autres pères victimes, comme lui, d’un enlèvement parental au féminin. Il nous présente des hommes qui ont en commun le souhait de renouer avec leur progéniture, mais qui se butent à une bureaucratie insensible à leur condition. En les suivant de près dans les dédales administratifs de leurs quêtes respectives, on se rend compte d’une chose : le vrai obstacle que ces hommes ont à surmonter, c’est l’idée que la mère est plus importante que le père dans la vie d’un enfant.

À lire: Papa est là, ou l’enlèvement parental vécu par les pères

« Les enfants, surtout en bas âge, n’ont pas vraiment besoin de leur père », m’a déjà dit une femme dont je respecte pourtant beaucoup l’opinion en temps normal. J’étais alors en pleine séparation et je m’apprêtais à accorder la garde partagée à mon ex. En parlant avec mon entourage et en visitant des forums de discussion con­sacrés à la question, j’ai vite compris que cette façon de penser était largement répandue. Peu de femmes étaient ouvertes à cette idée de temps partagé également entre les deux parents. Il était clair pour elles que la mère savait mieux comment prendre soin de son bébé. C’est elle qui le connaissait le mieux et, pour cette raison, elle était la seule personne avec qui il devait passer tout son temps. Comme si le père avait moins de droits que la mère, comme si l’homme devait prouver qu’il possède les qualités requises pour exercer son droit le plus fondamental. Ça m’avait soufflée.

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Photo: We are Sisu / Stocksy

J’avoue m’être souvent sentie plus importante que mon mari aux yeux de mes petits. Après tout, c’est moi qui les porte et qui les nourris au sein pendant des mois. Cela m’accorde-t-il d’emblée une supériorité auprès de nos rejetons ? Eh bien non. Il est certain que les hommes sont physiquement dépourvus quand vient le temps de porter et d’allaiter un nouveau-né. Ce pouvoir nous appartient à nous et à nous seules. Cependant, c’est ici que notre « suprématie » s’arrête. Et encore. La préparation pour nourrissons accomplit des miracles pour ces pères qui se ramassent seuls avec leur bébé ou pour les femmes qui ne désirent pas allaiter.

Je ne sais pas pour vous, mais je suis intimement convaincue que le papa de mes enfants est aussi important que moi dans leur vie. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il ne saurait pas se débrouiller si je disparaissais du portrait. L’idée de m’enfuir avec la chair de ma chair et d’envoyer un courriel pour dire à mon mari que je ne reviendrai pas, comme l’a fait une femme dans le documentaire, relève de la science-fiction. Et pour ce qui est de l’insignifiance du père durant la petite enfance, permettez-moi de rire. Je le trouve pas mal important moi, mon chum, quand il change les multiples couches, berce, lave, console et fait briller la maison pendant que je suis prisonnière de mon fauteuil d’allaitement. Sa présence est essentielle quand l’aînée a besoin de se faire expliquer son devoir de mathématique ou lorsque la plus jeune s’égratigne le genou dans la ruelle. Je ne peux pas m’imaginer élever mes enfants sans leur papa. Et même si je sais que beaucoup de femmes, par choix ou non, le font chaque jour, je trouve qu’il est quand même plus facile de vivre à deux l’aventure de la parentalité. N’en déplaise à celles qui prétendent que les pères sont des parents de seconde zone.

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

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