Famille tout compris

Sexistes, les commentateurs sportifs?

Pourquoi parle-t-on moins des exploits féminins et que certains journalistes et commentateurs ont des propos sexistes, quand vient le temps d’analyser les performances des femmes aux JO? Marianne Prairie a creusé la question.

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Suivez-vous les Jeux olympiques de Rio? Au moment où j’écris ceci, toutes les médailles remportées par le Canada l’ont été par des femmes (bravo!). Mais les athlètes féminines de tous les pays ont beau se démarquer par leurs performances exceptionnelles, certains médias semblent parfois oublier qu’ils sont là pour commenter et analyser leurs exploits sportifs.

En effet, la première semaine des Jeux n’est même pas terminée que l’on a déjà eu droit à quelques bévues monumentalement sexistes de la part de certains journalistes. Peut-être les avez-vous vu passer sur le web? Elles ont été partagées maintes fois sur les réseaux sociaux. Désormais, aucun traitement inéquitable des médias ne peut passer sous le radar. Mouahahahaha! En voici deux qui méritent de monter sur le podium de l’inégalité des sexes.

D’abord, après la course exceptionnelle de la nageuse hongroise Katinka Hosszú où elle a fracassé le record mondial du 400 mètres 4 nages individuel par plus de deux secondes (!!!), le commentateur de NBC Dan Hicks s’est écrié en voyant l’entraîneur (et mari) de la nouvelle médaillée d’or à l’écran : « Et voici l’homme responsable! »

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Également, le Chicago Tribune n’a pas jugé bon de mentionner le nom, la discipline ou la précédente médaille olympique de l’Américaine Corey Cogdell-Unrein sur Twitter lorsqu’elle a remporté le bronze au tir. Le journal a simplement écrit : « La femme du joueur de ligne des Bears (le club de football de Chicago) gagne une médaille de bronze à Rio aujourd’hui. »

(Petite parenthèse : pendant la journée, j’écoute d’une oreille distraite les compétitions de Rio 2016 à la télévision de Radio-Canada et aucun commentaire sexiste ne m’a encore fait friser les oreilles. Est-ce que j’ai manqué quelque chose ou nos commentateurs sont particulièrement sensibilisés au double standard dans le sport?)

Si vous pensez que ces deux évènements sont anecdotiques et sans lien entre eux, détrompez-vous. Une toute nouvelle étude de la Cambridge University Press s’est penchée sur le langage que les médias et les partisans utilisent pour parler des athlètes féminins et masculins. Je vous vends le punch : le sexisme dans le sport de haut niveau est comme le chantait Gerry Boulet, toujours vivant.

Photo: Presse canadienne

Photo: Presse canadienne

Comme c’était le cas avec la grande enquête de L’actualité sur le sexisme à l’Assemblée nationale dont je vous ai parlé dans mon dernier billet, un programme informatique a fouillé et analysé une immense base de données de mots tirés de sources aussi diverses que des articles de journaux, des médias sociaux et des forums en ligne traitant de sports. Cette fois, ce sont quelque 160 millions de mots tirés du Cambridge English Corpus (CEC) et du Sports Corpus qui ont dépouillés.

Les résultats prouvent que les athlètes féminines sont loin d’avoir le même traitement médiatique que leurs comparses masculins. Non seulement on mentionne 2 à 3 fois plus souvent les mots « homme-s » que « femme-s » dans le corpus, mais, je cite : « le langage autour des femmes dans le sport se concentre de façon disproportionnelle sur l’apparence, les vêtements et la vie personnelle des femmes, soulignant une plus grande emphase sur l’aspect esthétique que sur l’aspect athlétique. »

Me semblait ben aussi.

Parmi les mots associés fréquemment et quasi exclusivement aux femmes dans le sport, on trouve « âgée », « plus vieille », « enceinte », « mariée » et « non-mariée ». Pour les hommes, on retrouve davantage des adjectifs comme « plus rapide », « fort », « grand », « réel » et « great ».

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Je ne suis pas surprise de ce constat accablant. Je sens poindre malgré tout un vent de changement quant au traitement médiatique des femmes dans le sport avec les JO de Rio. Peut-être suis-je trop optimiste, mais je sens qu’on en a assez de ce double standard. Pour chaque commentaire sexiste, trois articles et cent tweets sont créés pour le dénoncer. Les palmarès des pires remarques dégradantes pour les athlètes féminines se multiplient. Une chroniqueuse du Guardian a rédigé un petit guide parfait sur la façon adéquate et non sexiste de parler ou d’écrire sur les Olympiennes. Extrait :

DON’T spend more time discussing female athletes’ makeup, hairdos, very small shorts, hijabs, bitchy resting faces, voice pitch, thigh circumference, marital status and age than you spend analysing the incredible feats of strength and skill they have honed over a lifetime of superhuman discipline and restraint.

 DON’T refer to women in terms of men they know, are related to, work with or have sex with. Women are fully-formed, autonomous people who do things. We are not pets or gadgets or sex-baubles.

J’afficherais ceci partout : dans les salles de presse, les studios de télé et de radio, les écoles de journalisme, les gradins des stades et des arénas… Et souhaitons que lors de la deuxième semaine des Jeux, les athlètes féminines fassent les manchettes pour les bonnes raisons.

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Pour écrire à Marianne Prairie: chatelaine@marianneprairie.com

Pour réagir sur Twitter: @marianneprairie

Marianne Prarie est l’auteure de La première fois que… Conseils sages et moins sages pour nouveaux parents (Caractère)

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